Fizzi Pizzi, du fait maison.

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Cela fait un moment que l’équipe Dufaitmaison s’immisce subtilement dans nos coups de cœur et playlists… Dernière sortie en date, le clip du morceau La Pièce, que nous avions présenté ici. Belle occasion, que le passage sur scène de Fizzi Pizzi à Canal 93 dans le cadre du festival Bobigny Terre (s) Hip-Hop, pour s’entretenir avec lui et quelques uns des membres du label, Morne Rouge,  Florence Stoëhr, scénariste, et Nordine Oulmi, réalisateur. Accueillis chaleureusement par toute l’équipe après le concert, c’est entouré des familles, amis et enfants que nous démarrons l’entretien. Trois générations réunies autour du rappeur au sweat rouge. Convivial et drôle, petit tour d’horizon de la famille Dufaitmaison. Big up, Peace, Etc…

ReapHit : Tu reviens très régulièrement dans tes textes sur le passé et tes débuts dans le rap. Mais la majorité de ton public t’a découvert très récemment. Tu nous expliques ? 

F.P : En fait, mon frère était l’un des premiers à avoir un sampleur sur Bobigny. Boogy – mon backeur de ce soir – venait apprendre à se servir du matériel à la maison. Il débarquait souvent avec Nakk et Armand des Soldafada, et moi, j’étais derrière, je grattais à la porte pour voir ce qui se passait. C’est là que je me suis intéressé au rap français. J’ai commencé à écrire vers 12-13 ans et… c’était nul ! (rires). Du coup, le plus souvent, je rappais les trucs que j’entendais, en fait. Je me suis dit que je pouvais sérieusement me mettre à écrire 2 ans plus tard.

Tu enregistres tes premiers textes ?

F.P : Au début, on enregistrait avec le haut-parleur du casque (il regarde son frère) :  » C’est ça ? Ça marchait, non ? » Je prenais le casque et je rappais dedans, ça enregistrait sur un double lecteur cassette !

Morne Rouge : En fait, on prenait des hauts parleurs et puis on s’en servait comme micro…

F.P : Il faisait des sons, moi je restais dans sa chambre, j’écoutais, j’essayais de rapper et puis il me disait « Ferme-la, tu sais pas rapper » …et puis voilà. Parce qu’il n’entendait pas les boucles tourner. Je le dis dans le morceau « 16 ans » : « Je pars en impro sur des démos, je dois m’taire pour qu’il entende les boucles tourner ». En fait ça l’empêchait de trouver la bonne boucle si je rappais par-dessus, mais je m’exerçais un peu comme ça.

Tu es donc apparu sur des projets avant Dufaitmaison

F.P : Oui, sur des mixtapes. Perkou avec qui j’avais un groupe, 10 R, en 95-96, il était souvent sur des concerts avec Nakk et il nous passait quelques plans mixtapes.  Sauf qu’à l’époque, quand on envoyait une cassette par la poste aux mecs après les avoir eu au téléphone, ils ne nous rappelaient jamais et sortaient la mixtape sans nous prévenir de quoi que ce soit.

Tu as donc suivi de près le rap de Bobigny, avec les jumeaux [Les 10’] et Nakk, pourquoi ne pas les avoir suivis à l’époque ?

F.P : Ce n’est pas la même génération. Nakk et L’Indis ont 3-4 ans de plus et surtout, c’est des potes de l’école primaire. Donc, ils étaient tout le temps ensemble, le rap c’était leur loisir, ils l’ont fait naturellement ensemble. On avait la même démarche avec Perkou, faire notre musique comme on aimait.

« Les gens ici, c’est des gouailleurs »

Ton personnage, ton univers, ton gimmick Tatatatata fait penser à …

Perkou (nous coupe) : Ça vient de moi ça ! 

Nordine : Non voleur ! Mais quel mytho celui-là ! (rires)

F.P : Lui c’est un mytho ! Il faut prendre au sérieux 2% de ce qu’il dit ! (rires)
En fait le Tatatatata, d’où ça vient c’est ça ?

C’est une référence à Renaud, non ?

F.P : Ah non, pas du tout.

Nordine : Ah oui ! C’est vrai, que Renaud fait ça aussi !

F.P: En fait, je faisais beaucoup d’impros, dans les années 2000, avec des musiciens, chez des potes. Quand je perdais le fil de mes impros, pour combler et me permettre de retrouver mon flow, je faisais Tatatatata. Un peu comme le principe du yaourt quand les mecs  font semblant de rapper en anglais et moi c’était ce Tatatatata et puis c’est resté. Je trouvais ça bien pour finir les textes. Il y a un truc aussi c’est que je suis incapable de déterminer ce qu’est un  4 mesures, 8 mesures etc. Je suis dyslexique en fait.

Comment tu fais alors pour la construction de tes morceaux ? Même pour le refrain ! 

F.P : J’appelle L’Indis ! (rires)
Honnêtement, pour les derniers freestyles j’ai failli l’appeler parce que c’est vraiment un technicien du rap. Et puis, il aime donner des conseils, orienter, donc à chaque fois que j’ai une question comme ça, j’hésite pas à lui demander. Quand on me demande de venir faire un freestyle de 4 mesures, j’y vais, je sais même pas si j’ai fait un 4, un 5, un 8… Je compte sur mes doigts. Ou j’appelle mon frère et il me dit : « non là c’est un 6 mesures » (rires).
Par exemple dans « Difficile à Dire » je dis : « Eh ouais Twister j’m’en branle de tes structures » parce que lui il fait des 16-8-16-8 et à chaque fois moi je faisais des 17-13-6-7. Donc il pétait un câble quand il fallait faire les arrangements.

A l’écoute de ta musique on pense forcément à l’univers Gabin, Audiard, c’est ta culture ?

F.P : Ça vient de mon père en fait. A chaque anniversaire, chaque Noël on lui offrait ça. Il avait son rétroprojecteur, ses dvd et regardait ces films. J’adorais, mon frangin aussi il adore et on est imprégné de ça.

On peut faire un parallèle avec la façon dont tu abordes ton rap, la façon dont les gens…

Morne Rouge (nous coupe) : Ouais, mais il n’y a pas que ça ! Il faut savoir qu’en banlieue, le cliché qu’on voit à Canal +…

F.P : Les wesh wesh…

Morne Rouge : Ça n’existe pas en fait. Les gens ici c’est des gouailleurs quoi. L’argot de Montreuil, c’est l’argot des titis parisiens. Et en vérité, moi je connais pas mal de mecs qui ont 40-50 balais et c’est ça leur truc quoi.

Quelle est la place de Morne Rouge dans tout ça ?

F.P : Lui il fait tout le travail, le mix, les arrangements, parfois même quelques choix de morceaux, du visuel etc.

Morne Rouge, tu es autodidacte ?

Morne Rouge : J’aime la littérature mais par-dessus tout j’aime les notices ! (rires)

F.P : Je le dis souvent, mais c’est un autiste des logiciels,tu lui mets n’importe quel logiciel et en quelques heures, c’est bon ! Le logiciel est appris, compris, optimisé. Ça facilite quand même sacrément le travail.
Parce que tu vois, j’écris vite et n’importe comment. J’écris tout le temps des bouts d’idées. Je peux être au parc avec mes enfants, si j’ai un truc qui me vient, je vais l’écrire et l’adapter sur les morceaux. Et je me déplace le jeudi soir sur Bobigny, pour enregistrer le tout. Tout ce que j’ai produit ça a été comme ça : je viens à 20h – 20h30 sur Bobigny, et à 23 heures, clôture des enregistrements. Sauf que parfois, j’arrive avec 4 morceaux à enregistrer et un clip à faire ! Et mon frère qui me regarde dépité – « bah ça sera encore un clip de nuit et sous la pluie » ! On a tout fait comme ça. Parfois il est même au courant de rien, ni avec qui je bosse, ni quel morceau on tourne, et encore moins le projet sur lequel il sortira ! On bosse comme ça. Des fois il fait un clip et il dit « mais ça c’est pour quel morceau ? » Et il se fait copieusement charrier par Twister que ça rend fou. (rires)

« Twister ? Tu lui dis : «La caisse claire, elle est pourrie », il te répond : « Tu te démerdes » »

D’ailleurs, comment tu l’as rencontré, Twister ?

F.P : Je lui avais envoyé un message pour le féliciter sur le travail avec Nakk « Mon Fils ce Héros »  sachant que c’est pas lui qui a fait la prod  (rires) !
Il m’a répondu « Merci beaucoup mais c’est pas moi ! Mais sinon j’aime bien ce que tu fais », « bon ben c’est cool moi aussi j’aime bien ce que tu fais »…. Après on avait sorti « Pas de ça chez nous » avec Nakk et il m’a proposé de le contacter si on avait besoin de morceaux. Je pensais qu’il voulait dire Nakk et moi en feat, mais non, il était intéressé pour me produire personnellement. A ce moment-là, c’était mon frère qui produisait, mais à son rythme. Morne Rouge travaille plus lentement au niveau de la musique, il aime bien faire plein d’arrangements, revenir dessus etc. Alors que Twister, c’est l’usine.

Morne Rouge : En fait moi, je joue des instruments, mais je sais pas en jouer, je ne suis pas musicien. J’apprends à jouer, de la guitare, de la basse, du piano.

F.P : C’est pour ça que ça prend du temps ! Et puis c’est un perfectionniste, il se prend la tête, alors que Twister pas du tout. Quand, je lui dis : « La caisse claire, elle est pourrie », il répond : « Tu te démerdes ! » . C’est pour ça qu’on va vite ! (rires).
Dans le premier fichier qu’il m’a envoyé, il y avait 70 prods pour faire un 9 titres. Moi, 2 semaines après, je l’ai rappelé pour lui dire que j’avais fini, qu’on pouvait sortir le projet. Lui, il produit vite, moi j’écris vite, c’est pour ça qu’on a déjà sorti 2 projets ensemble. Et le 3ème est déjà écrit. Puis de toute façon, il est en manque de moi, dès qu’il n’a pas un projet avec moi, il est stressé (rires).

C’est vrai qu’il passe maintenant pour ton beatmaker attitré mais tu as bossé aussi avec Mani DeizSizemenKobé… Comment se font les rencontres ? Par internet uniquement ? 

F.P : J’ai fait le déplacement pour les rencontrer à chaque fois. Parce qu’internet, c’est bizarre. Les gens ne sont pas du tout pareils. Tu vois, par exemple, Mani Deiz quand tu le rencontres en vrai tu peux discuter avec lui de tout, de rien. Alors que quand tu vas lui parler sur internet, il est tellement occupé par plein de trucs qu’il va te répondre : « si, yes, ok, si, si, yes, lol, ok, cool, si, si, yes ». Donc pour travailler dans la durée avec les gens, t’es obligé de les rencontrer.  Pour KobéSizemen on a fait le déplacement à Lille. J’ai travaillé avec Ill Heaven aussi que je n’ai pas rencontré, mais c’est prévu pour le prochain passage dans le Nord.

Morne Rouge : Sizemen c’est vraiment un génie du beatmaking.

F.P : C’est un compositeur avec des samples qui durent une fraction de seconde et il les rejoue dans tous les sens. Il est impressionnant.

Morne Rouge : Il est exceptionnel…

« J’ai monté un label SARL, pas un cartel » [« dufaitmaison », ndlr]. Tu nous expliques cette phrase ?

F.P (il regarde Florence) :  La gérante est là. En fait, à la base, mon père avait une boîte de mécanique industrielle, une SARL dont Florence était la gérante, elle travaillait avec nous. Quand il a créé sa boîte, il ne cessait de nous répéter, parce qu’il nous soutenait :  » le jour où j’arrête la boîte, vous devez la récupérer et en faire un label de musique. Récupérer la société pour en faire quelque chose, changer les statuts, etc ». C’est pour ça que je dis ça. Et là, c’est en cours, c’est ce qu’on essaye de faire, mon père étant décédé, il n’a pas pu faire la transition naturellement. Mais c’est notre objectif. Il nous a tellement soutenu, il nous a poussé à faire du son. Il nous disait tout le temps, à chaque repas de famille :  » la société, c’est ce que je vous lègueC’est de la mécanique, mais vous vous êtes des artistes donc faites. »

Et les ambitions du label ?

F.P : On aimerait bien en faire un vrai label. Parce qu’il y a toutes les compétences : des scénaristes, des gens qui savent écrire des clips, des gens qui savent enregistrer, mixer, masteriser, rapper, composer, donc si avec ça on y arrive pas, c’est qu’on est bidons.

Et ce serait dans l’idée de produire d’autres artistes, ou pour te produire toi exclusivement ? 

F.P : Pour l’instant, moi. Je suis pas à la recherche de Sandy la chanteuse (rires). Mais plus tard pourquoi pas, même pas forcément dans le rap, comme je disais tout à l’heure, il y a des scénaristes…

Nordine : Tu veux faire du court métrage aussi. Je veux une place, je veux une place ! (rires)

Morne Rouge : On veut faire des films en fait.

F.P (Il regarde son frère) : Lui, il veut pas faire des clips, il veut faire des films. Il rêve du 1dc, il en fait des cauchemars même ! En fait, je ne suis pas rappeur, j’écris des scénarios. Là, le concert c’était mytho ! Il m’exploite, il faut le dire ça, qu’il m’exploite en fait ! (rires) 

L’objectif c’est ça. C’est de me dire, vu les compétences et vu comme elles sont poussées à l’extrême dans différents domaines, c’est pas de se cantonner au rap pur et dur. Moi, je fais du rap parce que c’est ma branche. Maintenant, si le label peut servir à ce que mon frère puisse, dans la photo, s’épanouir, Florence en tant que scénariste, Nordine en tant que réal… Que chacun s’épanouisse dans son domaine ce serait le top. Le but c’est de tout combiner. Et le clip « La Pièce » [dont nous avions parlé ici, ndlr] c’était ça. C’était de dire, Dufaitmaison c’est des gens passionnés dans différents domaines qui se prennent la tête, la nuit après le travail sur quelque chose qui pourrait paraître comme un loisir.

« C’est un peu Monsieur-Tout-Le-Monde qui rappe »

Et c’est un peu l’esprit qu’on retrouve dans l’épisode 0 de dufaitmaison tv« mettre en avant ceux qui ne font pas de blabla mais qui amènent des résultats » dont l’ambition est de mettre en avant différents talents ?

F.P Mel K … on y vient ! Faut pas que je dise de la merde ! (rires)
Pour reprendre les mots de Mel K qui lui, à la base, travaille pour la marque Wrüng, on s’est rencontré et il m’a dit : « Ecoute moi bien, t’es un p’tit de Bobigny, je vais te donner un coup de pouce, moi les p’tits de Bobigny je les laisse pas… » En trente secondes, il savait qui j’étais et c’était parti. On a commencé à bosser ensemble et depuis, je l’ai tout le temps au téléphone. A sa manière il m’a filé un coup de main pour le concert en nous filant les sweats, etc…

Tous les clips sortis récemment sont sponsorisés par Wrüng, est-ce que c’est un vrai sponsoring, avec un apport financier ? 

F.P : Oui c’est réel sponsoring à l’initiative de Mel K, le Pierre Bellemare de Boboch, big up à lui !

Et le fait d’être affilié à une marque , ça ne vous limite pas dans les réalisations vidéo puisque tu es obligé de mettre en avant les produits ? 

Morne rouge : Avec Wrüng on n’est pas limité.

F.P : C’est même pas Wrüng, c’est Mel K, lui il est complètement indépendant, tu lui dis pas ce qu’il a à faire. Pour lui, on a la bonne mentale, son seul objectif c’est de la préserver.

On te sent très intègre et fidèle à ta culture, comment fais-tu pour garder ce cap-là ?

F.P : Comme je le dis dans pas mal de textes, même si je fais ça sérieusement, le rap ça reste quand même un loisir, je pratique le jeudi quoi. Tu vois, c’est comme quand tu t’inscris à un club de ping-pong… voilà je fais mon ping-pong, et je fais sérieusement les choses pour gagner mon tournoi du dimanche. Je fais ça depuis toujours, ça fait partie de ma culture. Quand j’écris, je m’efforce de ne pas raconter n’importe quoi, parce que mine de rien, j’ai aussi un fils de 6 ans qui commence à comprendre les paroles et à me poser des questions, donc je ne vais pas lui répondre n’importe quoi. Et puis, je me dis qu’il peut écouter les morceaux en se disant que son papa cogite par lui-même, qu’il a sa propre réflexion, qu’il est ouvert à différents milieux, différentes choses.

Tu crois que cet esprit a disparu à l’heure actuelle dans le rap ?

F.P : Non, ça n’a pas disparu, mais après faut faire le tri quoi, faut se renseigner, se documenter, essayer de voir qui fait quoi etc. Tu vois, là au concert, c’est vrai qu’on n’était pas beaucoup, mais les quelques personnes qui ont pu être réceptives au discours, c’est toujours ça de pris, c’est du porte à porte. Après c’est toujours pareil, je pourrais me cantonner à tel ou tel discours, parce que je sais que je vais rameuter un certain nombre de personnes et rester dans cet univers, en me disant que c’est à eux que je vais vendre mon cd. Le problème, c’est que parfois un artiste peut avoir envie de faire d’autres choses, et en faisant un nouveau morceau, tu vas bousculer les gens qui te suivent sur ce créneau-là, tu vois. Moi je ne suis pas dans un créneau en fait. J’m’en fous. Si quelqu’un n’aime pas ce que je fais, tant pis, ça change pas ma vie.

Et du coup c’est quoi tes ambitions à terme ? Parce qu’en effet, on a l’impression que finalement tout ça te passe au-dessus, qu’on soit 3 ou 500…

F.P: Là le discours, [en parlant du concert, ndlr] c’est que je fais le même travail pour 4 personnes dans la salle ou 500, c’est pas le souci. Mais les ambitions à terme, c’est de pouvoir sortir des projets sérieux. Mais j’ai l’esprit d’équipe donc ce n’est pas dans l’objectif de me dire ça y est, Fizzi Pizzi par ci, Fizzi Pizzi par là. Derrière il y a un investissement important de toute l’équipe. Et sans le travail d’équipe moi je n’aurais pas autant de motivation. Il y a quand même des gens qui t’appellent qui te disent :  » j’ai trouvé une idée de scénarioj’ai fait ci, j’ai fait ça ».Morne Rouge qui t’appelle qui te laisse un message à 23h, minuit pour te dire « j’ai retravaillé la basse ! ». Je respecte ce travail.

Nordine : Mais tu voudrais toucher plus de monde ?

F.P : Oui, le but de la musique c’est quand même de toucher plus de monde. Sur scène, tu vois des gens qui ne connaissaient pas du tout les morceaux, sourire sur certaines phrases, tu les vois réagir, ça fait super plaisir. Potentiellement, tu te dis pourquoi laisser la place à d’autres qui, quelque part, te racontent de la merde et utilisent un créneau sans même forcément le défendre. Moi je ne suis pas dans un créneau, je fais ce que je veux et je pense que ça peut toucher pas mal de monde. Tu sais, c’est un peu Monsieur tout le monde qui rappe quoi.

« Tu fais pas un clip en te disant : « si je fais pas 100 000 j’arrête ! »
C’est pas que tu arrêtes, c’est que tu te jettes du 6ème étage… »

Comment est-ce qu’on réagit à ce succès, même mesuré, quand derrière c’est toujours dufaitmaison ? Quand tu as un retour direct par le biais des réseaux sociaux mais sans rien de concret derrière ?

F.P : C’est la persévérance, et le fait aussi de ne pas avoir non plus trop d’attente vis-à-vis de tout ça. Parce que si on commence à faire un clip en se disant, si je fais pas 100 000 j’arrête ! C’est pas que tu arrêtes, c’est que tu te jettes du 6ème étage… Le but, c’est d’aller au bout de ce que tu fais en terme de passion, d’essayer de mener le truc du mieux que tu puisses, et puis après, il se passe ce qu’il se passe.

Vu que tu écris énormément, comment vous faites la sélection des morceaux à clipper ? 

F.P  : Morne Rouge, il veut tout clipper ! Déjà de base. Mais il y a plus de 80 morceaux donc avant que Morne Rouge clippe tout… mais en général quand je fais les morceaux, je fais en fonction de sa réaction. Quand il écoute le morceau et qu’il me dit « j’ai une idée pour ça« , faut clipper.

Morne Rouge : En fait, on est à l’écoute des personnes qui nous entourent. Si quelque chose de positif se passe au cours d’une conversation, on se dit que ça vaut le coup de mettre le clip en avant. Pour « La Pièce » par exemple, Nordine nous a tanné pendant un an pour réaliser ce clip.

Nordine : Tanné ? A ce point-là ?

F.P : Il ne nous a pas tanné, il a dit : «  C’est mon clip ! » (rires)

Nordine : Et puis après j’ai attendu, je me suis calé à leur rythme. J’ai attendu qu’il soit d’actualité.

Donc c’est toi, Nordine qui a eu l’idée pour « La Pièce » ? Parce que c’est co-écrit avec Florence…

Nordine : Je ne sais plus qui est l’origine du projet…

Morne Rouge : En fait, l’énergie pour filmer « La Pièce », c’est Nordine, après on en a parlé un peu avec Florence qui a amené l’idée de la fin. Et le travail sur le terrain, on l’a fait avec le comédien Rico, que Nordine connaissait et qu’il a désigné comme étant le comédien pour incarner le personnage. Et on a fait en fonction des avis des uns et des autres.

F.P : Avec la dynamique de chacun.

Florence acquiesce

Morne Rouge : En fait, les morceaux qu’on a mis en avant sur internet, ils naissent comme ça, c’est-à-dire que s’il y a une énergie qui se présente, si on pense que les uns les autres ont envie de travailler avec nous, on y va. Pour l’instant, les retours de statistiques qu’on a sur Youtube, sur Google, c’est très limité, ça concerne 1500 – 3000 personnes donc on peut pas croire que c’est une vraie direction marketing, stratégique, c’est des coups de cœurs en fait.

Et vous travaillez toujours ensemble ?

Morne Rouge : Au début non. Mais avec Florence, c’est une envie qu’on a depuis longtemps et là ça va s’exprimer à fond. Nordine, c’est vraiment quelqu’un qui sait exprimer ce qu’il aime et pour le coup, nous on sait aussi être à son écoute. Donc là on se dit qu’il y a vraiment une équipe qui est sympa pour l’image, la photo et que c’est carrément logique d’avancer comme ça au moins pendant un ou deux ans.

L’objectif c’est donc de faire un projet entièrement clippé qui raconte une histoire ?

Florence : Ah oui ce serait bien ! Il n’y a pas de problème, moi je suis lancée !

Morne Rouge : En fait pour ça, ce qui est important cette année, c’est d’aller chercher des fonds, des sponsors, des institutions d’états parce qu’avec nos fonds propres c’est pas possible. C’est trop cher.

« Si on continue pendant quelques années encore, on va être capable de créer une identité autour d’un artiste qui en vérité sera là comme témoin de toute la vie de ces personnes »

Tu as développé toute une stratégie pour cacher ton visage, tu t’en amuses ? Est-ce que c’est aussi une façon de mettre plus en avant le texte ?  

F.P : Au début c’était galère, tu passes par des étapes : «  J’ai trouvé ! Si on mettait un masque ? Ah non c’est pourri, laisse tomber ! » (rires)
Et au bout d’un moment tu fais les clips, t’as toujours la même casquette. Et on s’est dit, on va garder la capuche ou la casquette l’été. Et puis terminé. Au début on se faisait vraiment des nœuds au cerveau pour définir une image et la garder jusqu’au bout. Là, on prend un peu plus de temps qu’avant pour faire les clips, mais à l’origine, on n’avait pas trop le temps de réfléchir à un scénario. L’idée de ne pas se montrer c’était l’idée de créer un scénario avec des personnages mais bon, les gens sont pas toujours dispo, c’est compliqué.

Nordine : Et sur « La Pièce » on a vraiment pas eu besoin de lui.  Il parle à la première personne, il interprète le SDF donc c’est confortable, il n’avait pas besoin d’apparaître.

F.P : Ah oui, moi j’étais pas au courant. J’appelais et on me disait « bon bah je te laisse parce qu’on doit tourner La Pièce ».

Pour finir, les prochains projets, les projets clips ? Vous nous disiez tout à l’heure que vous n’aviez pas réussi à faire tout ce que vous vouliez sur « La Pièce »…

F.P : En fait, c’est le dessin de la petite fille qu’on voulait mettre un peu plus en avant parce qu’il dit « le seul trésor que j’ai gardé, c’est le dessin de ma princesse ».

Nordine : Le texte est vachement visuel et à chaque fois, on voulait illustrer mot à mot. Et puis, s’il y avait eu un petit budget, des gens disponibles, une vraie équipe technique… Là, on a tourné 4-5 jours. Et puis on ne voulait pas abuser non plus de la gentillesse de Rico, le comédien principal. Et c’est surtout par rapport à ça, la petite frustration.

Florence : On a beaucoup travaillé sur le montage. Et puis on avait l’idée de l’église pour que le niveau social qu’est celui du SDF ne plombe pas le public dans la déchéance et dans le morbide.

Ce qui nous a marqué aussi, c’est de voir l’histoire continuer après le générique avec la rencontre entre le SDF et les deux prostituées.

Florence : Oui, quand la fille dit « ouais, t’es comme nous, tu cherches la pièce ». En fait, ça situe deux mondes qui sont complètement exclus de la société, le côté femme avec la prostitution, et le côté mec avec le SDF qui cherche la pièce tout le temps. Ce que je veux faire, c’est que Fizzi Pizzi dans ses textes prône le social, et moi, il y a un côté politique que je veux accentuer jusqu’au bout.

Vous avez déjà des idées pour les prochains clips ? C’est déjà dans la boîte ? 

Florence : Non pas encore. Il y a « Lol » qui va sortir dans deux ou trois mois je pense.

Morne Rouge : « La Pièce », c’est une introduction à ce que potentiellement on a envie de faire. On veut aller plus loin dans l’image. L’idée, c’est d’introduire de l’infrabass, de gros sons tout en défendant des causes sociales, avec des textes hyper militants.

Mais ça veut dire quoi ? Vous êtes sensibles à quelles causes sociales ? En plus ça impose une écriture à Fizzi, à moins que les textes soient déjà écrits ?

Morne Rouge : En fait on a trouvé une technique. C’est-à-dire que parfois, c’est lui qui va trop loin dans les textes, et parfois non, donc on accentue par l’image.

Nordine : L’image  suit toujours ce que fait Fizzi Pizzi.

Morne Rouge : Là, prochainement, je pense qu’on va défendre la cause féminine. Et pour l’instant, c’est plutôt axé sur les morceaux de mon frère, on va essayer de dessiner les compléments et de montrer par l’image ce qui est suggéré dans le texte.

Votre vie artistique est donc guidée par l’engagement politique, on parlait de fierté de la culture populaire tout à l’heure avec ton frère, c’est ça aussi que tu souhaites défendre ? 

Morne Rouge : Le concept de prolétariat, qui est un peu obsolète aujourd’hui, mais qui au fond a le droit d’exister encore, je pense que ça vaut le coup de le défendre, parce que on est face à des personnes qui sont présentes dans l’équipe  qui ont eu des existences, un vécu, une histoire personnelle familiale assez incroyables. On pourrait s’arrêter sur eux et faire des interviews de deux heures pour chacun, mais ce qui est très étonnant, c’est que cette espèce d’énergie est un peu mystérieuse. Et on se retrouve, générations après générations. Il y a trois générations qui se retrouvent autour de Fizzi Pizzi parce qu’il a le talent de fédérer. Pour tout ce que les uns apportent aux autres, j’ai vraiment l’impression que ces histoires sont complémentaires, tout s’ajuste comme des puzzles. On a juste à écouter, à être hyper attentifs, travailler, exploiter les talents et les mettre en avant.
Le projet, c’est de reconstituer toutes ces images, soit par les textes, soit par la musique, soit par l’image, tout simplement, et je pense que ça vaut le coup, parce que si on continue pendant quelques années encore, on va être capables de créer une identité vraiment particulière autour d’un artiste, qui en vérité sera là comme témoin de toute la vie de ces personnes. Je pense que l’on a cette capacité-là. Fizzi Pizzi, depuis qu’il est petit il a toujours été assez leader, c’est un truc naturel chez lui, donc c’est pas un souci. Il fédère un ensemble de personnes, hommes ou femmes, de plusieurs générations. C’est ça Dufaitmaison.

Un grand merci à la famille Dufaitmaison pour l’accueil.

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