« Depuis qu’les gens confondent la vie et le cinémascope, se disent que ça viendra en lisant leurs horoscopes » Lucio Bukowski, lui, « fait de l’art [son] unique et bien-aimée mascotte » en pratiquant la peinture sociale comme Orozco, en somme en dépeignant des couleurs irradiantes pour mieux en dissocier les multiples teintes.
La pellicule se déroule en bichromie au rythme d’images de films et d’archives où la ville de Lyon elle-même semble être au premier plan avant l’apparition des premières couleurs sur ce même registre énigmatiquement poétique de par sa simplicité. Cheminots, artistes, scientifiques et acteurs se succèdent dans un brouhaha mélodieux pendant que lui « fait la fête avec un cocktail molotov » avouant ironiquement qu’« on s’est marrés, on a vidé des bières sans alcool et puis on s’est barrés ».
Protégeant Ludo, son roi, Lucio en fin maître du jeu et éternel preneur de risque se positionne en tour et réalise un Grand Roque puisque l’avenir lui a dit : « Tu n’as pas d’excuse, ne pas rentrer dans l’jeu afin qu’ils ne puissent pas t’exclure. » Préférant prendre la vie sur son propre terrain et avec ses propres règles, il fustige une réalité qu’il dépeint d’un passé goguenard et moqueur en initiant un chiasme imagé et lettré.
Mais Rimbaud peut se cacher derrière les vives couleurs d’un rainbow en invitant secrètement 2Pac, Molière… et les licornes. Cultivant le paradoxe d’une main experte puisque « les tricheurs pratiquent le double jeu » il passe du coq à l’âne, ou plutôt de la poule aux œufs d’or à l’animal fantastique, en tournant en dérision ses classiques devenus démocratiques. Basculant dans un tout autre univers, il fait face à la caméra dans l’authenticité des ruelles qu’il a de tous temps arpenté, et redevient le seul acteur de l’expiation de ses tourments.
La critique sociétale n’est jamais bien loin pour qui sait la voir, mais c’est cette subtilité insidieuse qui chez lui en fait toute sa force, tant « dans [son] pays, Justice n’est qu’un groupe d’électro ». Désormais récurrents, les relents de spiritueux sont omniprésents chez celui à qui il fallait « une prod pour éviter la cuite », mais Lucio reste ce sombre poète illuminé qui « mettra nos larmes dans la bière au lieu de leur Picon ». Nous offrant ce même goût amer et enivrant, cette même audace « laconique, depuis que nos idées noires ont la colique » il scande un énième suicide poétique voyant que notre « époque cherche la dernière balle dans des fonds d’tiroir » il sourit face au miroir et lui tend le bâtard tesson de sa propre bouteille de whisky étiquetée Royal Lochnagar…
Share this Post
- Vies et Morts dialoguent dans les Chansons de Lucio Bukowksi et Mani Deïz - 29 mai 2018
- L’éthotrip, rap de fragile ou avènement du sentiment ? - 21 février 2018
- A court de Stamina, Freez comble Les Minutes Vides - 20 novembre 2017