Zamdane est un de ces jeunes rappeurs que Youtube a fait exploser. Même si le phénomène est ultra récent, et reste à confirmer, le personnage connait un début de carrière fulgurant. D’origine marocaine, arrivé en France il y a 3 ans, Il se paye le luxe d’approcher le million de vues sur Youtube, et d’avoir tapé dans l’œil de Jean Morel au point de décrocher un Grünt et une interview en à peine 1 an d’existence musicale. Cette semaine sort 20’s, tout premier EP de l’artiste et vraie confrontation avec le rap.On a profité du stade embryonnaire de sa carrière pour évoquer avec lui influences, cannabis et débuts dans la musique.
C’est important dans le rap de parler des origines, de ta ville et des lieux que tu as fréquentés, mais j’ai l’impression que ça perd un petit peu de sens en ce moment. Ça a toujours autant de valeur selon toi ?
C’est important et ça a son influence sur ma personne, quand je suis arrivé en France j’ai eu l’impression de vivre une deuxième vie, et chaque expérience, de ce coté ou de l’autre de la Méditerranée a participé a me façonner. Mon vécu et ma musique sont deux choses intimement liées. Et le fait d’arriver en France par exemple m’a fait développer des cotés qui étaient pas présents au Maroc.
Lesquels ?
Bah par exemple j’ai découvert une nostalgie et une mélancolie que je n’avais pas au Maroc. Le fait de quitter le pays a été un déclencheur, et ça se reflète sur mon personnage et donc sur mes textes parce que j’attache beaucoup d’importance à la sincérité.
Tu dirais que tes thèmes de vie étaient différents au Maroc ?
Ouais, j’étais défoncé fort ! (Rires) J’avais pas le temps de penser à autre chose.
Sérieusement, ça ne remonte qu’à 3 ans mais j’ai l’impression que c’est une autre vie. Un quotidien différent, des fréquentations, une défonce différente. Je me suis instauré beaucoup de limites en France en fait. Là-bas on se laisse plus aller. On y va pendant les vacances avec un cerveau, on revient en France avec une moitié de moins.
J’ai l’impression qu’en plus d’avoir une nouvelle vie en France, tu as aussi démarré une vie musicale de zéro. En 3 ans tu as découvert le rap, commencé a kicker et t’es déjà devenu visible. Tu t’es buté dessus en fait ?
De ouf. J’suis arrivé dans une petite ville de merde que j’ai fini par aimer, et j’y ai rencontré un pote qui kickait. Ça a accroché fort, d’autant plus que je n’avais pas la prétention d’avoir un talent ou un savoir-faire à explorer. Et là pour une fois je me suis dis dit, ouais, y’a un bail, faut creuser. On s’est motivés mutuellement avec mon entourage, je me suis pris quelques claques lors de rencontres, j’ai développé l’introspection dans mes textes. J’ai fini par tout écouter, je ne réfléchissais pas, j’écrivais 3-4 fois par jours, le reste ça m’atteignait pas.
Tes influences, tu as eu très peu de temps pour les digérer, pourtant ton rap ne sonne pas comme un replica facile et un simple condensé que tu recraches. Il y a un truc dans l’intention, dans la simplicité et l’honnêteté qui se détache…
Quand tu fais du son, tu es le reflet de tes influences et de ton vécu, et à la fois t’es prisonnier de ta volonté de t’en détacher. Tu peux prendre l’image d’une pâte à modeler. Si t’es dans l’optique de faire du son qui te reflète, chaque coup de main sur la pâte a modeler va provoquer un changement dans ta musique. Depuis le début je voulais écrire pour toucher les gens, et même aujourd’hui. Ça n’a pas changé et mes textes sont toujours les mêmes, sauf que maintenant on y applique un soin plus professionnel en studio. Par exemple les sons turn-up j’ai plus de mal….
J’ai remarqué qu’il y en avait pas beaucoup sur le projet, à part Rolling up et Mektoub, ça montre que c’est moins naturel maintenant ?
Nan pas du tout, après il y’a quand même une certaine contradiction parce que dans la vie de tout les jours je suis une galère, un gars qui rigole et mes potes te le diront. Pourtant devant une prod ou un mic ce n’est pas ce coté là qui parle et peu de gens le comprennent. Moi mon but c’est de faire ressortir au mieux mes deux facettes, mais j’ai plus accordé de temps et d’importance à mon côté sombre qu’à mon coté golri, joyeux et turn-up que j’aimerais faire plus ressortir par moment.
Cette semaine, tu as sorti l’EP 20’s, sur lequel tu as travaillé avec Pain Surprise, ils représentent quoi pour toi ?
Même si ils sont sur Paris, je les considère comme ma deuxième famille, ils sont toujours là pour m’épauler et je peux compter sur eux, même sur les cotés administratifs. Mais à la base c’est surtout une bonne relation humaine et de travail.
L’influence électro, c’est eux ?
Non, pas du tout. L’équipe de Pain Surprise est arrivée pour la sortie du projet plus que sur la musicalité. Même si au final il se trouve que l’ambiance est proche de ce qu’ils ont l’habitude de faire, c’est produit entièrement en collaboration avec mon compositeur J.I et moi-même. On a taffé sur les prods ensemble dans sa cabane. L’idée était la même a chaque fois : qu’est ce qu’on n’a pas encore fait, sachant que c’était les premiers sons que je travaillais en studio. On a fait de la house, de la trap, y’a des sons drum n bass qui ne sont pas sortis sur le projet… On a voulu toucher à tout.
On sent une volonté de ne pas se cantonner uniquement à une base trap.
Clairement, et c’est aussi parce qu’aujourd’hui dans ce qui se fait j’ai du mal à tout me prendre, à certaines exceptions près. Il y a beaucoup de similitudes, et j’aime pas quand tout se ressemble. Les gens qui m’éclatent le plus sont ceux qui innovent. Un album qui m’a claqué cette année c’est celui de Dinos, en termes de phrasé et de textes. J’ai l’impression que le rap ces temps-ci avait besoin de la sincérité et l’émotion qu’il apporte.
Il a un son particulièrement énervé, Mektoub, sur lequel t’es en feat avec Bliss de la shinobi squad dont vous faites partie, vous allez sortir quelque chose en commun ?
On est encore au début du truc, je les considère comme ma mif et on va travailler ensemble c’est sûr. Mais on évolue vite et l’identité du collectif peut complètement changer.
Ils étaient présents sur ton Grünt d’ailleurs, ça c’est fait comment ?
Jean Morel m’avait partagé et j’ai répondu, ça c’est enchaîné et une proposition de freestyle en est sortie. Premier Grünt du sud, et ça c’est fait super simplement, j’étais fou. Des rencontres comme ça c’est la magie de la vie et Jean Morel c’est un mec en or. Ça fait plaisir et c’est un honneur. Après je fais mon bout de chemin en solo, sans chercher à représenter quoi que ce soit en particulier.
A propos des thèmes abordés, tu parles de la fume avec ses mauvais cotés, alors que la grande majorité des artistes de ta génération n’en parle que dans un sens…
C’est une réflexion personnelle que je m’autorise dans mes textes. Je ne dis à personne comment se comporter avec la fume. Je vois juste ce qui se passe dans mon entourage, certains qui réussissent à concilier travail et consommation, d’autres qui sont carrément tombés dans ce piège. En 2018, on banalise tout. J’arrive dans une soirée y a plus rien qui me choque, l’autodestruction est devenu banale. Et je suis le premier à voir les effets que ça a sur moi concernant le cannabis. Y a des vraies conséquences et je n’ai pas besoin de ça pour avoir de l’inspiration.
La musique, c’est ton métier a temps complet maintenant ?
J’ai arrêté les études cette année avec option de reprise pour assurer mes arrières. J’fais que du son, mais parfois j’y pense en me disant que j’aurais pu faire étudiant le jour et aller au stud la nuit. J’me dis que j’suis un putain de flemmard.
Tu te sens parfois coupable de tout lâcher pour le son ?
C’est avant tout un moyen de s’exprimer. Ça peux être le sport, le curling, la muscu ou n’importe quoi, dans la vie soit t’as une vie de merde soit t’as un moyen de t’exprimer. Je vois des gens qui n’ont rien, pas de passion, juste les études et après ça le boulot… J’préfère encore me voir vivre dans un HLM à Guingamp que de vivre une vie comme ça.
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