Disiz change parfois de nom. Il change parfois de flow, de thèmes et même de genre musical. Mais avec les années, seuls les chiffres restent. 11 albums et 17 ans de présence sur scène et dans les bacs. Voilà la légende gravée dans le marbre, son patronyme désormais unique, taillé en grosses lettres : Disiz la Peste
La couverture ne reflète pourtant pas le livre. Le retour de l’artiste sous son premier pseudonyme avec le titre brutal « J’pète les plombs » laisse présager un retour aux sources au rap dur et rêche. Mais très vite, le vent tourne. La tempête fait place au vent constant, moins agité, au cap fixe. Les extraits diffusés ne laissent pas de doutes. Le retour de Disiz n’en est pas un, c’est un renouveau. De nouveaux courants ? De nouvelles ambitions ? L’album s’appelle Pacifique, mais il ne s’agit pas d’une croisière.
L’influence d’Universal
Presque considéré comme un classique du rap francophone des années 2000, le rappeur d’Amiens a néanmoins su cultiver une certaine originalité, dans le flow, mais aussi dans sa carrière en dilettante, ponctuée d’expériences singulières comme avec Dans le ventre du crocodile qu’il sort en tant que Disiz Peter Punk, personnage rock de son esprit schizophrène. Pacifique, c’est 20 titres d’un rap édulcoré, coloré et planant, sur des instrumentaux très électro à l’instar de Stromae qui lui compose le titre « Splash ». Vrai scénariste, il raconte ses histoires en mots et en images avec des clips forts. Un rap très accessible donc, porté par sa signature chez Polydor assumée et guidée par le besoin de transformer un projet « spécial » en un « disque riche, éclectique et complet » comme il aime le dire en interview.
Go-Go-Gadget multifonction
De la à dire que Disiz s’est plié au cadre sonore que fournit Universal, il n’y a qu’un pas, qui ne sera pas franchi par ici. Le disque résulte d’un parti pris artistique authentique qui laisse l’impression d’un projet stylisé et soigné qui a eu le temps de mûrir pendant deux années. Disiz n’est jamais vraiment rentré dans le moule, et lorsqu’il choisit d’en suivre un, il s’en extrait facilement. Il l’exprime lui-même : « Plus samouraï que soldat, j’fais pas du rap calibré, j’fais du rap martial ». C’est cette fluidité et cette aisance dans la reconversion qui sont mobilisées dans l’album, qui comporte des titres infusés à la trap d’Atlanta comme « Meulé meulé/ Aighttt » et « L.u.t.t.e » mais aussi du cloud rap comme « Watcha », « Vibe » et « Carré bleu » en plus de bien d’autres styles, plus électro comme le très bon « Quand je serai chaos » ou l’ensemble plus pop.
Universelle musique
17 années de carrière auront eu raison des entraves de l’artiste qui apparaît désormais assez mature et libéré pour saisir le gouvernail et diriger son art où bon lui semble. Du fleuve rap qui la vu grandir avec des titres comme « Ma Benz » d’NTM, il navigue désormais vers l’Océan musique, au grès des courants. « Tu connais Prince, tu connais Sade, t’écoutes d’la bonne ‘zique, hm, ça, ça me plaît ». Pacifique est un voyage en radeau, un saut dans l’inconnu, un pari risqué dont on ressort apaisé. Un album à la visée assez large somme-toute, presque universelle. Tout compte fait Disiz, le rap c’est vraiment mieux ?
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