« The Easy Truth », la belle surprise de Skyzoo & Apollo Brown

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Habitué à m’injecter un cocktail de cocaïne, Guronsan et Red Bull pour réussir à finir un album du très chiant Skyzoo sans m’endormir, je m’étais promis de ne pas réitérer l’expérience, surtout après Music For My Friends. Je n’étais pas plus motivé à me coltiner Apollo Brown, le beatmaker de Detroit et donc forcément enfant de Dilla (raccourci à la con), n’arrivant pas à sortir de son empreinte musicale laissé par The Left, chaque album collaboratif ou solo de l’artiste n’étant qu’un remake de l’OG. Bref, vous mixez tout ça, puis vous en extrayez la composition chimique, et enfin vous changez cela en poudre à gélule, et vous pouvez relayer le Prozac au rayon infusion à la camomille.

Pourtant, un murmure venu des rues sombres et criminelles de mon hood – ou plus précisément de mon fil d’actualité Facebook – laissait à penser que je commettais une grosse erreur. Armé de mon tube de vitamine C et d’une bonne dose d’héroïne, je prenais donc le risque d’un coma temporaire en pressant le bouton play de cette collaboration, en gardant l’espoir secret de recevoir une claque inversement proportionnel à mon mépris.

Skyzoo et Apollo Brown ne sont pas des inconnus pour l’un et l’autre, qui se sont croisés un jour en se disant « faisons péter un projet ensemble ». On l’oublie souvent, et c’est justifié, mais les deux artistes avaient déjà collaboré à minima sur deux morceaux, sans que cela n’ai marqué qui que ce soit. Avec un background négatif, il était dur d’imaginer qu’un projet comme The Easy Truth puisse inverser la tendance. Agrémenté d’une pochette simple mais attractive qui laissait déjà penser qu’on serait sur une vibe à 15 ans de retard, cet album collaboratif est surtout le rappel d’une règle mathématique élémentaire : moins fois moins, ça fait plus.

The Easy Truth est donc une très bonne surprise, surtout si d’entrée de jeu aucun des deux acteurs ne vous émoustille plus depuis un bon moment. Le premier élément qui frappe est l’ambiance musicale proposée par Apollo Brown, qui s’éloigne  de sa patte originelle pour rentrer dans une vibe plus généraliste, ou tout au moins plus calquée sur une structure soul/jazz de fin des années 90. Souvent vilipendé pour sa technique de travail rébarbative, Apollo Brown répond avec intelligence, démontrant ainsi sa capacité d’adaptation, là où beaucoup en seraient incapables.

Jamais dans la surenchère, Apollo se comporte en vrai numéro dix afin d’offrir la passe musicale la mieux adaptée à son attaquant Skyzoo.  Ce dernier n’étant pas à proprement parler un rapper-banger, Apollo a su se caler sur une ambiance plan-plan tout en y amenant le relief nécessaire afin d’éviter une baisse de tension à l’auditeur. De « One in the Same » et ces quelques touches de piano à « Nodding Off », jazzy en vous en foutre le blues, le producteur apporte constamment le dosage parfait, sans oublier d’y ajouter une dose vitaminée par moment, avec « Jordan & Gold Chain » et le parfait « Basquiat on the Draw », sans aucun doute la bastos de l’album.

De son côté, Skyzoo fait du Skyzoo, pas de métamorphose de style, et donc ce fameux flow monocorde qui sur la longueur peut créer certaines migraines. Dommage, car à l’instar de « Spoil To The Victor » mais surtout de « Basquiat on the Draw », et face à la concurrence féroce des deux frères Conway et Westside Gunn, Skyzoo est tout à fait capable de muscler son jeu. La session en mode freestyle sur « On The Stretch & Bob Show » est une preuve encore que Skyzoo est au-dessus en matière de placements et d’écriture, mais pourquoi ne pas donner plus de relief à son delivery ? Skyzoo reste cette frustration continuelle, ce potentiel jamais exploité jusqu’au bout, si bien qu’on en revient à devoir se contenter d’une ambiance plus downtempo à base de soul comme sur « They Parked a Bentley on the Corner » et « Payout ». Dommage, mais pas vraiment préjudiciable à cet album.

The Easy Truth est une très bonne surprise, la capacité d’Apollo Brown à nous prendre au dépourvu dans une ligne musicale qui s’éloigne de sa touche habituelle est vraiment plaisante. On pourra bien sûr critiquer une production musicale très copiée-collée à celles des dernières années de la golden era, mais le travail est fait avec professionnalisme et pertinence. Skyzoo a peut-être enfin trouvé le producteur qui lui fallait ou qui lui manquait, selon les goûts et couleurs de chacun, pour réussir à mettre en relief son flow. Malgré tout, il nous reste cette petite frustration qui nous laisse penser que Skyzoo n’a pas encore réussi à atteindre 100% de son potentiel.

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Thadrill
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