« L’effroyable imposture du rap » de Mathias Cardet est sorti il y a presque un an et demi maintenant. Pourquoi y revenir aujourd’hui ? Parce qu’alors que l’essayiste prépare un nouveau livre, il fait à nouveau parler de lui avec la création de la plateforme musicale Bras d’honneur – avec son poto Stéphane Perone – et avec sa participation au groupe Gaza Firm. Pourquoi tout ce bruit ? Parce que l’ombre du polémiste Alain Soral semble planer au-dessus de tout ça…
Gaza Firm d’abord, que Soral a félicité et qualifié de « Ligue de Défense Goy » – en référence aux allumés de la Ligue de Défense Juive. Cardet se défend cependant d’être le leader du mouvement et nie toute implication de Soral. Bras d’honneur ensuite. Certes, Cardet ne veut pas être étiqueté comme étant le « nègre de Soral » et prétend avoir « passé l’âge d’avoir des maîtres à penser ». Nous voulons bien le croire. Mais subsiste bien plus qu’un doute. Comment ne pas voir dans cette plate-forme une nouvelle entreprise de Soral pour pénétrer les quartiers populaires (rôle qui devait être le sien au sein du Front national, quand son association Egalité & Réconciliation a été fondée), quand le nom fait directement référence au polémiste – qui en janvier a déclaré abandonner les « quenelles » au profit des bras d’honneur – et qu’il intervient lors de l’inauguration du site ? Dans ces conditions, analyser « L’effroyable imposture du rap » , ouvrage où Cardet essaie une critique clouscardienne (1) du hip hop, semble encore d’actualité.
« Loin d’être une contestation du système, le rap aurait avant tout pour rôle de tuer les aspirations révolutionnaires dans les ghettos… »
Il faut néanmoins reconnaître quelque chose à l’ouvrage : on ne peut le résumer à « le rap, c’est le produit du méchant complot judéo-maçonnique » – contrairement au médiocre « Comprendre l’Empire » d’Alain Soral (2011) – et c’est pour cela que je vais l’analyser indépendamment du fait qu’il soit co-édité par Kontre Kulture. L’essayiste tente une analyse socio-historique et mobilise diverses causes pour étayer sa thèse. Il nuance même ses propos à certains moments. La critique du bouquin mobilise des connaissances dans l’histoire du rap, l’histoire du Black Panther party for self-defense et en philosophie (notamment marxiste et clouscardienne), choses qui manquaient à Olivier Cachin ou Thomas Blondeau pour ne citer qu’eux.
La thèse du livre est aussi simple que sulfureuse : loin d’être une contestation du système, le rap aurait avant tout pour rôle de tuer les aspirations révolutionnaires dans les ghettos en convertissant ses habitants au consumérisme capitaliste. En cela, son point de vue est à rapprocher de ce qu’écrit Michel Clouscard sur la culture rock dans l’excellent « Capitalisme de la séduction » (2). Son analyse s’opère en trois grandes étapes. Il parle d’abord de la subversion du mouvement noir des années 1960-1970. Ensuite, il évoque les origines consuméristes du rap. Pour finir, il explique la manière dont le hip-hop a complété la récupération de la gauche caviar libérale – celle de Jacques Delors et Jack Lang – dans les banlieues françaises.
C’est donc ces trois étapes que je vais devoir déconstruire pour démontrer que Cardet confond (ou fait semblant de confondre ?) les causes et les conséquences. Car disons-le tout de suite : le hip-hop appartient bien dans sa globalité (mais pas dans sa totalité) à ce que le sociologue et historien américain Christopher Lasch appelait les « cultures de masse » (3) et à ce titre, est parfaitement intégré à « La société du spectacle » du penseur Guy Debord (4). Mais pas pour les raisons avancées dans le livre.
La première étape de la démonstration est la plus simple à réfuter, car tout est faux, ou presque. Cardet commence par revisiter l’histoire du mouvement afro-américain des droits civiques. Il pose d’abord sommairement (et très justement) le décor et les clivages entre les différents mouvements : les intégrationnistes représentés par Martin Luther King et la NAACP (vus comme les gentils) contre les séparatistes de la nation of islam ou de la SNCC (forcément méchants). Puis dans un deuxième temps, il se concentre essentiellement sur le Black Panther Party, organisation la plus radicale et la plus dangereuse pour le système. L’auteur explique comment ce mouvement révolutionnaire d’inspiration marxiste finit par mourir. Il parle du programme de contre-espionnage COINTELPRO, mis en place par le président du FBI John Edgar Hoover pour étouffer les mouvements révolutionnaire, le BPP en tête. Puis il dénonce l’ennemi idéologique intérieur : Angela Davis.
« L’essayiste tente par-là de faire d’Angela Davis celle qui convertit les ghettos à ce que Clouscard appelle l’idéologie « libérale-libertaire » »
Et là est l’erreur. Cardet nous explique que pendant que Huey Percy Newton – leader très révolutionnaire du parti – est en taule, Angela prend progressivement l’ascendant idéologique. Pour Cardet, la philosophe efface la lutte de classes marxiste au profit du féminisme et de l’hédonisme. Il justifie ce propos par le fait que sa thèse de doctorat a été dirigée par Herbert Marcuse, membre de l’École de Francfort. Cette dernière est un regroupement d’intellectuels dans le domaine des sciences sociales, mêlant psychanalyse, philosophie et sociologie et qualifiée de « freudo-marxiste ».
Cardet tombe malheureusement dans les travers de Clouscard, qui par fidélité au Parti communiste français (auquel il n’adhère pourtant jamais) méprise tous les autres mouvements marxistes hétérodoxes et accuse le mouvement de pervertir le socialisme. L’École de Francfort est pourtant radicalement anticapitaliste. Elle est même une source d’inspiration pour beaucoup de penseurs socialistes majeurs. On pourrait citer le trotskiste Daniel Bensaïd (qui consacre de nombreux textes à Walter Benjamin, co-fondateur du mouvement), les deux derniers populistes américains Christopher Lasch et Paul Piccone ou encore le socialiste communautarien et décroissant Jean-Claude Michéa. Ce dernier met même l’Ecole de Francfort sur le même plan que l’Internationale Situationniste de Guy Debord, Socialisme ou Barbarie de Cornelius Castoriadisou encore le marxiste Henri Lefebvre, directeur de thèse de Michel Clouscard justement. Le courant allemand a d’ailleurs été le premier à s’intéresser à la perversion de l’industrie culturelle par le capitalisme. Max Horkheimer et Theodor W. Adorno ont développé des critiques sur le jazz très proches de celle de Clouscard (5), quoi que teintées d’élitisme (voire de mépris envers les cultures populaires).
Ce que Cardet ignore, c’est que la jouissance prônée par Marcuse dans « Eros et Civilisation » n’est pas l’hédonisme consumériste, mais bel et bien le retour d’un vrai plaisir, aliéné par l’exploitation capitaliste. Une autre erreur est d’assimiler totalement Angela Davis à cette école. Bien qu’elle ait été l’élève de Marcuse, qu’elle estimait beaucoup, elle est plutôt restée fidèle au marxisme-léninisme – qui, malgré les critiques qu’on peut lui formuler, ne s’écarte pas de la lutte des classes –, comme en témoigne le cours qu’elle dispensait à l’Université de Californie. Il faut aussi rappeler à l’auteur que le féminisme n’est pas étranger au marxisme (« Dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat » Friedrich Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884)).
Même si tout féminisme n’est pas compatible avec le marxisme, on est tenté d’affirmer avec Christopher Lasch qu’un « féminisme digne de ce nom aurait dû remettre en question l’idéologie de la croissance économique et de la productivité, ainsi que le carriérisme qu’elle engendre » (6). Dans « Femmes, race et classe » , Davis lie très bien les problématiques de classes avec les problématiques féministes et antiracistes, allant jusqu’à dénoncer ce qu’elle nomme le « féminisme bourgeois » (7) . Pour finir, la militante n’a jamais eu l’ascendant intellectuel au sein du parti. Le mouvement était dès le départ traversé par des courants contradictoires et a toujours hésité entre réformisme (incarné par Bobby Seale) et révolution. Bref, si l’histoire du BPP présentée par l’auteur est globalement juste, la partie idéologique est fausse. L’essayiste tente par-là de faire d’Angela Davis celle qui convertit les ghettos à ce que Clouscard appelle l’idéologie « libérale-libertaire » qui synthétise les aspects du capitalisme consumériste et hédoniste d’aujourd’hui (8).
« L’affirmative action, ainsi que l’ultra-libéralisme reaganien vont contribuer à créer une élite et une classe moyenne noire, et accroître les inégalités comme jamais au sein de la communauté. »
Il faut donc chercher ailleurs. Une fois les mouvements révolutionnaires neutralisés, les Noirs se retrouvent seuls face au capitalisme. Les gangsters et dealers, soit le lumpenproletariat (9) que Newton, dans une approche fanonienne, voulait intégrer au mouvement révolutionnaire (10), étaient naturellement attirés par le capitalisme. L’affirmative action (« discrimination positive ») mis en place par les présidents Kennedy, puis Johnson, ainsi que l’ultra-libéralisme reaganienont contribué à créer une élite et une classe moyenne noire, et accroître les inégalités comme jamais au sein de la communauté. La majorité des Noirs ne peut pas accéder à ce niveau de vie, et son ralliement au capitalisme naît de cette frustration. C’est dans ce contexte le hip-hop voit le jour. Ce dernier ne s’oppose donc pas au système, et Cardet a raison de le signaler. Le hip-hop est à l’origine festif – la block party est son origine – et hédoniste. Il est le reflet de la classe qui l’a créé. C’est une « superstructure » (11) – pour parler en termes marxistes – des ghettos.
Le rap n’est pourtant pas consumériste, ou du moins au départ. En s’extrayant à la fin des années 1970 de l’univers « block party » pour devenir industriel, le MCing, perd de son essence festive et hédoniste. Il devient à partir de 1982 et « The Message » de Grandmaster Flash la voix des quartiers. Ainsi naît le rap « engagé » ou « conscient » – non-représentatif du rap dans sa globalité – qui provient des plus conscientisés et reflète leur vision du monde. Un rap qui ne vient pas de théoriciens socialistes ou de penseurs, dont le message reste naïf et victime d’une contradiction fondamentale : il veut s’opposer au système tout en vivant de celui-ci (par la vente de disques). La forme transgressive – devenue un des piliers du capitalisme libéral-libertaire –, le rythme binaire et isométrique (que Clouscard avait déjà détecté dans le rock) et son apparente marginalité ont fait du rap une proie parfaite pour les majors, également pour les jeunes issus des classes moyennes désirant s’enrichir.
Le hip-hop, dans sa version mainstream, possède les qualités pour plaire aux ghettos (dont il est issu) ainsi qu’aux classes moyennes et petites-bourgeoises, motrices du capitalisme consumériste. Les rappeurs deviennent ainsi des produits marketing. Ce n’est cependant pas le rap qui convertit les ghettos au capitalisme et les détourne de la révolte, mais c’est leur conversion déjà actée qui donne au rap sa forme. D’ailleurs, le rap bling-bling n’est pas new-yorkais, mais provient de Los Angeles, ville à la culture des gangs et du bling-bling très forte (chose que n’oublie d’ailleurs pas l’auteur dans son analyse). Ensuite, la non-homogénéité des individus permet la diversité du rap, dont l’existence de formes vraiment contestataires. La bombe de destruction massive est alors désamorcée : le rap n’a ni intégré au système, ni détourné une quelconque ambition révolutionnaire. Il a été neutre.
Si le capitalisme semble chaque jour avancer dans les ghettos, ce n’est pas à cause du hip-hop. C’est parce que « la bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux », comme le faisaient remarquer Karl Marx et Friedrich Engels en 1848 dans « Le manifeste du Parti communiste » . Ce qui signifie qu’il tend à l’illimité et a besoin d’étendre le marché dans toutes les sphères de la société, et donc d’intégrer en son sein de plus en plus d’éléments.
« Le rap français a toujours plus suivi le rap east coast que le rap west coast : le bling-bling et les filles dénudées ne correspondent pas à la sociologie des « ghettos » français. »
Et en France alors ? Pour comprendre le rap français, il faut revenir à la structure sociale de la société française dans les années 1980, et plus particulièrement de ses banlieues. A cette époque, la France continuait de découvrir « l’immigration de masse ». Le prolétariat blanc commençait à subir la mondialisation et était progressivement chassé vers le périurbain. Les immigrés se retrouvaient donc parqués dans des ghettos qui prennent une orientation ethnique (ou pseudo-ethnique). Les canaux traditionnels d’intégration, qui étaient l’Église (surtout catholique), les partis (surtout le PCF), les syndicats, le service militaire et l’école républicaine volaient en éclat. Coupés progressivement du reste de la société française, les immigrés et leurs enfants forment alors une masse de déracinés, qui s’organise en contre-société. Mais c’est l’Hexagone dans sa globalité qui se décompose sous le néolibéralisme mondial (12). Dans le même temps, même si le FN ne commence à émerger qu’en 1983, le racisme violent est courant, et les français issus de l’immigration le subissent de plein fouet. C’est ainsi que se déroule « la marche pour l’égalité et contre le racisme » le 3 décembre 1983, surnommée improprement « La marche des beurs ».
Dans le même temps, le Parti socialiste au pouvoir abandonne en toute connaissance de cause la lutte de classes, et décide d’instrumentaliser l’antiracisme. Naît alors SOS Racisme, association qui a pour but de mettre en place un « antiracisme de spectacle ». C’est-à-dire un antiracisme à l’image de la gauche caviar libérale, qui joue sur l’image – et qui plait donc rapidement au show-business –, qui dépossède les ghettos de leur propre combat pour le transformer en spectateur (13) et surtout ne s’attaque pas à la structure sociale, et est donc complètement inefficace pour combattre le racisme (14).
C’est dans ce contexte que le hip-hop arrive en 1984. D’abord marginal, il obtient peu à peu l’adhésion des banlieues française, en recherche d’une identité culturelle. Le rap français, bien que s’inspirant très largement du rap américain, s’adapte à la structure sociale française. C’est pour cela qu’il s’est plus inspiré du rap east coast que du rap west coast : le bling-bling et les filles dénudées ne correspondent pas à la sociologie des « ghettos » français.
« La récupération totale [par la gauche] du vote immigré est passée par le biais du rap. Le rap reprend tout le catéchisme de SOS Racisme sur la repentance, le discours victimaire et la critique totale des corps de métier, notamment la police » explique dans interview accordée à E&RMathias Cardet. Ces propos, malheureusement erronés, résument le rôle qu’assigne l’auteur au rap français dans son bouquin. Il est vrai qu’avec son « droit à la différence », l’association antiraciste a permis l’émergence d’un multiculturalisme normatif (même si limité en France), s’appuyant sur un multiculturalisme de fait (15), alors qu’il était peut-être plus judicieux de mettre l’accent sur le commun. « La repentance » et « le discours victimaire » sont le triple produit de l’histoire coloniale française, du néocolonialisme qui a suivi, et de la séparation sociale qui recoupe partiellement les fractures communautaires.
Dans ces conditions, le « Blanc » est pour beaucoup la figure du bourgeois, et ce même si beaucoup de Blancs vivent en cité et ne sont pas forcément maltraités comme le croient beaucoup trop de politicards à droite. Ce n’est donc pas le rap qui a appris aux fils d’immigré à « niquer la France » ou « niquer les Français » (évidemment, ces attitudes sont moins importantes qu’on ne le pense). De même, les « quartiers » vivent coupés des services publics. Les fonctionnaires sont les profs, vus comme responsables de la reproduction sociale (on pense à Bourdieu) ou les flics présents sporadiquement et qui font le sale boulot (contrôle au faciès, descentes dans les cités). Encore une fois, le rap a été un reflet et un miroir. Certes, un miroir parfois déformant, les aspects artistiques et commerciaux y poussant.
« Le rap n’est pas la cause, mais un symptôme. Un symptôme qui n’a d’ailleurs pas que des défauts… »
Il ne s’agit pas ici de nier le rôle néfaste qu’ont pu avoir certains rappeurs dans les cités (poussant à la haine de la France ou au crime, donc ne contestant pas le système), mais ils sont d’abord le produit du contexte socio-historique, avant d’en être par la suite un moteur. Les quartiers votent à gauche : est-ce de la faute du rap ?
Il convient déjà de dire que c’est de la faute de la droite elle-même s’ils ne votent pas à droite. Soit parce que la droite d’argent les méprise pour des raisons sociales, soit parce que la droite conservatrice (ou celle qui feint adopter un discours conservateur à des fins électoralistes) néglige trop souvent les aspects sociaux, et en vient à les mépriser pour des raisons culturelles ou sociétales. Le rap a ensuite nécessairement attiré la gauche dans son ensemble. Soit pour des causes sociales pour la gauche de la gauche, soit parce que, comme expliqué plus tôt, les minorités sont devenues le prolétariat de rechange de la gauche libérale. Cette dernière est d’ailleurs d’abord libérale sur le plan culturel – comme l’explique à longueur de livres Jean-Claude Michéa – le rap lui est apparu récupérable. C’est pour cela que celui qui a le plus œuvré dans ce sens n’est autre que Jack Lang, figure symbolique de cette gauche. Cependant, ce vote à gauche se révèle de moins en moins un vote d’adhésion (16).
Ce texte est évidemment trop court pour développer rigoureusement une critique de l’œuvre de Cardet. Cependant, les grandes lignes sont dessinées et montrent que le rap n’est pas la cause, mais un symptôme. Un symptôme qui n’a d’ailleurs pas que des défauts. Comme le relève le MC Lucio Bukowski dans un entretien qu’il a accordé à Sound Cultur’ALL : « En France la réception du hip-hop (…) s’est teintée d’une couleur sociale d’entrée. (…) Néanmoins, dans les premiers temps, le rap est apparu comme un moyen simple et abordable de faire de la musique. Pour nous, ça a été une occasion formidable d’écrire et de se libérer, du moins d’échapper à des langages artistiques et musicaux qui ne nous parlaient pas forcément. Et surtout il n’y avait pas encore de codification, du coup, la liberté artistique était un champ vierge. Mais bon, malgré ce qu’est devenue en partie cette musique (la partie la plus voyante), la réalité, c’est qu’un paquet de mecs de partout en France continue à voir le rap comme ce moyen d’expression libéré des contraintes diverses qu’imposent l’industrie du disque à ses obséquieux domestiques. Je préfère parler de ces gens… »
Comme lui, ReapHit préfère parler de ces gens-là. Après tout, il est même probable que nous ne nous serions jamais intéressés à des figures comme Frantz Fanon, Thomas Sankara ou Ahmed Massoud, sans certains rappeurs. Bref, continuez de kiffer et comme scandait Assassin : « Des fois, cut ta télé, change ton quotidien, rentre dans un musée ou lis un [vrai] bouquin ».
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Notes de l’auteur :
1 – On peut noter qu’Alain Soral a souvent revendiqué une filiation intellectuelle avec Michel Clouscard. Chose que le philosophe a nié en 2007, dans les colonnes de l’Humanité dans un édito intitulé « Aux antipodes de ma pensée« .
2 – Michel Clouscard, Le Capitalisme de la séduction – Critique de la social-démocratie, Editions sociales 1981 ; Delga, 2006
3 – Selon Lasch, les anciennes cultures populaires localisées tendaient à disparaître au profit des cultures de masse. Ces dernières sont le fruit de l’uniformisation du monde issu du capitalisme mondialisé et sont d’essence consumériste. Voir Christopher Lasch, Culture de masse ou culture populaire ? (traduction de l’article « Mass culture reconsidered » paru in Democracy, 1, octobre 1981, p. 7-22), Climats, 2001
4 – Le situationniste définit la société du spectacle comme étant « le capital a un tel niveau de concentration qu’il en devient image ». Voir Guy Debord, La société du spectacle, Buchet-Chastel, 1967 ; Champ Libre, 1971 ; Gallimard, 1992
5 – Voir Theodor W. Adorno, Philosophe de la nouvelle musique, 1948
6 – Christopher Lasch, Les femmes et la vie ordinaire (Women and the Common Life, Love, Marriage, and Feminisme, 1997), Climats, 2006
7 – Critiquant la féministe Susan B. Anthony, Davis écrit dans le chapitre 7 : « Cette position résolument féministe était aussi le reflet de l’idéologie bourgeoise (…). Il fallait bien sûr comprendre le comportement sexiste des hommes, mais le véritable ennemi c’était le patron, tous les responsables des salaires de misère, des conditions de travail, de la discrimination sexiste et raciale sur le lieu de travail ». Voir Angela Davis, Femmes, classe et race, trad. Dominique Taffin-Jouhaud et le collectif des femmes, Paris des femmes ; Antoinette Fouque, 2007
8 – Voir Michel Clouscard, Néofascisme et idéologie du désir, 1973, réédition Delga, 2008 ou aussi : Michel Clouscard, Critique du libéralisme libertaire, généalogie de la contre-révolution, réédition Delga, 2005
9 – Dans la théorie marxiste, le lumpenproletariat est la partie du prolétariat qui vit en marge du système. Possédant en général peu de conscience politique, cette classe est l’allié objectif de la bourgeoisie avec laquelle elle partage les mêmes valeurs. Contrairement aux anarchistes, comme Bakounine, Marx est très dure avec elle. Avec Engels, ils écrivent dans La sociale-démocratie allemande : « Le Lumpenproletariat – cette lie d’individus déchus de toutes les classes qui a son quartier général dans les grandes villes – est, de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est parfaitement vénale et tout à fait importune ».
10 – Dans Les Damnés de la Terre, Frantz Fanon écrit que le lumpenproletariat peut constituer « une des forces la plus spontanée et la plus radicalement révolutionnaire d’un peuple colonisé ». Voir Frantz Fanon, Les damnés de la Terre, 1961, réédition La Découverte, 2011
11 – Dans la tradition marxiste, l’infrastructure désigne ce qui est relatif à la production et la superstructure, l’ensemble des idées de la société, c’est-à-dire la production non matérielle.
12 – Sur ce sujet, relire le texte de Guy Debord sur « la question des immigrés » en 1985 fait toujours beaucoup de bien. Citation : « Faut-il donc les assimiler ou « respecter les diversités culturelles » ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) […] On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de « diversités culturelles ». Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane ; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (américaine) de toute culture. ». Voir Guy Debord, Œuvres complètes, Gallimard, 2006
13 – Guy Debord déclare dans La société du spectacle : « L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir ».
14 – Dans Pour la révolution africaine, Frantz Fanon explique : « Le racisme n’est pas un tout mais l’élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d’une structure donnée ». Voir Frantz Fanon, Pour la révolution africaine, Écrits politiques, 1961, réédition La Découverte, 2011
15 – Pour comprendre la différence entre les deux, le « multiculturalisme de fait » prend acte de la coexistence de diverses cultures au sein de la société, alors que le «multiculturalisme normatif » cherche à l’imposer comme principe de société.
16 – A ce propos, je recommande la lecture de l’excellent article de Jean-Laurent Cassely dans Slate : La gauche est-elle en train de perdre le vote des minorités ?
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