Meek Mill – DC 4, le revers de la mitraille

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Alors que Meek Mill vient de sortir Meekend Music, une mixtape miniature de trois titres destinée à tenir ses fans en haleine dans l’attente de son prochain opus, nous tenions à revenir sur Dreamchasers 4, son dernier projet sorti le 28 Octobre 2016.
« Sell a lot of dope, dodge a lot of cases,
stickin’ to the basics, rock a lot of chains… » 

Voilà environ trois ans qu’on attendait avec une certaine impatience le dernier acte de la série des Dreamchasers. Avec DC 4 et en dépit de conditions de sortie compliquées, Meek Mill rempile pour un quatrième opus tout aussi nerveux que les précédents. Si la première écoute impose d’emblée le regret d’un manque de prise de risque et d’innovation, force est de reconnaître que la formule désormais bien rôdée du rappeur de Philly reste efficace : une trap belliqueuse adoubée par la rue depuis maintenant quelques années et un flow qui survole allègrement les consonnes, lancé à toute berzingue avec la précision d’une boule de démolition qui ne manque jamais ses cibles.

Notre homme a cette particularité de chasser le rêve en racontant le cauchemar.

Dévalant furieusement depuis les sommets de sa montagne enneigée les pistes noires de l’existence, cadavre de flic à peine rigidifié en guise de board, Mr Philadelphia reprend son récit là où il l’avait laissé. Toujours policide, jamais policé, son rap cru déroule entre les sirènes toutes proches des patrouilles et le tintement lointain des églises, la grande aventure des économies et des mondes parallèles. Aux premières loges d’un spectacle préfiguré dès le début de l’album par le cliquetis des armes et les tirs de fusil à pompes (intro de « On The Regular »), on assiste au sinistre ménage à trois de la poudre à canon (scié pour plus d’efficacité), de la colombienne et d’une culture de la violence à son apogée dans l’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis, après Chicago.

En pleine possession de ses moyens, sans toutefois parvenir à s’affranchir de cette zone de confort, Milly poursuit sur sa trap de satrape interlope aux rythmiques abrasives. Cap sur le rap nyctalope : celui qui voit la nuit d’une Amérique des bas-fonds pour ce qu’elle est, diffractant les couleurs du spectre de la violence à la loupe d’une glorification morbide. On entend les douilles tomber comme les ennemis. Son flow galope toujours entre putes et poudre, entre orgasmes simulés et deals dissimulés, tandis que la gravité des orgues rend compte du désordre des oraisons funèbres.

La Faucheuse affrète elle-même des charrettes entières pour acheminer vers la morgue les corps retrouvés dans le fleuve Delaware.

« Sittin’ in the mansion, could’ve been in the feds
Drop top even with a price on my head »

Au demeurant, le talent de Meek Mill pour le story-telling d’écorché vif lui permet le plus souvent d’éviter l’écueil d’une apologie des affres du gangstérisme vide de tout propos. Eclaboussant les murs de notre conscience, le récit sanglant confine au rap conscient, fracturant de plus fort l’omerta sur les coulisses impitoyables du tissu d’activités illicites qui peuplent ces heures souterraines (« Tony Story 3 »).
Citons également « On The Regular » qui fait honneur au compositeur Marc Orff en confirmant sur un sample des Carmina Burana que Meek Mill ne se plante jamais sur l’intro de ses projets ; « The Difference » feat. Quavo ; « Blue Notes » dans le registre de la fusion blues-rap où le king de Philly continue d’exceller ; « Offended » feat. Young Thug et 21 Savage qui ravira sans doute les fans de ces derniers ; et à nouveau « Tony Story 3 », qui retentit comme le track le plus poignant du projet avec la même magnitude que « Lil Snupe » sur DC 3. « Shine » enfin, dont le début rappelle les meilleures heures de Chinese Man, une influence que semble bien confirmer l’instru de «  Left Hollywood » sur Meekend Music.
Fidèle aux trois précédents, le disque persiste ainsi dans la veine trap fiévreuse qui a forgé le succès de Robert Rihmeek Williams et rappelle à la concurrence que le poulain de Rick Ross et de l’écurie MMG reste bien en place. De même, il résonne comme le dernier chapitre en date d’une leçon plus vaste : si les chasseurs de rêves finissent quelquefois dans la lumière, même loin de l’antre ghettoïsé de leurs origines, il règne toujours en eux une part d’ombre.

Alors que tout le monde le disait fini après ses multiples clashes d’il y a quelques années (The Game, 50 Cent et plus récemment Drake), celui qui trappe sur des mélodies d’église pour raconter le délabrement existentiel des quartiers, planquant la coke à l’intérieur de l’orgue, n’a pas dit son dernier mot.

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Le Scribe

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