« Mes ex-fans déçus cherchent le Orelsan du début, mais même moi j’crois que je l’ai perdu » chantait Aurélien Cotentin en 2011 dans « Le chant des sirènes ». Depuis le succès de l’album éponyme, Orelsan n’a pas chômé, enchaînant les nouvelles casquettes. Acteur de sa propre série « Bloqués », puis de son propre film « Comment c’est loin », il double également la voix française de Saitama, célèbre héros du manga One Punch Man. Six ans après son dernier projet rap en solo, l’artiste revient avec un album plus simple et plus sincère que le précédent, sorte de bande-son de sa vie de presque quarantenaire encore et toujours désabusé. Entre featurings à fort potentiel commercial et titres touchants, que reste-t-il du Orelsan chauve, insolant et trash du début ? ReapHit rallume les lumières et nettoie le sol. La fête est finie, voila l’heure du bilan.
Orelsan le sait plus que quiconque, difficile d’abandonner le jeune homme maladroit et immature, l’insouciant ado qui vivait en nous. C’est aussi vrai pour l’image qu’Orelsan renvoie. Comment passer de l’éternel looser à l’artiste aguerri ? A l’ouverture de chaque morceau, on voudrait deviner les premières notes d’un « Jimmy Punchline II », d’un « Raelsan » prêt à en découdre avec toute la société dans un son drôle, trash et cynique. « Défaite de famille » et « Bonne meuf » font partie des titres marqués au fer rouge par la patte du rappeur, alors que « Zone » le featuring avec Nekfeu et Dizzee Rascal, tout comme « Christophe » s’essayent à des styles plus originaux et actuels. Mais comme l’artiste le dit si bien dans son premier morceau, « San, ça veut dire Monsieur ». La particule attachée au surnom d’Aurélien Cotentin prend enfin tout son sens, et c’est désormais avec une certaine maturité que le rappeur s’adresse à son public et parfois à lui même, avec un certain recul comme dans l’excellent « Notes pour trop tard ».
Etre adulte, c’est être triste et ennuyeux. Simple
L’album parle évidemment et sans surprise de ses galères, celles d’un homme normal dans une ville moyenne élevé par une famille aux accents ruraux. Parfois, il se livre avec beaucoup de sincérité et de simplicité sur des sujets comme la célébrité dans « Quand est-ce que ça s’arrête », ou l’alcool avec le très électronique « La lumière ». Orelsan ne parle plus des femmes, mais de la sienne. Il ne vante plus de ses soirées ratées, mais de ses lendemains dépressifs. En murissant, le rappeur laisse aussi de coté un peu de sa fantaisie et de son verbe acerbe pour plus d’introspection, de tristesse et de mélodie. Le nouvel Orelsan ne se laisse plus draguer par des beats aux sonorités punk faits à l’arrache. Fini le « Skread mets l’instru moins fort », faites place à des sons beaucoup plus colorés, plus acidulés, avec des accents parfois grime, souvent pop, qui trahissent l’influence de Stromae. Un peu plus mélancolique et beaucoup moins violent, papa Orelsan serait il moins lui-même ?
Orelsan a changé. Basique
La fête est finie est un album travaillé, assez technique et complet et il n’a aucune commune mesure avec Le chant des sirènes, son dernier album en date. Le premier est doux, amer, presque convenu, tandis que le second est plus inégal, insolant et fougueux. Ce sont ces aspérités qui faisaient d’Orelsan un personnage si singulier dans le rap français. Dire pour autant que cet album est en rupture avec le dernier serait faire une erreur. Le rappeur de Caen, souvent vulgaire, parfois choquant, qu’on connait pour son ironie et sa plume aiguisée ne se résume pas uniquement par un « Sale pute ». Ces récents succès en tant que réalisateur et acteur ont prouvé que derrière l’éternel adolescent inadapté au monde qui l’entoure, il y a un véritable artiste, à la palette de talents complète. Entre Le chant des sirènes et La fête est finie, il y a la bande originale du film « Comment c’est loin ». Orelsan glisse lentement vers de plus hautes aspirations que simple rappeur trash. Quitte à perdre un peu de lui-même, pour le meilleur et pour le pire.
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