Tortoz, de Grenoble à l’Amérique latine

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Date de Sortie : 09 Février 2018

Label : FullG / Urban – [PIAS]

Featurings : Laylow, Ormaz, Anfa Rose

Production : Dioscures

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Tortoz, c’est le rappeur préféré de ton pote. Mais si, celui dont il te parle h24, dont t’a vaguement exploré la page Youtube, pour lui faire plaisir, mais aucune punch’ ne s’était imposée dans ta mémoire. Une première écoute après une soirée enfumée, le gars est chaud ?

Ouai c’est sur, c’est pas un guignol, mais pourtant impossible de sortir un son de sa discographie. T’as beau essayer et reconnaître son talent, le truc ne s’embrase pas. Peut être qu’il manque un rayon de soleil, cette gazoline,  ce « sangre caliente » pour faire péter le truc ‘. Tortoz l’a bien compris, et profiter de la popularité de son meilleur pote Yvick aurait été trop facile.  Il manquait à sa musique un peu de chaleur, de hit, et c’est en Amérique latine qu’il est allé la chercher. Après « Camilla », « Ya tu sabes » et « Mariachi », trois clips qui puent la sangria, les nachos, et la sueur, le G originaire de Grenoble nous propose New Ventura, un premier album cuisiné avec beaucoup d’épices.

Le jeune rappeur n’en est pas à son coup d’essai. Il explose en 2015 avec un clip tourné a Grenoble avec ses potes d’enfance, Samy Ceezy, Juicy et un certain Mister V, déjà en grande popularité, propulsant « Get down » directement au devant de la scène. Le feat, aujourd’hui  un des plus connus de sa chaine youtube 1,7M de vues, peut induire en erreur. Tortoz n’est pas là pour faire de l’humour, ou juste venir faire du rapounais avec le collegue humoriste. Non, le mec est la pour faire de la trap, de l’egotrip, des sons bruts, un peu auto-tunés, toujours agressifs et flamboyants. Un rap qu’il défend dès 2012 avec la Mixtape Overtoz,  un feat  très surprenant avec Vald et suikon blaz ad s’y trouvant. Minuit20, Dans le carré, et fullG feront les armes de l’artiste, l’amenant petit à petit à s’élever de la musique de chambre qu’il faisait au début. Un deuxième feat avec Mister V et ses collègues de Grenoble sort et élargit encore son auditoire avec un son léger et drôle.

En 2018, le timbre de voix n’a pas changé, mais l’attitude n’est plus la même. Le G comme il se surnomme se détache du MQEEBD pour faire les choses a sa sauce, plus dure, plus trap, plus sérieux. Mais il fallait surtout affiner sa marque de fabrique. C’est désormais chose faite, le Grenoblois introduit en France des sonorités d’Amérique du sud, une trap un peu plus caliente, qui apporte un vent de fraîcheur sur sa musique. Un renouveau, une nouvelle aventure, avec New Ventura, Tortoz prend un nouveau départ, avec beaucoup de potentiel.

L’album dans sa globalité est sombre, porté par une majorité de prods signées Dioscures, un beatmaker presque exclusif, qu’il a finement déniché et qui procure a l’écoute une certaine cohésion, une consistance qu’on doit aussi a ses flows qui la plupart du temps s’étendent de couplets en couplets. On regrettera peut-être un manque de singularité, de prises de risques dans la majorité des  ambiances et des intonations qui restent assez communes au style. Un rap brut donc, de flambeur définitivement égo-trip comme a son habitude, mais intelligemment assaisonné par des influences venues de Cuba, de Colombie et de toute l’Amérique latine. Le rappeur s’évade des montagnes et du béton grenoblois pour un peu plus de couleurs, d’équilibre et de profondeur. Une identité de plus affirmée qui lui permettra aux travers de titres comme Camilia ou Marrichi de trouver un nouveau public.

« J’suis rentré dans c’game en salsa, rien à foutre des codes »

L’usage de l’espagnol, de références à la culture locale, et de l’imaginaire latin,  comme la coke, les filles, le flirt, le soleil, le statut d’ombre, est assez bien interprété sans rentrer dans le cliché du rap Netflix à la Narcos, que beaucoup de rappeurs reprennent sans grande inventivité. Un peu plus authentiques, plus mélodiques, les titres de ce genre donnent un timbre au projet, avec une mention spéciale pour le très efficace Ya tu sabes, et les clips tournés sur place. Le reste est un peu moins scintillant mais toujours provoquant, avec deux featurings, l’un avec Ormaz et Laylow, l’autre d’un rendu assez fluide pour une connexion anglophone avec le canadien Anfa Rose sur « Check ».

En vrac, Tortoz place des sons comme « Dieu merci » qui retrace le parcours et le travail nécessaire pour prétendre à une place dans le rap game, ou encore « Le meilleur », » Pour les $$$ », « Holla Yeah » qui reprennent pêle-mêle des thèmes ultra classiques du rap comme la performance, la compétition, l’argent, les filles et la drogue. Un peu plus profond, certains titres évoquent l’ambiguïté dans laquelle se positionne le rappeur. Tantôt s’autoproclamant le meilleur avec aisance, mais sans mentir sur les sombre ruelles qu’il a du traverser pour acquérir son niveau actuel, comme sur « Vite fait », tantôt comparant la galère et les erreurs qu’il a fait, et les choix incertains avec lesquels il s’est confronté avec l’ambition dévorante dont il fait preuve (Rocksta). La musique de Tortoz est assez paradoxale, et ça se ressent également lorsqu’il parle de « Fake Love », falsifiant ses sentiments pour arpenter les courbes d’une chica qui elle ne prête attention qu’a la valeur matérielle de ce qu’il possède. Entre l’attente du succès et le besoin de fructifier, le G n’a pas le choix, il doit frapper fort.

New Ventura s’accompagne d’un documentaire de 15 minutes, dispo sur Youtube destiné a expliquer la construction du projet. Ce dernier n’est pas vraiment futuriste ou novateur, mais équilibré et complet apportant par ailleurs des sonorités nouvelles à une trap très exploitée. Un virage que prend Tortoz, avec la rue du succès inscrite dans le GPS.

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Antoine
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