De passage à Bruxelles, les Doppelgangaz nous ont accordé quelques minutes avant leur show, qui a fait transpirer du belge et les quelques frenchies présents à n’en plus finir. Le duo à capes new-yorkais sort son nouvel album Peace Kehd vers la fin de ce mois de février, l’occasion pour nous de revenir sur leur jeune mais dense carrière, leur omniprésence dans tous les secteurs qui les concernent (beats, rap, vidéo), ou leurs fameuses black cloaks, autour d’un café. Noir, bien sûr.
Pour commencer, pourriez-vous vous présenter rapidement, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas les Doppelgangaz ?
Matter Ov Fact : Bien sûr, on est aussi là pour ça. Je suis Matter Ov Fact, et juste à ma droite, vous avez mon gars EP. Et on forme ensemble The Doppelgangaz. Nous sommes de New York, et venons représenter notre ville jusqu’en Belgique, vous voyez, on ne blague pas une seconde.
Si on traduit Doppelgangaz en français, on pourrait obtenir « jumeaux » ou « double ». Est-ce vraiment ce type de relation entre vous deux ?
EP : Complètement, on se voit vraiment comme des doubles. Même si tu peux voir qu’on ne se ressemble pas vraiment physiquement (rires). Mais nos goûts musicaux, notre manière artisanale pour travailler, entre autres choses, nous fait vraiment apparaître comme le même type de personnes. Et dans la vie aussi, finalement. On n’y pense pas vraiment, c’est juste comme ça, naturel. De vrais amis, en somme. Et une réelle alchimie musicale entre deux potes.
Si on creuse encore sur la signification d’un Doppelganger et sur la dualité, comment appréhendez-vous la scène ? Avez-vous, comme certains, cette double personnalité sur scène/en dehors ?
Matters Ov Fact : On peut dire ça ouais ! Tu sais, parfois on arrive juste avant les shows, timides, réservés, et dès qu’on y est, on devient fous, littéralement. Donc ouais, c’est vraiment une autre facette de nous-mêmes que l’on montre sur scène. On est vraiment beaucoup plus calmes dans la vraie vie (rires).
Quand avez-vous commencé la musique ?
EP : On a du commencer à faire de la musique vers 11 ou 12 ans, mais de façon plus sérieuse, et professionnelle surtout, en 2008. Mais on a commencé vraiment jeunes. On l’est encore, mais beaucoup moins.
Qu’est-ce qui a évolué dans vos méthodes de travail, par rapport à vos débuts ?
EP : Et bien je pense que tout d’abord, on s’est grandement améliorés. Le poids des années fait que l’on a plus d’expérience, de meilleures idées, et plus de moyens pour les mettre en place.
Matter Ov Fact : Mais le processus reste le même, EP ou moi-même avons une idée, la soumettons à l’autre, et on marche comme ça. On avance ensemble.
EP : Bon, et ce qui a changé le plus, c’est pas nos méthodes de travail, c’est l’amas de cocaïne et de prostituées dès que les morceaux sont terminés.
Matter Ov Fact : Mais non, qu’est-ce que tu racontes. Rien n’a changé, on avait la coke et les putes aussi quand on avait 12 ans ! (rires)
Vous êtes tous les deux rappeurs et producteurs. Vous avez commencé ces deux disciplines en même temps, dans votre précoce carrière ?
EP : Pas vraiment, nous ne faisions que rapper, au début. On achetait des singles, et comme tout le monde, on rappait sur les faces B. En fait, le déclic s’est effectué dès que nous avons voulu balancer du contenu original, et pas sur les productions des autres. En produisant tes propres titres, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même.
HARK, votre dernier album, nous est apparu comme beaucoup plus personnel que Lone Sharks, celui qui le précédait. Comment vous l’expliquez ?
Matter Ov Fact : Avec Lone Sharks, c’était très important pour nous de faire ressentir notre univers à nos auditeurs, tout le lifestyle qui va avec notre musique, qui n’est finalement pas que de la musique, il y a aussi cette attitude, le fameux black cloak lifestyle. Ceux qui nous suivent ont bien assimilé ça, et avec HARK, c’est un peu le contraire. On a continué à parler de nous, mais de façon à ce que les gens se reconnaissent dans nos expériences personnelles. C’est vraiment une continuité. Les gens connaissent le black cloak lifestyle, qui fait partie de nos personnages, et commencent à creuser un peu sur nos personnalités avec HARK.
Revenons sur ces black cloaks (littéralement : capes noires, ndlr). Quelle est l’idée sous-jacente ?
EP : C’est comme un déguisement, finalement. On se sent en confiance sous nos capes, nous sommes vraiment Matter Ov Fact et EP en les portant. Et comme on le disait, ça fait partie de notre lifestyle et de nos personnages. En y pensant, c’est aussi en partie ça qui a fait que les gens se sont intéressés à nous ! « Mais c’est qui ces deux mecs avec des capes qui font du rap… » C’est nous ! (rires)
Matter Ov Fact : Et au-delà de ça, c’est aussi une façon de dire que peu importe ta façon de t’habiller, les dollars que tu as sur toi ou dans quel restaurant tu vas bouffer, le principal est d’avoir de bonnes idées, et d’avoir la motivation pour les mettre en place. C’est un « costume », ce qui nous différencie des autres, mais il y a aussi l’idée que sous cette cape, n’importe quelle personne peut se trouver.
Et sur scène, vous portez ces capes aussi ?
Matter Ov Fact : On essaie, on essaie ! Pour les concerts en plein air, c’est plus simple. On était en Allemagne hier, et on les a oublié là-bas…donc pas de capes ce soir. Malheureusement.
D’où puisez-vous les atmosphères qui vous caractérisent ? Toujours un juste milieu. Entre joie et amertume, entre son des nineties et musique actuelle…
EP : On nous dit souvent ça sur notre musique, c’est vrai. En fait, nous avons nos influences, celles avec qui nous avons grandi, et toute la musique que l’on a ingurgité lorsque l’on était enfants, sous n’importe quelle forme. Et toute la musique qu’on sample depuis qu’on fait des beats…
Matter Ov Fact : …additionné à tous ce que l’on écoute maintenant aussi ! Ça fait un sacré mélange. Et nous, ça nous fait plaisir quand on décrit notre musique de cette façon, parce que c’est vraiment ce que l’on produit, ce que l’on essaie de faire, avec toutes les inspirations que l’on a.
En parlant d’influences, qui citeriez-vous parmi vos principales, hip-hop, ou pas, d’ailleurs ?
EP : Oh mec…tellement de monde ! Tu sais, on pourrait dire comme tout le monde, les gros noms que tout un chacun est forcé d’avoir dans ses influences, mais on tellement fans de MUSIQUE dans son ensemble… Tout le monde joue son rôle là-dedans, et tellement ont eu un impact sur le mouvement, ou sur la musique des autres. Vraiment, je ne donnerais pas de noms (rires).
Matter Ov Fact : On écoute vraiment beaucoup de musique. Du rn’b, de la musique classique, du jazz, du hip-hop, bien sûr… Pas de name-dropping ce soir, mais large up to music ! (impossible à traduire, celle-ci, ndlr)
Vous êtes de gros chercheurs de samples, c’est vrai. C’était important pour vous de sortir ces deux volumes de Beats For Brothels (albums instrumentaux, ndlr), sachant que vous êtes à la fois rappeurs et beatmakers ?
Matter Ov Fact : Ouais, vraiment, c’est important pour nous de mettre aussi ce genre de projets sur la table, parce que l’un de nos buts, dans la musique, est aussi là-dedans. On aimerait avoir une vue un peu plus large, chapeauter des projets, produire des albums, et pas que les nôtres… On doit aussi montrer que nous sommes aussi bons producteurs que rappeurs, sans prétention, bien sûr.
EP : Les artistes peuvent venir vers nous, on est vraiment capables de prendre un projet du tout début à la toute fin. C’est vraiment quelque chose vers quoi on aimerait s’orienter pour l’avenir.
Vous avez produit d’autres artistes, déjà ?
EP : Quelques-uns. Pas beaucoup, des gens que l’on connaît, pour la plupart. Mais tous sont ressortis avec le même sentiment de satisfaction. On ne fait pas vraiment de « commandes », du moins pas encore, mais oui, ça arrive de temps en temps pour des proches.
Vous êtes donc rappeurs, producteurs, et c’est encore vous qui êtes à la réalisation de vos vidéos. Elles rajoutent quelque chose à votre atmosphère ?
Matter Ov Fact : Je pense, ouais. Et nous, ce qu’on aime dans la musique, c’est explorer des passages différents, toutes les voies qu’il est possible de prendre. Ce qui est bien avec la vidéo, c’est que tout ça se multiplie par dix, cent, et que l’on peut apposer tous les univers que l’on veut.
La vidéo, c’est aussi l’arme de ces années du réseau social, pour toucher beaucoup plus de monde…
(en chœur) : Complètement (it iiiiis, ndlr).
EP : C’est l’une de nos armes les plus puissantes, pour nous Doppelgangaz. C’est vraiment grâce à cela que l’on a eu l’exposition que l’on a maintenant. Mets juste un morceau sur internet, tu aura des retours, mais mets une vidéo, même basique, et tu aura tellement plus de monde… C’est triste, mais c’est comme ça.
Vous faites partie de cette nouvelle génération qui a un gros succès dans toute l’Europe. Dans quels pays avez-vous déjà joué ?
Matter Ov Fact : On adore l’Europe, vraiment. On était hier en Allemagne, comme je te le disais, sinon on a fait la France, la Suisse, l’Angleterre, le Danemark, les Pays-Bas… Et ça bouge vraiment, le continent vit hip-hop.
En France, on connaît beaucoup de rappeurs US, mais vous, connaissez-vous des rappeurs français ?
EP : (rires) Oh mec, attend, je ne crois pas…
Personne ?
EP : Attend…un mec…son blaze commence par un B.
Booba ?
EP : Ouais, Booba, j’ai entendu parler de Booba.
Il vit à Miami, a fait un featuring avec 2Chainz…
EP : Oh, ça doit être pour ça alors. Je vois sa tête, là !
Reprenons, y aura t’il un troisième volume de Beats For Brothels ?
Matter Ov Fact : Ah ouais, complètement, on est en train de préparer ça pour vous l’envoyer en 2014, en espérant que les retours soient aussi positifs que sur les deux premiers.
Vous avez déjà dévoilé « Holla x2″, premier extrait de votre nouvel album Peace Khed, vous nous parlez un peu de cette sortie ?
Matter Ov Fact : On a sorti ce premier extrait audio, et la vidéo devrait suivre très bientôt (elle est depuis sortie, et à mater ci-dessous, ndlr). On est vraiment satisfaits de ce nouvel album, qui est pour nous dans l’air du temps tout en faisant toujours référence à ce que l’on aime, comme on disait tout à l’heure.
EP : On a essayé de capturer des moments rares et d’en faire un instantané. On est vraiment fiers, comme le disait mon collègue, et on espère que le public nous suivra dans nos délires. Ça sort le 18 février, partout dans le monde. Worldwide.
Quelles sont les différences majeures, pour vous, entre ce nouvel opus et HARK ? Ressent-on une évolution comme avec les deux précédents ?
EP : Bien sûr, nous sommes toujours dans l’évolution. Dans la progression, même, on essaie à chaque fois que l’on enregistre ou que l’on joue, d’être meilleurs que la dernière fois.
Matter Ov Fact : On a beaucoup travaillé sur la technique. Dans la production, notamment. Le mix, aussi, très important, le mix. On veille là-dessus, on y jette un oeil un peu plus attentif, alors qu’auparavant on ne s’en occupait pas vraiment. On essaie d’être meilleurs, encore, encore et encore, à tous les niveaux.
Merci les mecs, c’était cool. Rien à ajouter ?
EP : Si ! On le répète, le 18 février sort Peace Kehd, et il faut vraiment que vous vous le procuriez, par tous les moyens nécessaires (rires). Et il y aura tous les formats possibles : CD, vinyle, digital, pirate… N’oubliez pas de nous suivre sur les réseaux Facebook et Twitter, et abonnez-vous à notre chaîne YouTube, on va balancer de la vidéo en pagaille cette année. Thanks !
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