Mais qui se cache dans le corps d’Eminem ?

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Une toison blonde, un personnage, ou plutôt des personnages, tantôt profondément honnêtes ou complètement barrés, et des capacités techniques hors-normes. Un grand doigt d’honneur à la culture pop. Voilà ce que représentait Eminem du temps de The Slim Shady LP , de The Marshall Mathers LP et du Eminem Show. Malgré tout cela, rien ne paraissait jamais forcé. Marshall affichait une insolente maîtrise au micro, entre delivery de dératé, brusques changements d’intonations et enchaînements de rimes multisyllabiques. Tout paraissait être à sa place et coller au personnage. Tout paraissait vrai. Presque miraculeux. Eminem marchait sur l’eau.

L’outrance fut poussée jusqu’au dérèglement avec Encore. Excessif, tant dans l’usage des drogues synthétiques que dans la musique, Eminem finira par se retirer quelques années du monde du rap pour mieux se retrouver. Viendront deux ou trois inédits par-ci par-là, puis le vide.

Entre 2004 et 2009, Marshall disparaît quasiment de la circulation. Les médocs le rendent encore plus pâlichon jusqu’à totalement le faire disparaître. Ou comment passer du statut de rappeur blanc le plus célèbre à celui de fantôme. Eminem ne se fait pas crucifier, il disparaît de lui-même. Ou presque. Les pharisiens se sont fait pharmaciens.

Puis un retour via Relapse, la formule se recycle mais reste fonctionnelle. Certains trouvent que Dre livre du fond de tiroir, que Em’ glisse trop facilement sur son retour à Slim Shady … Il y a du vrai, mais la magie opère encore, même si l’authenticité n’est pas forcément là. Que peut-il se passer après ce disque ? Une carrière de revival ne pourra pas fonctionner. Et est-ce vraiment une résurrection ? Aucun miracle inédit en vue. Vas-y que j’te multiplie les pains dans la tronche des starlettes d’un soir, et que j’parle à ma presqu’immaculée maman.

A écouter :
Clip grand-guignol, moqueries sur des stars plus ou moins éphémères, production à base de claviers signée Dr. Dre … Eminem crache sur un monde dont il fait désormais presque partie. Reste un morceau efficace d’un grand gamin qui ne peut s’empêcher de taper dans la fourmilière pour se marrer un bon coup. Un joli flirt avec l’auto-caricature.

A écouter :
Un morceau agréable pendant deux minutes jusqu’à ce qu’Eminem décide de nous arracher les oreilles avec ce qu’il doit penser être de l’intensité dans l’interprétation. Il parvient ainsi à réaliser l’une des rares fautes de goût de Compton, le dernier album de Dr. Dre.

La machine est relancée, et c’est un an plus tard que survient Recovery. Mais que s’est-il passé entre temps ? On a évité la redite. Foncé droit dans l’honnêteté. Traité de problèmes intimes. D’accord, mais pourquoi ces singles pop ? Pourquoi « I’m not afraid » ? Pourquoi « Love the way you lie ? ». On comprend bien que ce disque est supposé être profond, mais rien ne fonctionne, des productions à l’interprétation forcenée. Dre, le plus fidèle apôtre, a disparu de la circulation… Mais est-ce vraiment Eminem qui occupe son propre corps, ou bien quelqu’un tente-t-il de l’imiter en reprenant ses faits de vie les plus connus, et en imitant mal sa voix, qui se fait de plus en plus braillarde ? Eminem est bel et bien mort.

Quelques temps plus tard, survient une annonce qui fait saliver un paquet de monde. Marshall va sortir la suite d’un de ses albums les plus réussis : Marshall Mathers LP. Les fans s’enflamment, ça y est, le grand retour est annoncé ! L’album est teasé avec la sortie d’un morceau intitulé « Rap God 2.0 » Un morceau marqueur. « Olalala qu’est-ce qu’il rappe vite ! ». Les cons hurlent au génie, les apôtres se méfient. Ils savent qu’il faut redouter cette période. Tout est faux dans cette démonstration de technique. Personne ne peut y croire, seuls les badauds sont impressionnés. Le vrai Eminem n’aurait jamais réalisé un morceau aussi vain. Quand il voulait s’attarder sur ce genre de démonstrations techniques, comme avec « Till I Collapse », cela avait un encore un sens. Cela avait encore une âme. Non, ce n’est définitivement pas Eminem à l’intérieur du corps d’Eminem. L’ère des faux prophètes est survenue, et l’un de ces rigolos a choisi d’occuper le corps de Marshall.

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Des gamins en recherche de modèles partent à la poursuite d’une fausse icône. Une icône qui ne représente plus rien ni personne. Une icône caricaturale qui cache mal ses tours, et dont les cartes dépassent maladroitement des manches. Plus rien à en faire.

Mais combien de temps cela durera-t-il encore ? Et doit-on encore attendre la véritable résurrection d’Eminem ? Attendre que le vrai lui revienne pour chasser tous les escrocs qui auront tenté d’occuper son terrain, attendre qu’il reprenne sa place au sommet du rap mainstream américain ?

Peut-être a-t-il déjà été ingéré par l’immense rouleau-compresseur du rap. Peut-être faut-il accepter de remâcher à l’infini les mêmes hosties et se contenter de revivre en boucle sa période 98-2002 pour toucher à la partie la plus pure de sa carrière. Après tout, c’est déjà pas mal…en attendant une hypothétique résurrection pour célébrer l’apocalypse.

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