‘Pilote’, Doums en vol stationnaire au dessus du Népal

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Ceux qui suivent de près ou de loin les gars du S-crew et leurs jeunes collègues de la 75ième  session le savent, Doums est une légende. Eternel backeur, le rappeur du IXe arrondissement s’illustre par sa capacité à improviser en freestyle ou à s’imposer en featuring, tout en douceur et nonchalance.

Ce qui marque chez Doums, c’est aussi sa manière de se faufiler dans tous les bons plans rap de la capitale et d’ailleurs, sans jamais prendre le risque ou le temps de finir un projet personnel.  Doums est en direct du Népal, parmi les siens, et lorsque qu’il sort de sa tanière, l’événement est assez rare pour le souligner.  C’est désormais chose faite, sa non-productivité rompue, le rappeur sort Pilote, sorte de longue introduction ou d’épisode-test avant de tourner la suite.

Si Doums ne sait pas encore s’il aime le rap – ce qu’il déclare en interview – une chose est sûre, le rap lui a déjà prononcé ses vœux. La musique, il en a fait une affaire de famille avec ses frères d’une autre mère, ceux du S-Crew, rebaptisé S-Crewms le temps d’une collab, mais aussi avec les gars du Dojo (le studio de la 75 Session). L’artiste possède un talent inné pour la rime et la technique qu’il a su affûter dans tout les open-mics, les sessions freestyle et les scènes hip-hop de la capitale. Le mec est capable de tenir un Planète Rap entier avec plus de chanvre dans le sang que d’encre sur le papier. L’improvisation est le maître-mot, art qu’il maîtrise si bien qu’il se permet d’inventer des exercices de style qu’il met à l’œuvre ici ou là, avec Lomepal, comme si de rien n’était. Le rap c’est une histoire de potes et de performance, deux caractéristiques présentes dans le casting de Pilote. Produit par la crème des beatmakers de sa génération, Hologram Lo’ et 2zer (1995) Hugz Hefner, Népal et L$30, le projet est enrichi par les featurings avec 2zer encore, Alpha Wann et l’inattendu Zuukou, membre de la secte 667.

En écoutant  le projet, on ressent la forte influence des ses homies sur les sonorités et l’ambiance des titres  tel que « Zenith »,  « Dans le sang », ou «  Oulala ». Les instru sont acidulées et suffisamment chill pour accompagner la célèbre flemme vocale dont le rappeur fait preuve.  A chaque punchline, on le devine sourire aux lèvres et yeux plissés. Maître Splitter prend le temps comme s’il mesurait l’utilité de l’effort à effectuer, et lâche chaque mot avec calme et détachement, une lueur rouge dans le regard. « J’essaie d’transmettre au mieux mes pensées, faut pas qu’j’me perdre {…]/ Frérot, j’pèse mes mots, plus rien à perdre ». Son flow aérien ne l’empêche pas de conserver l’essentiel : en placer une pour ses terres d’origines  « le continent de demain c’est l’Afrique, agent spécial 2.2.3 » et sa ville d’accueil « frère c’est Paname et ses aléas ». L’essentiel des lyrics présente son parcours et ses convictions. Doum’s est peut être le seul rappeur à avoir faire un Zénith sans aucun projet dans les bacs, trop torturé par l’appréciation qu’il a de lui-même et de sa musique.

Quitter la démonstration et l’exercice de style pour faire de la musique, voilà le défi qui lui a pris tant de temps. Pilote porte bien son nom, et à l’instar d’un premier épisode de série, il s’agit d’une carte de visite du rappeur, d’un CV musical qui pose enfin les bases sur la couleur et la consistance de l’artiste. Souvent associé à son acolyte Népal, la complicité du duo 2fingz est évidente et même si ce dernier ne pose pas sur cet album, on sent le travail entrepris en commun. Si Népal est la nuit productive et l’insomnie agitée, alors Doums est le jour de repos, le lent réveil et la douce promenade digestive ; une brume matinale semble s’être posée sur la voix et les ambiances de l’artiste.

Doums, c’est un peu le miel dans le whisky, le lait dans le café, cette douceur qui masque la folie de l’homme. Transformer la technique en art, il sait désormais le faire, mais avec encore énormément de pudeur.  S’il suffit au rappeur de chuchoter pour qu’on remarque sa présence, il faudra peut être un peu plus affirmer le ton pour qu’on ne l’oublie pas quand il hiberne.

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Antoine
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