Hyacinthe est un boys band à lui tout seul

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©Martin Colombet

Début 2014, nous rencontrions Hyacinthe pour la première fois, accompagné par ses frangins de DFHDGB. Depuis, le rappeur parisien a clairement affiné son style, sorti deux projets solos, et a commencé à faire ses armes en live. Trois ans et demi après, il était temps de faire le point sur sa vie et sa carrière, tout en disséquant la conception de Sarah, et en discutant, entre autres, de chanson française, de boys-band, de James Dean, ou encore du rapport que Hyacinthe entretient à son public.

Comment tu envisages ton évolution depuis la dernière interview qu’on a faite ?

Il s’est passé pas mal de choses… J’ai sorti un projet fin 2015 qui a eu un vrai petit succès d’estime, et ça c’était cool. Là, c’est à la fois la fin d’un cycle et le début d’un nouveau. C’est la première fois qu’il y a une équipe autour de moi, et que ça va être distribué en magasin. Ça reste vachement do it yourself dans la manière dont c’est fait, mais il y a plus d’enjeux, plus de pression. C’est un gros palier. C’est le moment un peu bizarre, où ce qui était un hobby, même si je le pratiquais sérieusement, est en train de se transformer en métier. C’est un nouveau monde pour moi. Mais c’est que du positif.

Justement, j’ai vu que tu travaillais maintenant avec Wagram.

Oui, les choses ont bougé après Sur la route de l’Ammour 2, qui n’a pas explosé les scores, mais qui a quand même pas mal tourné. Du coup grâce à cela, j’ai pu travailler avec des gens à qui je n’avais pas accès avant. Je pense à Nodey, King Doudou, Shkyd, Yan Vandoren, Sébastien Forrester. Après il y a toujours la famille autour.

Du coup la méthode de travail était la même, mais via ces rencontres, j’ai pu un peu ouvrir mon son à d’autres horizons, chercher des nouvelles choses. L’album (ndlr : Sarah) a été fait en un an, entre la sortie de Sur la route de l’Ammour 2 et fin 2016. C’est en fait après avoir terminé ce nouvel album que j’ai été approché par plusieurs labels, dont Wagram, qui étaient hyper chauds. En fait je leur ai apporté un album fini, avec deux clips de tournés, et ils ont pris le relais pour pousser le truc, avoir plus de promotion, et de meilleures conditions de travail. Mais le projet aurait été exactement le même si il avait été fait sans maison de disques.

Ça t’a donc ouvert un certain réseau ?

J’avais un début d’équipe au moment de Sur la route de l’Ammour 2, mais c’était embryonnaire. Maintenant il y a des attachés de presse, des commerciaux… Ils tentent de prendre ma vision et de l’emmener plus loin. C’est assez stressant de sortir un disque, même si ça ne se voit pas forcément de l’extérieur, et cette configuration est bénéfique pour moi parce qu’elle me décharge d’une certaine pression. Du coup je suis déjà en train d’enregistrer de nouveaux morceaux, j’en ai trois ou quatre de prêts, ce que je n’aurai pas pu faire au moment du précédent projet. Ça va me permettre d’enchaîner plus rapidement.

Sur Sarah, on sent une vraie évolution dans ta musique. Sur les 5 ou 6 premiers titres, ça ne kicke presque pas, puis le cœur de l’album est plus rap. Est-ce que cette construction était pensée en amont ?

Depuis 2013 j’essaye de chanter, mais j’ai sorti assez peu de sons de ce genre, car je ne les trouvais pas assez bons, ni en chant, ni en interprétation. La première bribe de ça, ce serait « Strip Club ». C’était un peu maladroit, je ne savais pas encore trop comment faire, mais ça se tenait à peu près. Ensuite il y a eu « L’ennui ». C’est le premier morceau où c’est venu tout seul. Il y a eu une sorte de déclic, même si c’était encore un peu tâtonnant.

Mais oui, c’était la direction que je voulais suivre. Je voulais chanter davantage mais je ne voulais pas faire ça de la même façon que tout le monde. J’ai essayé de trouver ma propre formule plutôt que d’en copier une pré-existante.

D’ailleurs, depuis deux ans, j’écoute de plus en plus de chanson française. Ça m’a ouvert plein de perspectives que je touchais un peu de loin, et plein d’autres façons de poser ma voix. Tout ça vient se mélanger à ce que tout ce qu’il y avait de rap et d’électronique dans ma musique. Ça commence à devenir plus personnel.

Il y a quelques temps, je t’ai vu relayer pas mal de morceaux de Bashung. Ça fait partie de ces nouvelles influences ?

A fond. Ça fait partie de ce que j’écoute beaucoup. Après, j’aime aussi beaucoup Christophe, Biolay évidemment… Dernièrement, j’ai beaucoup écouté Benjamin Biolay. Je suis en train de me chercher en fait. J’essaye de me libérer un peu de certaines influences pour faire quelque chose qui me ressemble, et pas juste faire ce que j’aime chez les autres. A la fin, ça donne quelque chose qui est différent de ce que j’écoute réellement.

Après il y a effectivement un cœur rap dans l’album. Un morceau comme « Plus de plaies », c’est vraiment du Hyacinthe classique. Peut être en un peu mieux qu’avant.

Après même dans les morceaux les plus rappés, il y a des influences gabber, hardstyle, etc.

Oui, c’est vrai. J’écoute de plus en plus ce genre de trucs… Après si tu regardes, via Krampf, il y a toujours eu des trucs un peu étranges, des synthés trance, etc. Ça fait partie de l’identité musicale DFHDGB. Mais c’est vrai qu’on a poussé le truc encore plus loin. Je suis à une étape où je suis moins dans les codes purement rap. Après on est des gars du rap, on a l’impression de faire un truc ultra pop mais si tu fais écouter le morceau le plus chanté de l’album à des gens de la pop, ils savent qu’on vient du rap.

Sur cet album j’ai aussi eu un vrai rôle de chef d’orchestre. Il n’y a que deux morceaux avec un unique producteur. « Seul en toi » avec Shkyd, et « Le regard qui brille » avec King Doudou. Tous les autres morceaux sont faits avec deux, trois ou quatre producteurs. Après avoir fait une ébauche avec un producteur, j’avais parfois le sentiment qu’il manquait un élément, mon travail c’était de réfléchir à qui apporter ce morceau pour le rendre encore meilleur. Parfois c’était à Krampf, parfois à Nodey. J’ai vraiment essayé de jouer avec ce panel de producteurs pour trouver un son un peu unique.

Justement, comment s’est passée la construction d’un morceau comme « Sarah », qui a une structure assez particulière ?

« Sarah » c’est vraiment le premier morceau du disque où je me suis dit : « Ok, c’est vers là où j’ai envie d’aller ». Avec Nodey, on se tournait un peu autour, on arrivait pas à faire de la musique ensemble. On se connaissait, au départ il n’était pas ultra réceptif à ma musique, mais il a vraiment aimé « L’ennui ». D’abord il m’a envoyé des productions, mais je n’arrivais pas à trouver le truc.

Plus tard, on s’est croisés en concert et on s’est dit qu’on devrait essayer de bosser ensemble, en direct. On s’est fixés un rendez-vous, et on a fait la base de « Sarah » en trois heures. La structure du morceau était déjà là. Il y avait déjà ces montées mais elles étaient un peu moins vénères. J’ai emmené le morceau à Krampf et c’est lui qui a fait les montées bruitistes et qui a rajouté des éléments à la fin. J’ai beaucoup travaillé en ping-pong. Et c’est souvent Krampf qui a fini les morceaux.

Est-ce représentatif de la manière dont ont été faits la plupart des morceaux ?

Oui, par exemple pour un morceau comme « Avec nous ». J’ai d’abord posé mes couplets sur la prod’ de départ, qui était assez classique : sample, kicks, snares. Ensuite les Pirouettes ont posé le refrain. Le morceau a été envoyé à Krampf qui a rajouté des synthés, qui a rejoué la mélodie, l’a enrichie. La plupart des morceaux se sont faits comme ça.

Sur cet album, je me suis permis d’être plus ambitieux. C’est aussi parce que j’avais plus prouvé, et ça m’a permis d’avoir plus de temps avec les beatmakers. Je me suis permis des choses que je n’aurai pas faites avant. Par exemple, à la fin du morceau avec les Pirouettes, c’est moi qui fait les espèces de chants de baleine, avec de l’autotune ! J’ai eu un lâché prise sur cet album que je n’avais jamais atteint avant.

©Martin Colombet
A l’époque, L.O.A.S déclarait (dans une interview de Captcha Magazine) que vous ne faisiez pas d’autotune parce que vous ne saviez pas faire. Aujourd’hui, c’est un outil que tu utilises. Est-ce que tu sens que ça t’ouvres de nouvelles possibilités ?

Oui, après je ne veux pas m’enfermer et ne faire que ça. J’aime bien l’utiliser quand je sens que ça apporte quelque chose à une chanson. Mais c’est vraiment un outil que j’adore. Je pense que mon album préféré c’est le 808’s and Heartbreak de Kanye West. J’étais fan du Mala de Himalaya

Avant, c’était surtout qu’on arrivait pas à l’utiliser de la bonne façon, mais je pense qu’aujourd’hui on a trouvé un truc. On l’utilise comme un effet stylistique et pas comme un cache-misère parce qu’on ne sait pas chanter.

Il me semble que c’est le reproche que faisait Pure Baking Soda à Booba il y a quelques temps. Il qualifiait ça d’effet cache-sexe.

C’était une époque où Booba se cherchait. Sur Futur, Futur 2.0 et même sur D.U.C, tu sens qu’il tente des choses, mais que parfois il se casse la gueule. Mais aujourd’hui sur des morceaux comme « DKR » ou « 92i Veyron », je le trouve rayonnant. Je pense qu’il faut aussi autoriser les artistes à avoir des périodes où ils cherchent des trucs…

Oui, après on l’autorise moins à Booba, justement parce que c’est Booba.

Clairement. Après même dans cette période de recherche, il y avait des morceaux magnifiques. Moi j’adore le son « Futur » par exemple.

Tu as conservé une certaine cohérence dans le choix de tes featurings sur ce disque. Est-ce que tu peux nous expliquer tes choix ?

Déjà, il y a Ammour. Ce n’est pas la plus exposée du crew, mais c’est ma meuf, et on a déjà collaboré ensemble. Là, c’est notre premier vrai duo. L.O.A.S, je n’ai pas besoin de l’expliquer, c’est la famille.

Laylow ça date de l’année dernière, on voulait faire un son ensemble, mais on ne savait pas quoi en faire. Je n’avais pas fini mon album à ce moment là, on en a discuté et je l’ai gardé pour le disque. Laylow je le trouve vraiment fort, j’ai de l’admiration pour ce qu’il fait. Il est vraiment en train de creuser son son, et c’est un mec cool accessoirement.

Les Pirouettes nous ont été présentés par Kevin El Amrani qui a fait quasiment tous leurs clips. Je trouvais ça cool de faire un vrai featuring rap-pop mais qui ne soit pas forcé. C’est devenu des potes ! J’aime vraiment ce qu’ils font, une chanson comme « Je nous vois », c’est une vraie petite pépite. L’objectif de cette chanson, c’était de faire une version actualisée des featurings rap-r&b des années 90. Ce qui est marrant c’est que tout le monde s’attend à un morceau cheesy, et c’est finalement un des morceaux les plus durs de l’album, c’est un morceau qui griffe.

Et par rapport à Jok’air, ce qui est intéressant, c’est que par rapport à vos évolutions respectives, c’est vraiment le moment où la collaboration apparaît comme la plus logique.

Jok’air et Davidson, dans les mecs exposés, c’est vraiment les seuls qui nous ont donné de la force. J’ai pris mon temps pour refaire un morceau avec lui car j’avais besoin de me prouver un peu des choses avant. Ça aurait été trop facile de me dire « tiens j’ai un pote qui est connu » et de refaire un feat avec lui à chaque album. Je kiffe vraiment ses morceaux chantés.

Oui, tout ce qu’il fait depuis « La mélodie des quartiers pauvres » en gros …

Oui, cela dit on a enregistré « La nuit les étoiles » avant la sortie de « La mélodie des quartiers pauvres« . C’était l’été 2016. Je ne sais pas si il avait enregistré son morceau à ce moment là, je ne crois pas. Mais à l’époque il y avait déjà « Les princes de la ville », etc. Ce qui m’intéressait chez lui, c’était vraiment ce grain de voix, cette interprétation. Du coup je lui ai envoyé une production, j’ai posé un couplet…et je ne trouvais pas le refrain. On enregistrait chez Nodey, et c’est 5 minutes avant que Jok’air arrive que je trouve le refrain. Ensuite il pose un couplet, on discute, on boit des bières, on fume des joints, et il pose un second couplet… Puis on arrive avec un pré-refrain… En fait tout s’est fait de manière super naturelle.

Je suis content parce qu’il s’est vraiment impliqué, que ce soit pour le morceau et pour le clip. Il a vraiment joué le jeu. Il n’y a pas beaucoup de rappeurs qui auraient accepté qu’on leur dessine des petites larmes pour un clip. Il est resté tout le long du tournage alors que ça a fini hyper tard.

Thématiquement, c’est la première fois que tu parles autant de ton père, en lui consacrant un morceau.

Oui, je l’avais fait par bribes mais ce n’était pas aussi développé. Dans cet album là, j’avais envie d’être plus direct, que ce que je raconte soit moins subliminal. « Sur mes paumes », typiquement c’est un morceau qui est sorti en dix minutes. C’est aussi parce que c’est un album où je fais un peu le bilan, celui où je passe de la post-adolescence à l’age adulte. Je ne suis plus ce mec de 22 piges qui vit chez sa mère, qui fait un peu de rap et qui continue des études. Ça ne veut pas dire que je sais où je serais dans 6 mois, dans un an ou dans deux ans. Je ne sais même pas où je vais habiter dans trois semaines. Mais j’en suis à un point où j’ai envie de mettre des mots sur différentes étapes de ma vie, il y a quelque chose d’un peu thérapeutique à ça.

Après à chaque album, j’essaye de creuser un peu plus en moi. Il y a peut être un peu moins de pudeur sur cet album que sur la mixtape d’avant.

Tu as fait un morceau qui s’appelle « Avec nous », dans « James Dean » tu dis « Maintenant les filles trouvent que je ressemble à James Dean … ». Tu reviens par bribes sur cette thématique à plusieurs reprises, qu’est-ce que ça change ce début de célébrité pour toi ?

Il y a deux choses : d’abord, c’est la première fois que je fais de la musique en ayant conscience qu’il y a des gens qui m’écoutent. Avant j’avais juste l’impression d’être suivi par une vingtaine de mecs sur Twitter. Après on a fait quelques concerts l’année dernière, et en voyant le public, je me suis rendu compte que je suis devenu un peu important pour des gens. Qu’il y a des gens à qui ma musique peut faire du bien.

Deuxièmement, dans ma scolarité et dans ma vie en général, j’ai toujours été le mec tout chelou, au fond, qui parle à peu de gens, qui n’a pas trop d’amis. C’est vraiment depuis deux ou trois ans que je commence à avoir une vie sociale, des cercles d’amis, qu’il y a des meufs qui commencent à me tourner autour parce qu’elles écoutent ma musique. Quand je dis « parce qu’elles trouvent sexy mes plaies », c’est vraiment par rapport à ça. Maintenant quand je rentre dans une soirée un peu hype, il y a des meufs de tumblr qui te reconnaissent et qui viennent te parler. C’est bizarre. Je suis juste un mec qui fait de la musique dans sa chambre et des clips à 500 euros.

On parlait de musique un peu fusion plus tôt. On retrouve pas mal ça dans le grime, est-ce que tu en écoutes ?

En réalité, je connais très très peu. Mon manager Damien en écoute pas mal, il m’envoie des prods d’obscurs mecs de Bandcamp pour que je pose dessus. Je ne l’ai pas encore fait, mais ça peut arriver, on ne sait jamais. Mais non je connais très mal, je suis trop occupé à écouter Gérard Manset.

A une époque, tu disais t’impliquer assez peu dans la conception des clips. Est-tu toujours dans cette logique ?

Je fais toujours confiance aux gens avec qui je travaille, mais je m’implique plus. Mais dernièrement j’ai pu essayer plein de trucs graphiquement. On passe de « Meurs à la fin », qui n’a ni queue ni tête, à « L’ennui », où d’un coup je ressemble à Antoine Doisnel. En faisant tout ça, j’ai pu identifier ce que je préférais. Un clip comme « Sur ma vie », que j’ai fait avec Anna Cazenave, j’ai donné quelques idées, et il y eu un peu de ping pong. Même chose pour « Le regard qui brille ».

Je commence à savoir mettre des mots sur mes envies graphiques même si je laisse beaucoup de liberté aux réalisateurs.

©Martin Colombet
En parlant d’identité graphique, je t’ai vu poster pas mal de photos depuis Tokyo. Est-ce que tu aimes l’identité visuelle de cette ville ?

Un de mes meilleurs potes, Pierre, qui a fait quasiment toutes mes photos de presse jusqu’ici, et la pochette de Sur la route de l’Ammour 2, il habite là bas. C’est la deuxième fois que j’y vais, et le délire nuit/néons, et des quartiers comme Kabukicho, ça me parle beaucoup.

Le premier freestyle Ventoline, je l’ai écrit là bas. D’où les lyrics « Perdu dans la ville » … Du coup on a fait un calendrier spécial Tokyo là bas, ainsi qu’une photo pour un poster. C’est des choses qui seront mises dans des packs spéciaux proposés avec l’album (déjà sold-out, ndlr).

Tu joues beaucoup avec l’image boys-band !

Oui, il y avait cette chanson de Renaud qui disait « Je suis une bande de jeunes à moi tout seul ». Et bien moi, je suis un boys-band à moi tout seul.

Il y a pas mal de récurrences dans le lexique que tu emploies, des mots comme perdu, tristesse, ciel, étoiles, etc. Est-ce que tu t’en rends compte ?

Je me rappelle d’une discussion avec Krampf, pour la précédente mixtape. On nous demandait de quoi allait parler ce projet, et Krampf avait répondu : « Vous savez les gars, il parle toujours des mêmes trucs en fait. C’est juste que les productions seront meilleures et le disque plus maîtrisé. » C’est un peu ça… J’ai mes thèmes de référence, et donc mon lexique de référence.

Ce truc de mélancolie est toujours hyper présent sur ce nouveau disque, mais j’ai l’impression d’avoir laissé rentrer plus de lumière. Il y a un côté moins accablant qu’avant. J’habitue les gens à ce qu’il y ait un peu de lumière pour le jour où je me mettrai à faire de la zumba.

Tu as fait un morceau qui s’appelle James Dean. Est-ce qu’il t’intéresse en tant que symbole ?

Il m’intéresse parce qu’il est ultra beau-gosse. Je me bat chaque jour pour essayer d’être aussi beau que lui. Je pense qu’un jour je vais réussir. Vers 2013, quand on tournait les premiers clips avec L.O.A.S,  je ramenai des photos de James Dean imprimées sur des feuilles A4 à la coiffeuse, et je lui disait que je voulais ressembler à ça.

Tu dis « Tu te reconnais dans mes sons, c’est peut être qu’on a la même âme ». Est-ce que tu as l’impression d’incarner un truc un peu générationnel ?

Ça, c’est plus la répercussion des concerts. Je me rappelle d’un live à la Maroquinerie, en juin 2017. C’était mon premier vrai concert solo. Maintenant je suis absolument seul sur scène, sans DJ. Juste avec une pédale à effets. Et quand j’ai fait « Sur ma vie », j’ai senti qu’il y avait une espèce de communion, qu’il y avait des choses là dedans qui représentait quelque chose d’important pour les gens. Parfois quand je vois des gens de mon public, j’ai l’impression de me revoir en jeune. Je pense qu’il y a des gens qui se reconnaissent en moi parce qu’ils voient qu’on se ressemble, qu’on a traversé les mêmes trucs.

Est-ce que tu te verrais aborder les mêmes thèmes dans dix ans, ou plutôt vieillir avec ta musique ?

Ma musique suit ma vie, je ne pense pas parler des mêmes choses qu’il y a deux ans. Il y a des choses qui ont disparu, d’autres qui ont fait leur apparition. Je suis assez mauvais pour la fiction, tout ce que je sais faire c’est raconter ma vie. Du coup, je raconte à chaque fois un peu la suite de ma vie.

Je fais quand même attention à faire évoluer mon champ lexical avec le temps. Mais je m’autorise à avoir un champ lexical précis pour un projet. Pour lui donner une cohérence. C’est aussi pour ça que je me suis autorisé à parler 50 fois d’étoiles dans ce nouvel album.

J’espère que dans dix ans j’aurais évolué, mais que j’aurais conservé une certaine naïveté dans ma musique. Devenir cynique, ça arrive très vite quand on fait de la musique.

J’ai un petit parallèle à te proposer, avec Jean Eustache. Eustache a réalisé un film qui s’appelle La Maman et la Putain et qui fonctionne sur un triangle amoureux auto-fictionnel. Il fait jouer son propre rôle à Jean-Pierre Léaud, à qui on te comparait physiquement. Bernadette Lafond joue le rôle de sa copine du moment, qui est elle même directrice artistique du film. Et sa maîtresse joue le rôle de la deuxième fille. La fiction et la réalité se mélangent complètement. So Film décrit Eustache de cette manière : « Derrière Eustache, se cache un réalisateur qui n’a jamais cessé de confondre ses femmes, ses errances parisiennes, ses déprimes, ses alcools forts et ses envies d’absolu romantique avec ses films. ». Ça te ressemble un peu, non ?

J’avoue que ça colle pas mal. Ce truc d’auto-fiction, ça ressemble à ce qu’on fait. Je raconte ma vie mais je m’autorise de la poésie. Dans « Arrête d’être triste », je raconte ma vie dans les couplets, et sur le refrain, je m’autorise une envolée poétique.

Dans ta musique, on a toujours senti un truc très impulsif, que tu conserves toujours aujourd’hui. Et pourtant, on a l’impression que tu sens de plus en plus où tu vas musicalement. Est-ce que tu arrives mieux à imaginer la tonalité des disques d’après maintenant ?

Oui… Enfin achetez ce disque d’abord, j’ai passé du temps à le faire. En général, c’est toujours pareil, tu te fixes une direction, tu te perds en route, et tu trouves de nouvelles choses en chemin. Mais oui, là, dans le disque, il y a pas mal de choses, de directions différentes, et je sais déjà ce que j’ai envie de développer, de faire en mieux.

Là c’est cool, on est partis avec Nodey quelques jours sur une île en Bretagne, et je commence déjà à avoir de nouveaux morceaux. J’ai des idées en tête pour la suite, clairement.

Et du côté DFHDGB ?

Il faut qu’on refasse un projet avec L.O.A.S. On avait commencé, mais pour des questions d’ordinateur qui brûle, on a tout perdu. C’est sur qu’on va le faire. Pour le moment, ce n’est pas lancé, car nos calendriers ne coïncident pas. Le moment où il pense à son nouvel album, je sors le mien… Au bout d’un moment, on va se donner un temps pour retravailler vraiment ensemble en bloquant des dates. C’est important de le faire pour notre histoire commune. Il reste à faire un album de chacun avant que ça arrive. Ce qui n’empêche pas qu’on sera chacun sur les disques de l’autre. Et il sera à La Boule Noire avec moi le 12 octobre. Prenez vos places.

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