« Entretien avec un empire » est un concept basé sur une interview avec une personnalité dite « old-timer » du rap français. Aujourd’hui nous partons à la rencontre de Bams. Vivre ou Mourir, son premier album sorti en 1999, sonne comme un classique, la première expression d’une musique riche en influences et en constante évolution. L’inclassable Bams nous interpelle, nous surprend, nous bouscule aussi à travers ses quatre albums (Vivre ou Mourir, De ce Monde, On Partira et Dérèglement Climatique). Une artiste aux multiples facettes qui, à l’image de sa musique, mêle la douceur à l’engagement, la sagesse à la volonté, et incarne avec persévérance une grande liberté créatrice qui transcende tous les genres.
Une conversation inspirante d’un peu plus de 5 heures, un lundi soir sur une terrasse d’un café du 18ème parisien, dont on a tenté de retranscrire l’essentiel ici. Entretien passionnant entre rap, punk et féminité…
ReapHit : Commençons cet entretien en toute logique. Quel est ton premier contact avec le hip-hop ?
Bams : J’ai perdu un proche qui n’écoutait que du rap. En découvrant sa discographie, j’ai redécouvert son énergie, son univers, ce qui le rendait heureux. La musique, c’est la plus belle des compagnes, c’est le bijou, le manteau, des bottes, un pur sac, une pure maison… je pense que pour les vrais amateurs de musique, c’est une chose qui nous suit dans la vie. Elle nous suit dans nos transitions, nos évolutions.
Cette découverte coïncide avec mon arrivée sur Paris, je viens de la Celle-St-Cloud et les premiers amis que je me fais dans cette nouvelle vie m’emmènent dans mes premières soirées hip-hop. Je devais avoir 18 ans à l’époque.
Et là, je comprends tout ! Toute l’énergie qui se dégageait des disques, elle est visible… C’est la première fois que je vois autant de noirs et d’arabes réunis. Il y a des blancs aussi, mais de manière minoritaire. Je connais bien l’Afrique parce que j’y vais au moins deux fois par an, mais j’ai grandi dans une banlieue blanche, je viens du rock et du jazz, plutôt rock alternatif, punk, et dans ces soirées hip-hop je suis frappée par l’ambiance… Tout est ultra peace, tout est lumineux, il y a du feu dans les yeux, de l’amour dans le cœur, de la passion.
Depuis que je suis enfant, j’ai toujours fait les choses par passion, que ce soit les études, le sport, la musique aussi. J’avais un groupe de musique rock, j’écrivais et je chantais. Et comme je ne suis pas timide, plutôt bavarde et grande gueule, c’est assez simple pour moi de prendre le micro. Je n’ai aucune notion de rap, mais bon, je suis dans les mots.
C’est étonnant parce que dans ton album Vivre ou Mourir, on te sent complètement imprégnée de cette forme musicale et d’écriture, quel a été le petit déclic pour toi ? Qu’est ce qui t’a tant séduite ?
Le freestyle ! Cette liberté qui me rappelle le jazz. Et puis, ce que j’aime vraiment dans la culture hip-hop, c’est la performance. Il y a ce truc, où que tu sois, qui que tu sois, si tu déchires, tu déchires ! L’improvisation c’est jouissif, c’est prenant, c’est un saut en parachute. Et puis j’étais jeune, téméraire. C’est vraiment par goût du risque, du jeu, pour la recherche d’adrénaline et la passion des mots. J’étais ado et foncièrement rebelle, donc j’ai foncièrement eu envie de foutre le bordel ! J’avais plein de choses à dire. La jeunesse quoi…
Puis nous n’étions pas beaucoup de femmes, je me suis fait remarquer en soirée. Je suis assez délurée, conscientisée et délurée, donc il y a un truc qui interpelle. Du coup, j’ai rencontré des producteurs qui m’ont fait mes premières instrus et j’ai travaillé mes premiers textes. Et c’était parti. Tout est allé assez vite.
Si j’ai choisi le rap, c’est qu’il y a une puissance dans le hip-hop, une puissance dans le rap, une modernité qui me paraissait évidente. En musique, pour porter des mots forts, il n’y a pas mieux que le rock et le rap. Le rap coulait de source parce que c’était de mon époque. Et avec cette histoire sentimentale, ce proche que je perds et cette musique que je rencontre, tout se mélange.
En tant que femme, comment as-tu été reçue à l’époque ?
Ce qui me fait beaucoup rire avec Vivre ou mourir – j’adore cet album, j’aime tous mes albums mais j’ai une tendresse particulière pour celui-ci parce que c’est le premier, c’est comme un premier émoi, on ne l’oublie pas – et ce qui est drôle avec la vie de ce disque, c’est que je croise tellement plus de gens aujourd’hui qui me disent qu’ils ont kiffé Vivre ou Mourir qu’à l’époque. Parce que pour répondre à ta question de ma place en tant que femme dans ce milieu, je ne n’ai pas connu d’attaques directes en tant que femme, je suis bien trop tête brûlée et grande gueule pour ça.
Mais à l’époque je pense que ça a été beaucoup plus compliqué pour le public, qui était un public jeune, d’assumer et dire à leurs potes « Ouais, Bams ça défonce ». La société est ainsi faite qu’on valorise l’homme, le mâle.
En plus, je venais de nulle part, je ne connaissais personne. Je me souviens de la première fois que je rencontre Didier – Joey Starr – c’est lui qui m’emmène faire ma première radio. Puis, je rentre à la Celle, je croise des potes et je leur dit que j’ai rencontré un mec, Joey Starr, son groupe c’est NTM… Et là les mecs me regardent et me disent : « Mais toi tu changeras jamais ! T’es une gueu-din ! Tu connais pas NTM ? » Et je leur réponds que non. Mais je n’écoutais pas la radio, je ne regardais pas la télé. Je ne pouvais pas les connaître. J’étais déjà antisystème.
Du coup, je suis arrivée dans ce milieu comme un ovni, et il y a plein de gens issus de la communauté qui étaient un peu perdus face à moi. Ils ne savaient pas trop à quoi se raccrocher, parce que je n’étais pas dans les codes. Et par ailleurs, je me considère comme l’une des plus activistes pour porter un propos digne, conquérant, valorisant pour le peuple noir. Mais aujourd’hui ça me poursuit encore… j’ai le physique d’une New Jackeuse Rn’b Soul et je suis punk, intello, élitiste, spé… c’est trop quoi.
Depuis 4 ou 5 ans, il y a des gens qui me disent : « Bams, Vivre ou Mourir c’est un classique ! »
« On est en France, il n’y a pas de grande figure punk noire. Alors qu’aux États-Unis il y a un mouvement qui s’appelle l’Afro-Punk… »
Et c’est vrai, ils ont raison…
Oui, mais moi je le savais déjà à l’époque où je le défendais. C’est l’album avec lequel j’ai fait le plus de dates. J’ai fait plus de 200 dates, les plus gros festivals, j’ai fait des dates à l’étranger. Je ne passais pas en radio, mais j’ai fait le concours Révélation du Printemps de Bourges que je gagne, c’est un prix donné par des professionnels, donc ensuite pour mon tourneur, c’était facile. En plus, on était encore à la belle période du rap.
Et pour en revenir à ta question, même si j’ai toujours été casse-cou, grande gueule, j’ai aussi toujours été assez féminine, pour les gens qui me connaissaient ça faisait mon charme, mais les autres étaient décontenancés. Tu sais, les gens sont des moutons, ils ont besoin de suivre la mode.
Comme à l’époque de mon 2ème album, De ce monde, en 2005, je commence l’album en 2001, j’avais mes tresses fluorescentes vertes et pour beaucoup c’était trop. Aussi bien pour les blancs que les noirs d’ailleurs. Mais on est en France, il n’y a pas de grande figure punk noire. Alors qu’aux États-Unis, il y a un mouvement qui s’appelle l’Afro Punk qui existe depuis belle lurette, avec des musiques alternatives portées par des artistes noirs.
Et puis la femme n’est pas le symbole de l’innovation. Du coup, quand tu es de cette graine, tu compliques encore plus les choses. Un homme qui va inventer des courants, être porteur d’élan, de nouveauté, on va tous être interpellés. Alors qu’une femme, on va la regarder et dire « Elle est bizarre… ». Mais je m’y suis fait.
C’est une remarque à laquelle tu es souvent confrontée ? Tu te sens marginale ?
Oui, je me sens marginale. Parfois c’est ma force, et parfois c’est ma faiblesse. Parce que ça fait mal de ne pas être comprise. Tu te demandes pourquoi l’évidence que tu as dans la tête n’est pas valable pour les autres. Et quand tu es dans tes moments bas, heureusement qu’existent l’amitié, l’amour, la famille. Mais il se trouve que ma profession c’est ma passion, donc quand dans ton domaine professionnel tu sais que tu n’as pas les retours que tu devrais avoir, parce que tu ne rentres pas dans le cadre, ça fait mal… Pas pour moi, mais pour le monde. Pour ce que ça raconte.
Pour moi, le grand apport sur un plan culturel, qu’a pu faire la France ces 10 dernières années, c’est le rap. Mais la France n’est pas un pays de leaders, de pionniers, d’inventeurs. C’est un pays de suiveurs, c’est un pays de beaufs. On est dirigé par des vieux, que je ne montre pas du doigt par ailleurs, je ne les blâme pas. Si j’étais née à leur époque et dans leur corps, je serais probablement pareille. Tu sais, tout est conditionnement social.
Mais dans mon analyse, je dis les choses. La France est dans les mains de personnes vieilles d’état d’esprit qui restent assises sur leurs lauriers. Et aujourd’hui, en 2014, qu’est-ce qu’il se passe ? Tout régresse, le niveau des droits des femmes régresse, le niveau d’éducation régresse, le vivre ensemble régresse, le bien-être professionnel régresse. Alors que la diversité créée la richesse, c’est une nouvelle porte. Créer du lien social permet l’émulation, c’est de là que les connexions se font.
L’engagement dans la musique, c’est nécessaire ? Indispensable ?
Pour moi c’est essentiel, au sens propre. C’est mon essence. Après, je suis une amoureuse de la pluralité. Il faut des comiques, des amoureux, des sociaux, des tragiques, des sales, des brutaux, des couineuses, des minaudeuses…
Par contre, ce qui me gêne, c’est qu’on ne laisse la place qu’à l’entertainment, à la putasserie, à l’amour à deux balles. Non pas qu’ils existent en soi me gêne, mais plutôt le fait qu’ils soient majoritaires. C’est 95% de ce qu’on voit dans les médias de grande masse, et ça c’est dramatique.
Ta musique est engagée, mais es-tu engagée par ailleurs ? Dans un parti politique, une asso ?
Non, je ne crois pas en la politique. J’étais co-fondatrice et rédactrice de Respect Mag, mais on a été dépossédés du magazine. Je crois en la culture, je ne crois plus en la politique. Je pense que demain, le pays qui misera sur l’éducation, la culture, l’innovation sera un pays qui ira bien.
Tu sais ce qui est drôle, c’est que mon tout premier morceau, c’est « Fais tourner la circulaire » et le propos du texte était d’inciter les gens et surtout la communauté noire prolétaire à voter. Parce que pour moi, à l’époque, c’était une prise de pouvoir. Mais c’est faux. La démocratie c’est du pipeau, c’est du vent.
Par contre, j’irai chanter partout où il y aura des oreilles pour m’écouter, mais je ne laisserai jamais personne me dire ce que je dois et comment je dois le chanter.
Tu penses que la musique contribue à la construction d’un esprit critique ?
Bien sûr. Et c’est d’ailleurs pour ça qu’il y a une telle mainmise étatique sur ce qui est produit dans toutes les sociétés capitalistes.
Tu vois, parce que j’ai des origines camerounaises, j’ai la chance de connaitre assez bien le Cameroun. Les gens ne vivent pas de la culture là-bas, il n’y a pas de subventions. C’est un autre mode de fonctionnement. Ce n’est pas la radio qui fait les succès. Ce sont des succès populaires. C’est un artiste qui a défoncé son quartier et ça s’est propagé. Puis les radios reprennent pour bétonner le truc. Mais ça part du peuple.
Et c’est dans toutes les sociétés capitalistes, soi-disant développées, où c’est en sens inverse. Tu es porté parce que tu es signé en maison de disques, qui va te donner accès aux gros médias, qui vont matraquer, et à force de matraquage, on va aimer ton projet.
Mais regarde, toutes les périodes ghetto ont donné de purs mouvements culturels. Ce n’est pas pour rien, c’est qu’on a une force de création. Et surtout, le peuple est réceptif à l’innovation. Mais notre société est tellement bâillonnée, verrouillée, qu’on éteint les espaces de libertés, de l’alternatif. Et là, on appauvrit la faune et la flore créative ; on l’oriente. L’art qui est promu, et c’est pareil dans le cinéma, c’est ce qui est démonstratif ; parce que le démonstratif accompagne le propos capitaliste. Le propos capitaliste ne va pas avec la nuance, la finesse, avec la complexité.
« On est dans une société qui nous conditionne à croire que nos influences se confrontent. Et moi, je m’accroche à l’idée de défendre le contraire. »
Dans Vivre ou Mourir tu parlais de violence libératrice [ « Moi, Ma Violence » ndlr], alors qu’est-ce qui te libère aujourd’hui ?
Je le redis sous une autre forme, par la défense de mon univers musical et en allant vers toutes ces couleurs. Il y a peu d’albums aujourd’hui où tu peux retrouver un morceau afrobeat à côté d’un morceau electro, à côté d’un morceau hip-hop, à côté d’un morceau à la Gainsbourg.
Et c’est ça la « punkittude » d’aujourd’hui. Dire fuck off à vos bacs, vos cases. Et puis, dans le fond, je chante toujours le social, le « nous » et le vivre ensemble.
Tu vois, je trouve que sur mes deux premiers albums, j’étais scolaire et intellectuelle dans mon écriture. C’était important que l’on sache que j’écris bien. Alors qu’aujourd’hui, j’ai envie que mes enfants comprennent. J’ai envie de choses simples qui disent la même chose. Mûrir son art, c’est l’épurer forcément, c’est trouver l’essentiel de ce qui nous définit.
Je ne pense pas avoir bougé sur le fond. Le fond de Vivre ou Mourir est le même que le fond de Dérèglement climatique.
Le fond est le même, mais la réponse que tu apportes au constat est différente je trouve, c’est très lumineux, très doux. Et d’ailleurs, ça me fait penser au morceau « Je vais t’offrir » sur ton album précédent On partira [2010, ndlr], même ta voix y est différente…
C’est un morceau pour notre premier enfant. J’adore ce titre. Et d’ailleurs, c’est le seul morceau où je me trompe toujours sur scène. Je n’y arrive pas, à cause de l’émotion. Il me dépasse.
C’est l’amour qui a changé tout ça. Et des choix de vie, mon obstination à être dans le beau. Être punk aujourd’hui, ce n’est pas cracher, être punk aujourd’hui c’est prôner le beau. Parce qu’on est dans une société qui manque cruellement de vrais regards, de vraies intentions, de temps passé ensemble, d’amour. C’est ma première et essentielle revendication.
Tous les mouvements alternatifs, que ce soit le rock, le punk, le rap, ont toujours eu pour but de porter une nouvelle société, et ce en quoi j’aimerais que la société puisse changer, c’est ce qu’elle peut dégager d’amour. C’est tellement simple de cracher sa haine.
L’âge, l’expérience de toi-même, je serai triste d’être la même que j’étais à 20 piges. Ça rejoint tellement ce à quoi je crois : la pluralité. C’est le salut de l’humanité, vraiment. Les rails, les cases, les codes, les dogmes ne créent que guerres, conflits et rapports de force. Alors que prôner, accepter, défendre, revendiquer la pluralité, c’est transcender le vivre ensemble, le partage, la tolérance.
Dérèglement climatique est riche d’influences, Est-ce qu’elles ne se confrontent pas par moment ? Comment trouves-tu l’harmonie musicale?
On est dans une société qui nous conditionne à croire que ça se confronte. Et moi, je m’accroche à l’idée de défendre le contraire. Et cet album est la preuve que la pluralité est une vraie voie. Regarde le monde, regarde la nature. Elle a fait des arbres, des forêts, des plaines, des océans, des déserts, des montagnes, une faune et une flore riche et diverse, et tout vit ensemble. Il n’y a que l’être humain qui veut définir les choses de manière linéaire, univoque, c’est de la bêtise. C’est aller contre notre définition première.
Cet album est sorti fin 2013, où en es-tu aujourd’hui ? As-tu pu le défendre sur scène ?
Non, c’est catastrophique. J’ai fait une date à La Java, à Paris. C’est mon plus beau disque. Je suis amoureuse de ce disque. J’aime tous mes disques mais c’est le seul que je puisse écouter.
Pourquoi ?
Parce que les autres, je m’en foutais du studio. Je ne suis pas du tout une artiste de studio, je suis faite pour la scène. La musique a du sens quand il y a des gens. Sinon c’est une fakerie, je ne suis pas assez imaginative, je ne suis pas assez émotionnelle. J’ai besoin de l’autre pour être dans la justesse du pourquoi j’ai écrit ça, et de le dire de manière à ce que tu le comprennes.
Par inexpérience sur le premier album, par entêtement sur le second, et par obstination sur le troisième, je me suis arrêtée à dire qu’un album, c’était une simple carte de visite entre le public et moi pour qu’il voie vite fait ce que je fais avant de venir me voir en concert. Et quand je fais le bilan, je trouve que je suis bien en-deçà, en terme de succès commercial, de ce que je vaux artistiquement.
Du coup tu t’interroges, tu grandis, tu veux vivre confortablement de ta musique. Tu sais très bien que tu ne vas jamais te mettre à chanter : « Je t’aime par devant par derrière… » avec une voix suave. Donc, comment défendre au mieux ma musique ? Déjà, c’est d’être la plus proche de celle que je suis sur scène. D’autant plus que beaucoup de gens de mon public me disaient que sur scène, j’étais très différente de celle que j’étais sur disque. Donc au bout d’un moment, tu te poses les bonnes questions. Et tu analyses. Et c’est vrai que je n’aime pas le studio. Mais sur cet album, j’ai travaillé le studio.
Parce que d’être sur scène, ça ne crée pas l’urgence de dire ?
Ce n’est pas urgence le mot. C’est vérité. Le moment de vérité. Un jour tu as écrit un texte, t’as eu une mélodie en tête, t’as un univers qui est venu parce que tu as eu une émotion que tu voulais retranscrire et partager. Et pour moi, le seul moment où il y a tous les éléments pour le rendre, c’est le live. Tout le reste, c’est de la fakerie.
« On nous ment quand on veut nous faire croire que popularité veut dire médiocrité. Hey, les êtres humains, on veut kiffer, on veut être bien ! »
Est-ce que ton public a changé depuis ton premier album ?
Depuis mon premier album, quand tu viens à un de mes concerts tu as des vieux, des jeunes, des bobos, des cailleras, des prolos, des geois-bour, des aristos, des profs, des intellos, ça a toujours été comme ça. Même quand je faisais du rap.
Comment expliques-tu le manque de visibilité pour Dérèglement Climatique ? Car tu as de bons retours pour cet album, les critiques sont très bonnes…
Ce que je peux dire, c’est qu’avec le contexte de crise, les gens vont vers des choses simples, évidentes, faciles, donc plus que jamais, on se retranche vers des choses qu’on connait. La crise faisant, avant tu avais plein d’artistes de maisons de disques qui vendaient leurs CD’s et qui ne faisaient pas de concerts, ils s’en foutaient, le marché se cassant un peu la gueule. Et bien aujourd’hui, tout le monde fait de la scène et ça prend la place des indépendants, des projets alternatifs. Je me rends compte aussi qu’hormis la catégorie d’aventuriers et d’aventurières qui en une écoute reconnaissent le projet, aiment le projet, les gens qui sont vraiment affiliés au spé, à l’alternatif, pensent que mon album est trop variét’, et pour ceux qui font de la variété, mon album est trop spé.
Et je pense que c’est cet entre-deux-mondes qui gêne, comme on est dans une société qui se radicalise dans laquelle il faut choisir son camp. Or, mon propos n’est pas de choisir. Tout le monde a sa place. Et ça, c’est une idéologie qui n’est pas portée communément de manière populaire, mon album ne s’ancre pas sur un courant. Il faudrait qu’il y ait des gens qui prennent des vrais risques, qui me suivent et qui me programment.
Tu vas continuer à le défendre cet album ?
Bien sûr ! Je ne lâche pas. Je le kiffe, cet album ! Et puis je kiffe la musique, je suis faite pour ça ! Là, je suis dans les soucis pécuniers comme je l’ai été pour De ce monde d’ailleurs, et du coup, je n’ai pas trop la tête à ça. Mais je ne lâche pas.
Tu sais, j’avais un ami d’enfance – Sallah, paix à son âme – depuis Vivre ou Mourir, il me disait tout le temps, « Le jour où tu feras du temps ton ami, tu trouveras la paix devant toi », ça m’agaçait avant, et depuis « On partira », j’ai compris. Ce n’est pas comme si je n’arrivais plus à écrire ou que je n’avais plus d’idées. Ce serait ça le drame. Et ça me rendrait triste. Là, ce n’est pas le cas.
Puis j’ai trouvé un super tourneur. Et surtout, c’est la première fois de ma vie que j’ai un vrai band. Là j’ai des zikos de malade mental ! Bobby Jocky, il a fait tout Bashung, Brigitte Fontaine, Higelin, à la basse et par ailleurs, il fait plein de projets spé. C’est un super bassiste. Franck Mantégari, batteur il a fait D’Angelo, The Wailers, et puis plein de trucs français qui marchent. Rémy Bousseau aux claviers, il a fait tout Daniel Darc, Dj Junkaz Lou c’est un instrumentiste avec ses platines, on joue ensemble depuis mon premier album et Damien Ossart, jazzeux, guitariste que je connais depuis l’album précédent.
Quand je te dis qu’il faut faire du temps son ami. Je suis Bams, je suis un chat quoi. Puis faut être humble. C’est aussi ça l’humilité. C’est de ne pas se détester et se pourrir quand on vit un truc dur quoi. C’est que tu n’es pas humble sinon.
C’est joli ce que tu dis…
Je n’arrive pas à me dire autre chose, sinon c’est la fin du monde. Parce que sinon quoi ? Je me dis que l’album sur lequel j’ai le plus investi, que je trouve le plus beau, est celui qui marche le moins bien et donc quoi, je m’arrête là ? Il est sorti il y a quatre mois, il a le temps. Ce n’est que le début. Puis je ne vais pas me laisser happer par cette société de merde du « tout, tout de suite ». Si j’ai la critique, et bien il faut que je l’assume.
Mais les critiques sont très bonnes, c’est simplement que tu n’as peut être pas rencontré ton public…
Oui, je n’ai pas encore rencontré mon public, parce que je ne suis pas rentrée en télé, parce que je ne suis pas diffusée sur des grosses radios. C’est tout.
Tu aimerais être relayée par des grosses radios ?
Oui bien sûr, parce qu’aujourd’hui j’ai le succès d’estime et artistique, mais c’est le passage au succès commercial que je n’ai pas. Succès commercial, ça veut dire popularité, et je pense que ma musique est populaire.
Tu penses que l’antisystème, c’est populaire ?
Non, mais ces valeurs devraient l’être, et je m’accroche pour les défendre. Ça passe par le grand public, et donc par les médias de grande masse. Par contre, ce que je ne dirais jamais, c’est que je vais faire la chanson que je pense pouvoir rentrer dans tel canal. Parce que Miles, super grand jazzman qui a traversé les frontières et les générations, qu’on disait élitiste, pour moi c’est populaire. On nous ment quand on veut nous faire croire que popularité veut dire médiocrité. Hey, les êtres humains on veut kiffer, on veut être bien ! Ça passe par l’émotion, et l’émotion ce n’est pas que l’amour. Et le problème quand tu écoutes la radio aujourd’hui, c’est que c’est toujours la même chose…
Mais c’est politique. Ce qui est important d’observer, ce n’est pas l’art en lui-même qui est promu par ces médias, mais plutôt d’avoir un regard critique sur les personnes qui ont un pouvoir de décision au sein de ces médias. Tu sais très bien que tout ça s’organise, tout est écrit. La musique nécessite des intermédiaires pour promotionner qui sont plus importants que l’art dont on parle. Qui dirige les radios, les télés ? Quelles sont leurs lignes éditoriales, qui sont les rédacs chefs ?
Tu vois, De ce Monde, il y a des morceaux rap sur cet album. On est d’accord ? Soi-disant Générations c’est la radio hip-hop alternatif. Je leur ai envoyé l’album. Ils ont programmés « Pas cool ? » Non. Ils ont programmés « Parasites ? » Non. Ils ont programmés « Boulice ? » Non. « Boulice », tu ne rentres pas « Boulice » sur Générations ? Et t’es la radio du rap indépendant ? Tu vois, ce n’est pas dirigé par des gens qui viennent du for us by us. Ce sont des commerciaux. C’est ça le système. Et ce qui est rendu visible par le système, c’est ce qui sert le système.
« Je voulais dans mes couplets être l’auteure engagée que je suis, et sur tous mes refrains je voulais décoller, être aérienne, lumineuse, groove… »
Tu ne penses pas que cet album, par sa richesse, est destiné à un public de niche ?
Ah non, pour moi, mon album est grand public. Je suis sûre que si tu le donnais à l’écouter au monde, il l’aimerait, j’en suis sûre.
Mais en France, c’est plus difficile. A l’étranger, ils ont toujours loué mon caractère ovni, mon invention musicale et justement cette passerelle très orchestrée des musiciens, cette culture ultra machines, ultra prod, mais dans une envergure chanson. La plupart des artistes, et plus connus que moi d’ailleurs – Tony Allen, Rza, Tyrone Downie et Douglas Ewart – auxquels j’ai eu la chance de faire écouter mon travail et d’avoir leurs retours, ils m’ont pris dans leurs bras quoi, en me disant : « Ne lâche pas, ça va être dur mais ne lâche pas ». Ils entendent la modernité qui n’est pas en rupture, c’est une filiation. Mon travail n’est pas élitiste, enfin il l’est, mais tout en étant grand public. Ferré, Barbara, Brel, ils étaient grand public. Et pourtant c’est spé, élitiste. Et si on était dans une société plus libre, plus ouverte, mon album aurait ce potentiel d’être accessible au grand public. Parce qu’il est chaud, et même si je suis une auteure engagée, mon cahier de doléances c’était : « Light, Force & Lov’… » C’était l’objectif. On peut dire que c’est sombre, dur, qu’il pleut, c’est violent et injuste, mais il y a toi, il y a elle, il y a lui, on est là et on est beau, on a des choses à proposer.
C’est le fond du morceau « Radio Bams » d’ailleurs…
Oui, mais la particularité de ce morceau, c’est que le Light & Lov’ était la ligne directrice. Alors que pour les autres, je voulais dans mes couplets être l’auteure engagée que je suis, et sur tous mes refrains, je voulais décoller, être aérienne, lumineuse, groove, chaude, pleine de vie. Ils sont tous construits comme ça.
Défendre un album auto-produit en tant qu’indépendante sur un plan organisationnel, c’est difficile. Est-ce qu’il y a des choses de ton côté que tu ferais différemment aujourd’hui ?
Oui, parce que je me suis laissée happer par ma vision de moi-même et du monde. Et donc de me dire que si je prends une grande attachée de presse, j’aurai les grands médias et ça va rouler. Alors que tu vois, comme toi, ce qu’aiment dans mon disque, c’est sa particularité, sa différence, ses aspérités, son côté spé. Si j’avais été une vraie marketing girl, je l’aurais travaillé de manière spé. J’aurais dû faire les choses de manière beaucoup plus artisanale. Mais je ne le suis pas. On ne peut tout être à la fois.
L’argent que j’avais, j’aurais pu l’investir dans une campagne d’affichage sauvage sur toute la France, des stickers, etc. D’autant plus que j’ai une carrière quand même, donc même si certains m’ont perdus de vue, ça m’aurait permis de montrer que je fais encore de la musique. Et par ailleurs, j’ai aussi fait l’erreur de fermer mon ancienne page artiste sur Facebook et d’en rouvrir une autre 15 jours avant la sortie du clip en pensant que ça allait fonctionner. Mais Facebook, ça a beaucoup changé. Mes potes m’ont mise en garde d’ailleurs, et bien je ne les ai pas écoutés.
Donc si j’avais défendu cet album comme il est, et comme ce qu’il veut dire, j’ai la conviction que j’en serais nettement plus loin. Alors que là, j’ai fait un compromis sur je suis une for us by us, j’ai fait un projet for us by us mais pour le promouvoir, je veux passer par les codes du système. Mais ce n’est pas grave, j’apprends. Et puis je suis humble, c’est mon 4ème disque, j’espère faire de la musique toute ma vie… Pour la suite, je ferai les choses différemment.
Et revenir au rap, vers cette forme d’écriture et d’énergie, c’est envisageable pour toi ?
Il y a des morceaux de Vivre ou Mourir que je joue encore sur scène, « Ma Chanson d’Amour », « Non », « Moi ma violence », « Si je rappe » et quand je suis en forme « Underground Style » parce que je le kiffe, mais c’est un morceau super dur.
Mais non, je ne crois pas. Je ne crois pas que je sache encore faire. Ce n’est pas mon énergie. Le rap, c’est physique, moi je l’aime quand il est hargneux et qu’il crache. Je n’ai jamais été West Coast… Tu vois, aujourd’hui je fais les choses différemment, je fais « Supa High » . Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de rappeurs qui aient fait des morceaux sur le « junkiisme », au sens propre d’être une junkie, et je kiffe l’instru, c’est comme ça que j’avais envie de la défendre.
Mais il y a quatre morceaux de mon dernier album où il faut que je sois rappeuse dans ma tête pour les défendre sur scène, c’est « Chaque jour le soleil », « Dérèglement climatique », « Qu’est ce qui se passe ici » et « Hémisphère nord ». Si dans ma tête je ne suis pas en énergie de rappeuse, et bien ça ne fonctionne pas.
C’est quoi l’énergie de rappeuse dont tu parles ? La hargne ?
C’est la ténacité ! Ce qu’avaient les gens de la soul, quand Aretha Franklin chante, c’est une rappeuse quoi ! Ou les grandes jazz girls, quand Nina Simone chante, c’est une rappeuse, elle lâche rien. Quand Billie Holiday chante « Strange Fruit » c’est chanté, mais elle ne lâche rien parce qu’il y a un propos.
Tu te poses des limites musicalement ?
Non. Je pourrais tout faire. Ma vie musicale sera en conséquence de mes rencontres et de mes coups de cœur du moment. Donc tout est possible. Depuis De ce Monde ça a été une évidence. En fait, quand j’ai fait Vivre ou Mourir, je me suis dit que la musique allait être ma vie. Et Vivre ou mourir sera mon premier album, et mon seul album rap, parce qu’après je veux être celle que je suis. Parce que cet album n’est pas complètement représentatif de celle que je suis. Je savais que pour le deuxième, je voulais faire d’autres choses. Même avant le succès de Vivre ou Mourir, je disais à Lou qu’on ferait d’autres choses. J’écoutais Les Clash, Bowie, Fela, donc je me rendais bien compte que même si ça fait deux, trois ans que je ne traîne qu’avec des hip-hopeux, je le sais moi que j’ai autre chose, c’est les autres qui ne le savent pas.
Mon premier album, j’étais en maison de disques, j’avais tout : éditeur, tourneur. J’ai quitté ma maison de disques. Parce que j’ai su qu’ils ne comprendraient jamais mon virage artistique. Eux voulaient que je fasse du rap. Et le jour où j’ai compris ça, je suis partie. Je suis en autoproduction depuis De ce Monde.
« La ténacité ! Ce qu’avaient les gens de la soul, quand Nina Simone chante, c’est une rappeuse quoi, elle ne lâche rien ! »
Tu étais déjà très affirmée et déterminée à 20 ans, ce n’est pas forcément évident pour tout le monde, d’où ça te vient ?
C’est le sport. Et d’ailleurs, si j’étais en politique, tous les enfants de ma nation feraient du sport. Tous. Et ils trouveraient le sport qu’ils aiment. Pourquoi ? Parce que le sport, c’est la justice. Tu sais que ce que tu vas donner va t’être rendu.
Le sport, c’est la notion de mérite aussi…
Oui, mais c’est la vie. Par exemple, j’arrête le sport, pourquoi ? Les Jeux Olympiques de 96 à Atlanta, première ville noire américaine. Dans ma tête, ça fait des bulles de champagne. Mon objectif, c’est d’y être. Donc début 96 je me dis, soit j’y vais, soit j’arrête. En 92, je participe au championnat du monde en salle de Barcelone, en 96 j’avais l’âge qu’il fallait, j’avais les moyens, donc c’était logique. Et cette année là, je mords tous mes sauts. Pourtant, je les ai dans les jambes, les 15 mètres, mais je mords. Donc je ne fais pas les minimas. Et parce que je suis jeune et impulsive, j’arrête.
Et le sport, c’est la vie. Parce que quand tu parles de mérite, dans le mérite il y a un truc de sociétal. Et la vie n’est pas sociétale. Alors que dans le sport, il y a la magie du sport. C’est le drame, c’est Shakespearien, c’est Zidane qui termine par un acte qui laisse tout le monde sans voix, c’est Jonathan Edwards qui avait tout gagné et qui se blesse… C’est la vie surprise ! (sourires)
C’est la société qui t’abîme et qui te fait perdre tes rêves. Quand tu commences par le sport, tu as confiance en toi parce qu’un entraîneur travaillera toujours tes qualités en premier, avant tes défauts.
La mort est très présente dans beaucoup de tes morceaux, comment trouves-tu l’équilibre sans tomber dans l’impudeur ?
Avec Vivre ou mourir j’ai vécu le plus grand drame, et c’est pour ça que j’ai écrit ce disque. Je n’en ai jamais parlé en promo, donc je n’ai pas de problème d’impudeur. Les gens n’ont jamais su qui j’ai perdu. Et si t’es pas mon proche, tu ne le sauras pas. Je ne veux pas faire du story-telling. Et je sais très bien que si j’avais voulu… Donc tu vois, j’aurais tout dans ma vie pour faire du story-telling, tu sais comment sont les gens de la télé, mais fuck ! Je ne veux pas rentrer avec ça. Je veux d’abord qu’on entende ma richesse, parce que tu auras compris ma personne, ma plus-value, mon apport, ma richesse et ensuite on réfléchira au pourquoi. Mais je ne veux pas de raccourcis débiles.
Mais dans l’écriture, ce qui ressort pour l’auditeur c’est la vie, la lumière, et d’ailleurs c’est quelque chose que je retrouve chez d’autres artistes…
J’ai répondu à cette question avec mon premier album, et c’est pour ça qu’il s’appelle Vivre ou Mourir. Au drame de la perte de cet être cher, j’étais K.O. tu sombres, tu coules, et un jour, je ne sais pas pourquoi, une petite voix est venue dans ma tête : « tu veux vivre ou mourir ? » et si elle n’avait pas été posée, aujourd’hui je ne serai pas là. Et c’est pour ça que j’ai tant foi aux drames qui te repoussent à te poser des questions essentielles. Quand tu réponds à ces questions, ta vie est différente. Et c’est là que l’autre chose, autrement, naît et se fait. Mais ça a mis du temps. Ça s’est fait inconsciemment, tout au long de Vivre ou Mourir. Et j’ai fait le choix de vivre.
Dans la liberté…
Ah oui, tant qu’à faire ! Sinon, à quoi ça sert ?
Et c’est pour ça que je pense que ce contexte de crise de radicalité va pousser les gens à s’éveiller, ils vont réinventer. C’est obligé. Sinon, tu ne peux pas survivre. La vie est plus forte. La vie surprise ! (sourires). La vie est plus magique… Et c’est pour ça que je veux une musique lumineuse, et que je veux de l’air dans ma musique, même si je dis les choses.
J’ai vu sur ta page artiste que le prochain clip sera Adieu, pourquoi avoir choisi ce morceau ?
Parce que c’est l’été, et puis des potes m’ont dit que mes deux clips étaient sombres. Ça, c’est mon côté punk, rock. Et je réfléchis aussi à l’impasse dans laquelle je suis, il faut savoir se remettre en question. L’intelligence, c’est aussi l’adaptation, pas la compromission, mais l’adaptation. Et je trouve le texte d’ Adieu super classe, c’est une vraie chanson d’amour. C’est beau, on y croit, on s’accroche et ça va le faire. Je déteste quand on parle d’amour de manière négative, parce que si ça l’est, c’est que ce n’est pas de l’amour ; et je n’en parle pas de manière innocente ou juste coquette.
Donc quand ils m’ont dit ça, ça m’a interpellé, parce que ce sont des gens qui aiment mon travail et me connaissent. Ils savent profondément celle que je suis. Et vu que dans ma charte de Dérèglement Climatique la lumière était un mot fort, je me suis dit, quitte à faire un troisième clip, autant essayer de faire quelque chose de plus solaire. Pour l’instant, je n’ai pas d’idée précise, mais je veux un truc lumineux, coloré. La thématique du morceau est plus universelle, donc plus synonyme de simplicité. Et je vais voir jusqu’où je vais aller. J’ai envie de me surprendre moi-même. Mais à ce jour, toujours pas trouvé le réal magique à l’idée fresh et… qui ne coûterait pas, car j’ai plus un rond. (sourires)
Tout à l’heure, nous parlions de féminité, et ce qui est commun à tous tes albums, c’est cette forme de sensualité très assumée…
C’est un parti pris que j’ai depuis le début. Et c’est en ça que pour les gens de l’industrie du disque, que ce soit les radios, les tourneurs, les journaleux, les promoteurs…je suis une relou pour eux. Il faut se rendre compte, les meufs dans la musique, à part couiner, minauder « je t’aime, l’amour… ». En plus, c’est toujours l’amour glauque qui ne marche pas, victime, ou alors les femmes castratrices à deux balles. La place de la femme dans la musique, c’est ça quoi. Et c’est mondial. C’est bling-bling, démonstratif, et plus que jamais la meuf, de mon point de vue, ça a grave régressé. Et du coup, un personnage comme le mien, ça déstabilise. En plus, on est dans une période compliquée, il n’y a pas d’argent, donc il ne faut pas se louper, alors ils ne se prennent pas la tête. En tant qu’artiste femme, je me sens seule face à mes collègues femmes qui « putassionnent ».
C’est sûr que la liberté de parole peut déstabiliser…
Oui, mais l’art, si ça ne déstabilise pas, ce n’est pas de l’art. C’est fait pour faire bouger les lignes, ouvrir des portes, apporter des émotions nouvelles, sinon ça ne sert à rien. Moi j’aime l’art quand il dérange, parce qu’il permet de se poser des questions et de se positionner. Puis, la musique a accompagné tous les grands mouvements sociaux de l’humanité. Les artistes sont là pour transformer le monde, pour apporter du beau et ramener l’espoir.
Un immense merci à Bams pour son accueil, sa générosité et sa confiance.
Attachée au mouvement, Bams travaille depuis notre entretien sur la préparation, avec une formation plus légère, de sa tournée dans les lieux alternatifs. L’occasion pour elle aussi, avec de nouveaux musiciens, notamment Alex Blandin à la guitare Dan Dee à la basse, d’offrir une nouvelle dimension à son dernier album Dérèglement Climatique, sorti fin 2013.
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