Für Das Luv Es, La Déclaration d’Amour de Shuko

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Replacer l’Allemagne on the map dans le rap nous ramène directement à un nom : DJ Tomekket ses fameux guest outre-atlantiques du début des années 2000 (GZA et Prodigal Sunn sur « Ich Lebe Für Hip Hop » ou Lil Kim sur « Kimnotyze« ). Mais disons-le, on aura beau admirer l’Allemagne comme Emmanuel Petit ou Zaz, l’allemand, même sur du gros beat, c’est assez indigeste (même quand Flavor Flav se lance dans un ich lieb dich). Certains feront remarquer que l’Allemagne a toujours été présente dans ce rap européen jeu, et même dans les heures sombres du rap français (doit-on reparler du fameux No Se – Menelik ?).

Le rap allemand n’a rien à envier des scènes françaises et anglaises, mais au même titre que le rap français, il reste cantonné en local et ne s’exporte qu’en Suisse. Si DJ Tomekk est l’un des premiers à avoir tenté l’aventure sur des collaborations US, beaucoup depuis lui ont emboîté le pas : les Snowgoons bien évidemment, avec leur style militaro-bourrin bien ostrogoth, mais aussi d’autres à la culture bien plus funky. A ce titre, Shuko est au rap allemand ce que Guts est à sa variante française, un producteur à la vibe plus festive et funky que le traditionnel rap grisé. Histoire de pouvoir mettre des beats sur son blaze, Shuko nous livre son projet avec l’ajout d’une tracklist bien US comme il est maintenant coutume de faire dans ce beatmaker jeu.

Shuko est surement un nom qui ne vous dit rien, et on peut penser qu’il ne vous en voudra pas, puisque l’homme a toujours oscillé entre sa scène locale et les US, lâchant avec parcimonie quelques prods à des artistes tels qu’OuterspaceKeith Murray ou Talib Kweli. Comme beaucoup, il est donc l’heure de sortir de l’ombre rassurante du deuxième plan pour passer sous la lumière, et espérer à sa carrière de nouvelles perspectives. For The Love Of It n’est pas son premier coup d’essai, mais il n’en reste pas moins son plus conséquent. Loin de vouloir rentrer dans la catégorie débarras musical, Shuko a la clairvoyance de ne pas chercher à nous étouffer de son talent là où certains pensent que le remplissage est un gage de qualité. On se dit aussi que de faire venir des MC’s tels que B-RealGrand Puba et CL Smooth ne doit pas se faire grâce à un prêt à taux zéro et qu’en conséquence, le retour sur investissement se doit d’être optimum, autant faire les choses le plus proprement possible.

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Par méconnaissance, et vu le listing des artistes, on pouvait s’attendre à s’emmerder sur du boom-bap tout rincé soit disant street, et qui rend hommage au gratin habituel (DJ PremierPete Rock, etc), la soupe insipide que nous servent tous les beatmakers actuels qui se livrent à ce jeu, un exercice traumatisant capable de vous rendre anxiogène comme A-Villa et son Carry On Tradition. A défaut d’être un classique, l’album de Shuko a le mérite de nous sortir de ce cycle déprimant pour revenir sur des bases plus festives et funky. La comparaison avec Guts n’est pas anodine, puisque l’on retrouve dans For The Love Of It à peu près la même recette que sur le Hip Hop After All du français. Des productions musicales qui allient assez bien les crossover rap et R&B, et qui donnent donc un intérêt réel à cet opus. On pourra dire que contrairement à Guts, Shuko reste un peu trop homogène dans la réalisation de ses tracks, avec cette impression d’écouter toujours le même titre. Un sentiment de lassitude qui ne doit tout de même pas enlever à cet album tout son intérêt, car de bons moments il y a, si l’on accepte de prendre cet album comme il se doit, c’est-à-dire un moment de musique simple et sans prise de tête.

L’album s’ouvre sur « Allow Me » , une ambiance complètement en accord avec son invité de marque Evidence. Le ton est donné dans ce son bien groove et pêchu, un petit brin de soleil dès le départ qui donne le ton. Les plus francophones remarqueront la présence de 20Syl, de quoi préciser que Shuko a souvent collaboré avec des MC’s français (Nessbeal ou encore Keny Arkana). « Heatwave » continue dans cette tendance mettant en évidence un Talib Kweli bien moins chiant qu’à son habitude, il faut dire que le hook de la chanteuse allemande Leslie Cliodonne le ton. « Be Yourself » finira de vous persuader ou non de l’intérêt de cet album, avec un Blu qui ne se perd pas dans ce titre au BPM impulsif et au sample vocal bien avisé. Si ces 3 tracks ne vous ont pas du tout emballé, stoppez direct l’écoute, car le reste est de la même trempe, que ce soit B-Real sur « Pull The Trigger » ou Grand Puba sur « Regrets ». Mais avant de quitter l’écoute pour de bon, faites l’effort d’écouter Vinnie Paz sur « Change Gonna Come », le truc est aussi improbable que Ken le Survivant au pays des Bisounours, cela en devient une obligation, au moins pour la déconne. Pour ceux que l’ambiance emballe, le reste devrait s’enchaîner sans contrainte, la redondance se créant après plusieurs écoutes, on regrettera de ne pas avoir eu un track plus travaillé sur « Regrets » d’avec Grand Puba ou « Grind » pour la seconde participation de Blu.

Comme un putain d’arc en ciel au-dessus des Marcy Projects, le producteur Shuko se lance dans l’arène des albums projets en y mettant la couleur et la musicalité. Plus havin’ fun que murderer, l’album est un clin d’œil qui nous rappelle que le rap dans sa forme traditionnelle ne consiste pas seulement à déambuler dans les allées d’un deli, baggy au genou et flingues en l’air, tout ça pour acheter de la bière pourrie dans un conteneur en plastique. On peut donc s’amuser en faisant du rap et pour ça, Shuko sait nous le rappeler.

Disponible à l’écoute ci-dessous, et à l’achat sous tous les formats par ici.

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Thadrill
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