La fraternité Lomepal-Caballero, cette complicité naturelle ayant fait bon nombre d’allers-retours entre Paris et Bruxelles, et ce, bien avant que le singe ait commencé à fumer la cigarette. Depuis, cette croisée royale des chemins administre son fief, cultivant le fruit de sa passion par la mise en commun des ressources. Entre le quartier général du Blackared Studio aux collaborations multiples jusqu’aux scènes communes, le partage frontalier est au cœur de l’actualité de ces deux artistes aux styles dichotomiques mais complémentaires. Mise à jour oblige, le duo a répondu à quelques unes de nos questions suite à leur concert dans le cadre de la 25e édition du festival de Dour, en Belgique.
Après 2 ans d’absence, voilà que vous revenez avec l’équipage d’À Notre Tour, pour la sortie du EP « PAF », sachant que ce sont des textes qui voient le jour après avoir hiberné durant deux ans, les assumez-vous toujours aujourd’hui ?
Caballero : Pour ma part, il y a des trucs dont je suis moins fier mais ce n’est pas grave, je sacrifie mon côté perfectionniste pour ne pas casser les couilles. Mais quand même, le projet est produit et réalisé dans une bonne énergie et il y a ce côté instinctif qui est resté, alors que nous avons bouclé l’EP en une semaine.
Lomepal : Honnêtement, quand nous l’avons fait, nous ne pensions pas le sortir aussi tard, en réalité et objectivement, nous sommes tous d’accord que ça aurait dû sortir beaucoup plus tôt, mais nous avions tous des trucs ou projets en solo.
Caballero : C’est très bien que ça sorte enfin, nous pouvons dire que les gens sont enthousiastes avec tous ces bons retours. Normal ! Il y a de très bons morceaux là-dessus.
Lomepal : C’est une belle lost tape comme dirait Caba ! Il y a beaucoup d’amour dans ce projet, comme en témoignent quelques morceaux plus touchants. Finalement, nous pouvons dire que nous l’avons réalisé dans un esprit très hip-hop, aboutissant à un produit vraiment pas mal au final.
Vous semblez évoluer chacun de votre côté dans un délire assez différent, tant au point de vue des textes que dans le choix de vos productions, parlez-nous de vos approches respectives.
Caballero : Je t’avoue que pour ma part, je considère que j’ai le parcours assez classique pour un gars qui fait du rap francophone, soit de toujours commencer sans trop prendre de grands risques, éviter le plus possible de se casser la gueule, c’est le passage obligé, selon moi. Bien sûr avec le temps, tu viens à maîtriser une certaine base en écoutant davantage de musique, en voyageant davantage grâce aux concerts et c’est là que tu rencontres un nombre grandissant d’artistes, dont certains qui pratiquent des styles musicaux différents. C’est l’explication européenne et francophone. Parce que les américains ont un temps d’avance sur nous puisqu’ils commencent à rapper leurs premiers textes dans ces nouveaux styles et différents délires, font des trucs « incroyaux », sur des productions incroyables.
Lomepal : Il y’a aussi l’explication voulant que cette vieille école, ambiance et univers où l’on rappe sur des instrus qui sont rudimentaires et similaires nous amène tous à rechercher la boucle parfaite. Maintenant, il est certain que Caba et moi, lorsque l’on cherche des productions, on veut des « bridges », des changements dans la rythmique et on pense aux refrains. Toutefois, nous sommes issus de cet esprit hip-hop de la boucle. Une boucle parfaite sur laquelle on peut rapper mille heures dessus… et on le fait vraiment !
Caballero : Côté production il est certain que j’essaie toujours d’agrandir le panel de collaborations. Sur mon prochain projet, il y aura un lot de surprises en ce sens, soit des gens nouveaux et différents. C’est par là que j’ai envie d’aller, de tester des nouveaux trucs sans non plus devenir un autre artiste ou un autre personnage, toujours garder la signature-source quoi ! Vous verrez bien!
En parlant de connexion, parlez-nous de votre proximité avec François Dubois, réalisateur du clip #PAF d’À Notre Tour, entre autres.
Lomepal : C’est Caba qui nous l’a déniché celui-là.
Caballero : François Dubois mec, j’allais en Haute École de Graphisme et il y avait ce type à l’école, sachant que je faisais du rap, m’a tout de suite connecté à lui en me disant qu’il avait une bonne touche dans la production vidéo, qu’il réalisait des films de skate avec de belles images et ralentis. Du coup, on a tenté l’expérience en sa compagnie pour le clip « C’est aussi simple que ça ». Une collaboration fructueuse alors que le visuel était propre et soigné, sans trop grande prise de risques. Après on a continué à travailler ensemble dans l’optique d’aller encore plus loin, comme pour ma musique. C’est un gars avec qui je m’entends super bien, c’est une crème, un grand artiste doué qui mérite tout mon respect, gros big up à lui.
En vous entourant de ces gens qui ne sont pas nécessairement issus du milieu rap, comment qualifiez-vous l’apport que ces personnes peuvent avoir sur votre musique et votre démarche indépendante ?
Caballero : C’est très intéressant de ne pas vraiment se cloisonner à quelque chose, si tu veux mon avis.
Lomepal : Le rap, pour le définir, ça peut paraître simpliste de dire ça, mais c’est initialement un sport et ça devient un art. Au début, tu veux être le meilleur, tu entres en mode compétition, la performance est importante pour être le plus fort. Tu en as presque rien à foutre que certains autour de toi ne comprennent pas ton délire, tu te dis que ce sont ceux qui comprennent pas, qui ne savent pas que t’es le meilleur. Après, petit à petit, tu réalises que c’est plus qu’un outil pour faire de la musique, qu’il y a des gens autour de toi qui n’ont pas la même proximité avec le milieu du rap, qui se prendront autrement ta musique, par l’émotion pour certains. C’est de concert avec eux que tu travailles toute une carrière, toute une image etc… Tu entres ainsi dans cette objectif de convergence des points artistiques de ta musique. Forcément, ton manager, celui qui réalise tes clips, ceux qui prennent des photos pour toi, les gens qui t’enregistrent en studio, toutes ces personnes-là, vont avoir un point de vue sur ce que tu fais et si tu as de l’estime pour eux, cela va certainement influencer tes pratiques musicales.
Parlons d’un rappeur qui a très bien compris la théorie de Lomepal du sport qui devient un art, Nekfeu, lui qui vous a récemment invité à la dernière édition Grünt ainsi que dans les studios de Pure FM lors de son passage à Bruxelles, parlez-nous de cette proximité avec lui et des retours positifs qu’il reçoit de la critique pour son tout premier album solo, Feu.
Caballero : Lomepal le connait beaucoup mieux que moi et depuis beaucoup plus longtemps, j’ai eu la chance de le croiser maintes fois, on a passé de bonnes soirées ensemble, discuté longuement, bref on s’est très bien entendus. Nous avons toujours mutuellement supporté notre musique, c’est un gars super talentueux et tous les gens qui le connaissent te le diront, c’est quelqu’un avec un cœur énorme.
Lomepal : Pour définir Nekfeu, c’est un mélange entre un grand cœur voulant faire croquer tout le monde, et une très très grande ambition personnelle. C’est un bosseur acharné et assidu. Ce qui lui arrive aujourd’hui, cela allait arriver un jour ou l’autre, pour nous ce n’est pas étonnant, c’est même tout à fait mérité. (Caballero qui chante son refrain dans « Mérité »)
Faisons-nous plaisir et parlez moi de votre pèlerinage au Québec, à Montréal plus particulièrement.
Caballero : Oh là là, je suis fanatique de Montréal ! Je suis arrivé et ils m’ont apporté un onze de pot là qu’on fumait pur t’sais. (rires)
Lomepal : Par chance il a arrêté, Caba ne fume plus.
Caballero : Franchement c’était incroyable, je ne veux surtout pas minimiser Montréal à la weed, il y a une putain d’ambiance, les gens sont accueillants, souriants, chaleureux, c’est une autre mentalité et tu le sens bien que tu es loin du vieux continent. Et le parler »franglais » à Montréal c’est un truc marrant et atypique pour nous d’ailleurs.
Lomepal : Pour ma part, je suis un grand fan des deux ambiances que tu peux retrouver là-bas, j’y suis allé en septembre la première fois, et là c’était tout le monde dehors toute la journée à faire la fête, et après j’y suis retourné avec Caba en hiver, et là, c’est l’inverse, ce sont des soirées à l’intérieur car il fait trop froid pour sortir. Un soir je suis sorti pour aller me chercher un burger au A&W à 4h du matin et il faisait -38 degrés ! J’ai littéralement dû me battre contre ce froid de dingue.
Caballero : Les crottes de nez sont gelées hein ! Sérieusement, on a galéré une bonne heure une fois, il y avait des murs de glace autour des roues de la voiture (du char), on a dû creuser cette glace avec des scies carrément !
Lomepal : Nous étions dans un chalet bien loin en voiture de Montréal, d’ailleurs je tournais le clip de Solo ce jour-là.
Un éventuel retour possible pour vous?
Lomepal : Avec un peu de chance normalement, grâce à Carambar Spectacle, ceux qui me font tourner, il y a une possibilité, une brèche, on se croise les doigts sans trop s’avancer, pour le festival des Francofolies 2016 qui se tient en juin chaque année. Rien de confirmé, ça reste sur la glace pour l’instant.
Votre expression fétiche pour clore le sujet?
Caballero : Brasser une couple de bières (se boire quelques bières).
Lomepal : J’en ai lu une, je sais pas si elle est d’actualité parce que je l’ai lu dans le livre des meilleurs expressions québécoises là-bas mais, pour dire qu’une fille est vierge : « Elle a jamais vu la neige ». (rires). C’est super chaud, en fait le Québec est très poétique !
Beaucoup de choses se trament dans les profondeurs du Blackared Studio à Bruxelles, tenu par son propriétaire Carlos (Les Corbeaux), dites-nous en davantage sur ce lieu phare pour vous.
Caballero : Le Blackared Studio va sortir des profondeurs, alors qu’on va lancer une page Facebook, nous avons depuis tout récemment un compte Instagram avec des photos et vidéos de tous les rappeurs qui passent. Une semaine il y avait Alpha Wann qui est venu enregistrer un hit pour la suite d’Alph Lauren, il y a Hologram Lo’ aussi qui passe tout le temps.
Lomepal : Mes quatre derniers disques sont enregistrés là exclusivement. Quel endroit chaleureux !
Caballero : Il est grand temps que les gens sachent.
Lomepal : Pour expliquer aux gens pourquoi ils devraient aller là-bas et non ailleurs, tout d’abord, contrairement à un studio très professionnel avec des gens, certes expérimentés, où tu feras tes trucs et te casseras par la suite, le Blackared Studio, c’est l’antipode. Tu arrives sur place, c’est familial, il n’y a pas de pression, tu prends ton temps, tu enregistres ton morceau. C’est une tout autre manière de travailler, tu te concentres sur ta musique sans réfléchir au côté industriel comme tu le ferais dans un studio professionnel, le Blackared est un lieu très artistique.
Caballero : Avec bien sûr ces gens qui t’entourent en permanence sur place, ces grands scientifiques musicaux comme Le Seize et JeanJass, ces ingénieurs sons estampillés or. Pour sa part, Carlos sait très bien enregistrer les artistes qui y passent et connaît la bonne recette afin de faire de bons mixages de projets. Bref, une putain d’équipe professionnelle en plus d’avoir la chance de travailler avec des grands noms du rap français de la nouvelle école. Nous sommes très fiers du Blackared aka le Placard Rouge.
En conclusion, vous avez un acronyme à nous donner pour #PAF ?
Caballero : Je sais pas.
Si on disait, Paix, Amour, Fraternité?
Caballero : Ouais c’est bon ! C’est beau et très philosophique, c’est un aspect important parmi d’autres toutefois, mais il est vrai, il faut dire, que ce projet s’est fait dans cette ambiance. Ce n’est pas à mettre de côté même si ça reste un peu « gnan gnan ». C’est un truc de famille voilà !
Lomepal : J’en ai un avec l’amour qui résume tout aussi bien cette communion soit Pénis Avec Fouf.
Caballero : ou Pute À Fourrer (rires)
Lomepal : Celui-là c’est quand tu sors du Blackared.
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