Six albums, et pas un qui ne se ressemble. Certains l’appellent Monsieur, d’autres poète, Oxmo Puccino est devenu un personnage, un artiste en constant mouvement dont la musique ne cesse d’évoluer. Si bien qu’il laisse des gens sur le bord de la route autant qu’il en gagne. Avec Roi sans Carrosse, l’ex Time Bomb n’aura emmené qu’un nombre de personne limité. Plus conceptuel ? Mais peut-être moins abouti que le précédent, beaucoup de questions se posaient quant à la direction qu’allait alors prendre cette Voie Lactée.
L’album exige un certain nombre d’écoutes afin de l’appréhender comme il se doit. Toujours accompagné de musiciens, on retrouve chez le rappeur une volonté de se créer un univers musical particulier, tout en cherchant à le faire évoluer. Délaissant la Terre pour voir plus large, c’est surtout de la vie d’un homme à la quarantaine bien engagée dont il est question. De sa vie et de sa vision. Du Oxmo en somme. Et là encore, le rappeur réussit à sortir un album à l’identité propre.
De son propre aveu, l’album se veut « plus hip-hop », avec le retour de rythmiques et surtout de drums typiques du rap. Avant tout basé sur de multiples arrangements, les divers instruments se succèdent, la musique évolue de mesure en mesure. Les guitares se répondent, cèdent leur place aux synthés, tandis que les percussions viennent timidement se rappeler à notre présence pour tenter d’enrichir le spectre sonore. Nul doute, l’album est travaillé musicalement et l’artiste se veut le chef d’orchestre d’un chaos ordonné. Oxmo a réussi à créer un monde sur disque. Mais l’identité et la cohésion ne font pas tout, et le voyage proposé n’est pas exempt de déceptions.
« Foufou », c’est peut-être le mot qui conviendrait peut-être le plus au monde qu’Oxmo aimerait nous faire découvrir. « Foufou » dans le sens bon enfant : les thèmes ou la façon dont ils sont traités sont globalement emprunts de légèreté, et l’artiste se laisse aller à des cris étranges et des flows mélodieux. Seulement voilà, quand on évoque le mot « foufou », il est difficile de se détacher du ridicule qui l’accompagne. Et c’est peut-être là l’un des défauts de Voie Lactée, cette folie un peu trop brute pour faire office de porte d’entrée pertinente. Oxmo a beau nous inviter avec les meilleures intentions, la gêne est là, comme si l’adulte qui était devant nous se mettait à pleurer comme un bébé en demandant sa tétine. Trop brute pour se laisser aller au second degré, la surenchère est perturbante, et beaucoup s’abstiendront d’entrer.
Pour ceux qui décident de continuer, s’ouvre à eux la voie lactée. On s’attend à voir l’univers sous nos yeux, c’est seulement Paris qui se dessine à nous, avec la déception qui s’accompagne. Car Oxmo est trop là où par habitude, on l’attend trop (« Amour et propriété »), voire là où l’on ne voit pas l’intérêt de l’attendre, voire où l’on n’espérait pas qu’il irait (« Surprise Birthday »). A vrai dire, le paysage n’est pas moche, seulement, il manque cruellement de relief. Le flow d’Oxmo se veut plus mélodique, plus entraînant, mais perd en impact et en efficacité, surtout quand les compositions manquent elle-même de dynamique. Les rimes s’enchaînent mais ne ressortent pas, tout comme les thèmes qui laisse la désagréable impression qu’Oxmo arrive à la fin. Tout semble au même niveau, le banal comme l’extraordinaire, ce qui complique l’écoute et l’appréciation de ce qu’Oxmo peut faire de mieux.
Ce serait cependant dommage de ne pas tenter le voyage, car le parisien a quelques bons moments à offrir. Contredisant presque tout notre raisonnement, Oxmo trouve le bon ton avec « Ton rêve », abordant l’aliénation du désir avec brio. Contredisant presque, car là encore, la musique pêche, par manque d’envoûtement, par manque de profondeur, peut-être par manque de cette envie de voir les choses en plus grand. Quoi qu’il en soit, si ces manques se ressentent sur l’album, cela n’empêche pas de l’apprécier pour quelques écoutes. Si on avait pu l’espérer plus nuancé, « 1998 » offre un moment de légèreté bienvenu, quand « Un week-end sur deux » s’en sort honorablement malgré le manque d’impact de l’instrumentale.
Oxmo a beau annoncer qu’il nous offrira la voie lactée, c’est bel et bien son visage que l’on retrouve sur la pochette. Ce disque, c’est la mise en musique de sa galaxie actuelle, du quarantenaire posé et heureux qu’il est. Sans la poigne qu’ont pu procurer nombre de ses précédents titres, La Voie Lactée se veut comme un album honorable. Loin d’être révolutionnaire, il a toutefois le mérite de se différencier musicalement de ses prédécesseurs. Et si l’artiste derrière a décidé de se tenir à l’écart de ce qu’il y a de plus sombre ici-bas pour se concentrer sur le bonheur, il a le mérite de sortir un album en cohérence avec lui-même, un album qui peut-être se bonifiera avec le temps, ou bien sera un simple pas de plus dans la carrière d’un ténor du rap francophone.
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