Fianso, roi d’un conte de Ferrari

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Ce vendredi 27 janvier sort #JeSuisPasséChezSo, le nouveau disque de Sofiane, nommé en référence à la série de freestyles qui a cassé l’internet en 2016. Retour sur le phénomène Fianso.

Capable du meilleur comme du pire, de feats avec Dosseh comme avec Léa Castel, Fianso n’a pas attendu 2016 pour démontrer la validité de sa plume, mais paraissait se chercher. En juin 2013 sortait Blacklist 2, album aux collaborations éclectiques et au succès mitigé, mais pas sans utilité, puisqu’il a permis un tournant dans la carrière de Sofiane. Revenu aux côtés de Lino sur Requiem en 2015, il a entamé le virage en douceur, mais 2016 a été l’année du drift, parfaitement exécuté et en 10 épisodes : #JeSuisPasséChezSo, ou l’explosion d’un phénomène. Puisque quand la tour vacille, il est sage de revenir à sa base, le rappeur du Blanc Mesnil a choisi la sagesse, le retour aux sources et à ce qu’il sait faire de mieux : le freestyle.

Le concept est simple, et d’autant plus puissant : « un rappeur, un beat, une caméra et un lieu, il s’passe c’qui s’passe et nique sa mère y a aucune limite ». 10 clips format freestyle, avec parfois même deux instrus pour un même épisode, un flow décapant, des punchlines énervées s’enchaînant avant que t’aies eu le temps de cligner des yeux. Et surtout, la sincérité comme moteur du son et de l’image, une énergie vraie à défier toute concurrence. Fianso a son concept, et il est seul dans ce game du freestyle fédérateur. Redistribuer la force et le respect reçus, aller dans ces quartiers où les autres ne vont pas, et y être accueilli comme un grand du tieks. « Si nous on y va pas, qui y va ? » : l’engagement est réel, Fianso ne parle pas, il agit, provoque les rencontres aux quatre coins de l’Ile de France et même à Marseille.

Écumer l’Ile de France mais, évidemment, garder les pieds sur terre et dans le 93 ; le rappeur du Blanc Mesnil a été exemplaire. Fédérer et donner l’exemple, pour arriver à un petit tremblement de la terre facilement effritable du rap jeu : réunir rappeurs et figures de Saint-Saint-Denis pour un « 93 Empire » anthologique aux côtés de Kalash Criminel. Ensemble contre la discorde, grosse cagoule et gros bonnet en tête de ce grand « dégat des eaux » ; le son est chanmé, couronné par 11 millions de vues et presque autant de nuques cassées. Ça paraissait utopique, pourtant Fianso l’a fait, et il a même poussé l’engagement jusqu’à accepter d’être l’égérie du Red Star FC, dans sa quête insatiable de moyens de fédérer le 9.3.

Au fil des épisodes, il a créé un phénomène, quelque chose de très grand, de tellement grand qu’il l’a dépassé, pour le tournage de « Ma cité à craqué » aux Mureaux, où il est accueilli comme un roi par une foule en liesse. Une grande fête offerte à Sofiane, qui, flatté, en fait un clip puissant.

Mais quelques temps après le tournage, la police achève de disperser ceux qui étaient encore dans les parages, à coups de gaz lacrymogènes, des poubelles sont renversées. En résulte une vidéo amateur, titrée « Le tournage d’un clip de rap dérape aux Mureaux ». Pour Rapelite, il explique : « Ca a pas dérapé, c’est quoi, c’est 10 petits qui se sont embrouillés avec 10 condés ». Mais il n’en fallait pas davantage pour que le Parisien et autres BFM en fassent une émeute de banlieue, comme une preuve de la violence de ces « jeunes de la cité, chauffés à blanc ». Qu’en retenir, à part une énième preuve du sensationalisme sans limites de ces canards friands de faits divers facilement détournables ? Pas grand chose, sinon bien sûr l’exploit réalisé par Sofiane, celui de provoquer une grande fête dans un quartier qui n’est pas le sien, et d’en faire un son fort de sens et plein d’une énergie remarquable.

En retenir également, le rayonnement croissant du rappeur comme personnalité publique, rayonnement qu’il met au service de causes comme celle d’Adama Traoré, assassiné par les forces de l’ordre le 19 juillet 2016, ou aux côtés de l’association Speranza. Et sa signature chez Capitol, en novembre 2016, pour une belle somme à propos de laquelle les spéculations vont bon train, ne l’a pas dévié de ce chemin-là. Il prépare une tournée gratuite dans 15 villes de France, 15 concerts gratuits dans les quartiers, comme pour prouver, si besoin il y a encore, qu’il va « marquer l’histoire de la banlieue ».

Pendant cette tournée, c’est le disque #JeSuisPasséChezSo qu’il défendra, disque à sortir le 27 janvier, dont on peut attendre qu’il soit la consécration du phénomène Fianso. Un genre de conte de Ferrari, qui reprendra des épisodes et sons déjà clippés, mais également de nouveaux chapitres de l’épopée du roi Fianso. Que ce disque soit celui de son couronnement ou pas, ça n’enlèvera rien à la force de ce qu’il a déjà réalisé, et puis, de toutes façons « chez les loups, y a pas besoin de couronne pour être king ».

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Maëlle

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