Le DefJamOmètre

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J’ai pour habitude de balancer des conneries sur un ton sentencieux dans le groupe réservé au staff de ReapHit. Le problème, c’est que de temps en temps, quelqu’un me prend au mot. Alors qu’on parlait du prochain album de SCH, j’ai évoqué l’idée de faire un article sur le taux de « Defjamisation » de tous les albums du label Def Jam France. L’idée étant d’essayer d’analyser à quel point la signature sur Def Jam France avait pu changer le son de chacun de ces artistes. C’était pour rire, mais quelqu’un m’a dit que c’était une bonne idée. Et m’a relancé. Encore. Et encore. J’étais foutu.

Pour faire sérieux, j’ai fait un post afin de centraliser toutes les infos sur la documentation que j’allais utiliser pour l’article. Et c’est là que je me suis rendu compte de la merde dans laquelle j’étais. J’ai reporté tout le catalogue dans mon post, et j’ai compris ce qui m’attendait : une bonne vingtaine de skeuds, certains signés d’artistes que j’apprécie, d’autres que j’avais bien volontairement évité à leur sortie. Allez … en route pour un nouveau grand moment de masochisme.

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L’ÉQUIPE A OUMAR

En avril 2016, Oumar annonçait son départ de Def Jam France pour rejoindre Capitol, et embarquait du même coup trois rappeurs de son équipe : Joke, Dosseh et Dinos. Trois rappeurs qui ont eu l’occasion de sortir un unique projet chez Def Jam.

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Apparences de Dinos

Dinos Punchlinovic était un rookie quelque peu en vue au moment de la sortie de son premier projet, L’alchimiste. Un an plus tard, il se retrouvait à sortir son second projet sur Goldeneye et Def Jam France. Un EP plus structuré, et sans doute plus pensé sur le plan commercial car mieux drivé. Sur L’alchimiste, Dinos commençait à pousser sur les thématiques geek, ce qui a été encore plus affirmé sur Apparences. On découvre un jeune homme moderne, accro aux grecs, aux meufs et aux jeux vidéos, bref un post-ado comme les autres auquel pouvait s’identifier un certain nombre d’auditeurs. Je ne suis pas un grand fan de l’artiste, mais il faut avouer que le disque est abouti et varié, notamment en terme de production, pour le coup on peut dire que c’est une D.A réussie !

Taux de DefJamisation :
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Ateyaba et Delorean Music de Joke

La carrière du montpelliérain se divise en trois parties : la première chez Institubes, la seconde chez Golden Eye, et la troisième, qui démarre avec Delorean Music et se termine avec Ateyaba, toujours chez Golden Eye, mais après que la structure en question se soit alliée à Def Jam France.

Cette troisième partie se distingue clairement du temps de Institubes… Le rappeur a peu à peu fait évoluer son son et a tenté de se forger une identité. On reste ici sur des productions très électroniques, mais le mix se fait plus lisse et propre. C’est du Def Jam. Pusha T, Dosseh, Jhene Aiko en feat. C’est du Def Jam.

Ateyaba reste un album à la durée de vie limitée, efficace mais manquant cruellement de personnalité. Et c’est justement ce dernier point qui nous paraît intéressant : Joke n’était-il pas le candidat idéal pour le label ? Un jeune rappeur avec un bon potentiel d’identification, dans l’ère du temps, et capable techniquement, mais à l’image peu définie et malléable.

Taux de DefJamisation :
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Perestroika de Dosseh

Perestroika laisse un goût assez étrange … L’album s’avère être une légère déception pour ceux qui s’étaient accrochés au personnage. Le flow et les schémas de rimes ont changé, Dosseh rappe de manière plus actuelle, souvent sur des rythmiques trap qui ne lui correspondent pas forcément. Des terrains qu’il avait certes abordé auparavant, mais qui n’étaient pas forcément ceux qui parlaient le plus à son public. Certaines thématiques ont disparu, notamment le côté panafricain. Exit le Dosseh des collaborations avec Lalcko, Sofiane ou Despo, qui se voient remplacés par Joke et Gradur, et par des refrains autotunés qui ne collent pas au personnage.

Le disque comporte malgré tout de très belles éclaircies qui nous laissent entrevoir le vrai talent de Dosseh, quelques phases bien deep qui nous rappellent à son bon souvenir, et quelques morceaux qui font complètement le taf… pour un disque qui restera malgré tout le cul entre deux chaises, comme si le principal intéressé ne croyait pas pleinement en certaines tentatives.

Le constat est sans doute trop alarmiste : à certains égards, le disque reste dans le haut du panier de Def Jam, mais a tout de même de quoi décevoir le public originel de Dosseh. La tentative d’élargissement a loupé.

Taux de DefJamisation :
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Les Vieux d’La Vieille

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Je suis en vie de AKH

Peu de commentaires à émettre sur cet album, totalement typique de AKH. Qu’on apprécie encore ou non le bonhomme, Je suis en vie reste un album qui lui est totalement fidèle. Zéro featurings imposés, et des collaborations assez typiques de son école de rap aujourd’hui, entre l’assimilation des rookies marseillais tels que Red.K, les feats attendus avec ses proches – Shurik’n et Faf Larage – et le taf désormais habituel avec Sébastien Damiani.

Aucune raison de retravailler l’image et le son de Akhenaton, son univers est déjà totalement construit, et son public, entre les anciens qui le suivent depuis les 90’s, et les jeunots qui ont pris le train en route, est déjà constitué. Une valeur sûre sur laquelle s’appuyer pour le label.

Taux de DefJamisation :
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Arts martiens & IAM de IAM

Voir le paragraphe précédent. Du IAM pur jus.

Taux de DefJamisation :
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Sur le Fil du Rasoir de Kool Shen

Kool Shen avoue lui même ne plus écouter beaucoup de rap, et ne plus être à la page sur la question. Quelques temps plus tard, il sort un nouvel album en se retrouvant à rapper sur du Therapy, du Kore, ou du Richie Beats… Les prestations de Shen sont tout à fait correctes, mais l’album paraît tout de même complètement à côté de la plaque, et son discours apparaît comme profondément banal. Un comble pour celui qui reste l’une des icônes rap de sa génération…

Entre cet affreux titre avec Soprano, et des tentatives de discours politiques démago et dépassés, l’album devient par instant presque gênant, surtout quand tout cela vient se coupler à des productions pianotées digne d’un album de boom-bap loupé de 2005.

On a encore ici à faire à un disque le cul entre deux chaises, entre la suite ratée mais honnête de Dernier Round, et les tentatives d’actualisation du personnage, en essayant de le remettre dans l’air du temps. Cette deuxième partie incombe assez clairement à Def Jam.

Taux de DefJamisation :
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LE CAS DISIZ

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Extra lucide de Disiz

Ça dure une heure trente huit, et il y a un morceau avec un sample de l’Inspecteur Gadget. Disiz n’est pas franchement l’archétype du mec dont on aurait fait évoluer le son après signature. Pour le coup, depuis l’épopée Peter Punk, Disiz a testé beaucoup de choses, très souvent ratées selon moi, mais semble toujours l’avoir fait de bon cœur. Sa signature sur Def Jam France est survenue deux disques après le début sa mutation… Pas de traces de Defjamisation ici : on peut supposer que Disiz a été signé comme un artiste à l’identité déjà construite, et qu’il a été décidé de le laisser travailler sur les bases de ce qu’il était en train de construire.

Taux de DefJamisation :
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Trans-lucide de Disiz

Bon par contre, après avoir écouté Extra Lucide, j’étais particulièrement inquiet à l’idée d’enchaîner avec celui-ci. Il était hors de question que je passe cette nouvelle épreuve à jeûn. J’ai donc crée une cagnotte Ulule afin de démarcher des gens pour qu’on me paye une bouteille de Ballantine’s.

J’ai fait une présentation de projet vachement sérieuse, en allant jusqu’à construire une équation pour calculer combien de liquide j’allais avoir besoin afin d’analyser l’album. Malheureusement, Ulule a choisi de me boycotter en me renvoyant dans les cordes. Je ne pourrai donc pas donner mon point de vue sur ce disque.

Sans nom 1

Taux de DefJamisation :
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KAARIS

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Le bruit de mon âme de Kaaris

Après le raz-de-marée Or Noir, Kaaris délivrait son premier disque sous l’égide de Def Jam avec Le bruit de mon âme. Therapy est toujours aux manettes, l’identité du rappeur de Sevran toujours présente. On remarque quelques nouvelles tentatives, des morceaux plus chantés, plus élagués, dont avait pressenti l’arrivée avec un titre tel que « Pablito » sur la réédition de Or Noir. Ici, cette facette de Kaaris s’étale encore un peu plus. Difficile de lui reprocher, un nouveau disque voiture-bélier si peu de temps après la sortie du précédent aurait pris le risque d’être redondant, seulement les nouvelles tentatives sont assez rarement efficaces. Influence de Def Jam ou prise de conscience et nouvelles envies de la part de Kaaris ? Dur de trancher sur cette question.

L’empreinte Def Jam s’est par contre peut être ressentie sur un fait plutôt positif, avec ce featuring de Future sur le morceau « Crystal », qui par ailleurs, fait assez rare pour une collaboration franco-US, s’avère plutôt réussi !

Taux de DefJamisation :
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Double Fuck de Kaaris

Après les quelques tentatives d’ouvertures du Bruit de mon âme, Kaaris a décidé de revenir fort avec une mixtape brutale et sans concession. Therapy sur tout le disque et de la grosse punchline grasse sur 15 titres. Si l’on excepte le surprenant « Petit vélo », loin d’avoir fait l’unanimité, Double Fuck apparaît bien comme une tentative de revenir aux sources mêmes de ce qui avait construit le personnage Kaaris depuis Z.E.R.O, et qui s’était pleinement affirmé sur Or Noir. Tout sauf un travestissement.

Taux de DefJamisation :
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ALONZO-LACRIM-MISTER YOU,
Une gestion similaire

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Amour, gloire et cité de Alonzo

Amour, gloire et cité, c’est un mix de rap street marseillais à l’ancienne, et de sonorités de trap bien dans l’air du temps. On est déjà loin du son qui incarnait quelques années plus tôt les Psy4 de la Rime. Les problèmes de cet album sont multiples : productions synthétiques sales, ou à base de deux notes de piano, refrains loupés, jusqu’à inviter l’horrible Kenza Farah pour en assurer un, ou à faire des tentatives d’autotune pas franchement maîtrisées…

Au milieu de toutes ces tentatives radio-friendly surviennent encore des morceaux bruts ou Alonzo rappe pour de vrai, à l’image de « GP800 ». Ça contrebalance un peu des titres tels que « Là bas » et son refrain de camping… Amour, gloire et cité est le premier album de Alonzo sorti sur Def Jam, et le premier sur lequel il va chercher des sonorités un peu plus actuelles, en sortant du strict carcan du rap marseillais. On peut déjà y voir des tentatives de se rapprocher d’un nouveau public, plus jeune que le public initial de Py4 de la rime, et qui ne le connaissait donc pas forcément.

Taux de DefJamisation :
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Règlements de compte de Alonzo

Troisième album de Alonzo, Règlements de compte est beaucoup plus trap que son prédécesseur. Exit les mélodies pianotées à la marseillaise, on touche à des sonorités beaucoup plus actuelles. Thématiques plus violentes, traitement plus cru, Alonzo se met au goût du jour. La DA semble ainsi mieux contrôlée, jusqu’à quelque peu aseptiser le disque.

On est en terrain connu, sur des sons classiques, ce qui n’empêche pas Alonzo de kicker pour de vrai. Un disque meilleur que le précédent à mes yeux, car plus fort en terme de rap pur, même si très formaté. Difficile ici de déceler si Alonzo a décidé de son plein gré de partir pleinement sur ce nouveau terrain, ou si on lui a glissé quelques recommandations… Le pari a en tout cas été payant puisque Alonzo est désormais clairement connu des jeunes générations d’auditeurs, et est même parvenu jusqu’au disque d’or avec ce même projet.

Taux de DefJamisation :
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Capo dei capi volume 1 de Alonzo

Capo dei capi volume 1 n’est pas un album, mais une mixtape. Et cela se voit. Sur le mode de production américain, Alonzo et Def Jam ont fait le choix, en parallèle des albums, de sortir une série de mixtapes sur laquelle le rappeur marseillais pourrait pleinement se lâcher et kicker sur des morceaux plus bruts, sans concession, avec des invités plus street, sans featurings à vocation purement commerciale.

Il faut avouer que la méthode est plutôt efficace et permet de satisfaire tous les publics, mais elle démontre aussi que les albums contiennent potentiellement des concessions artistiques…

Taux de DefJamisation :
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4ème dimension de Psy4 de la Rime

J’ai pas eu le courage, j’avais des frissons de terreur à l’idée de réentendre la voix de Soprano.

Taux de DefJamisation :
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Corleone de Lacrim

Kore est partout sur Corleone, mais la musique de Lacrim s’y dissipe. On a vu plus haut, avec le cas Alonzo, comment Def Jam gérait la plupart de ses rappeurs street sur album : en concoctant un mix de titres bruts et de singles radio-friendly. C’est encore une fois le cas ici. Ajoutez à cela la présence d’Amel Bent, et l’explosion du porte-monnaie pour ramener French Montana et Lil Durk, et vous avez un traitement Def Jam classique.

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Ripro volume 1 & 2 de Lacrim

Kore est encore une fois partout, mais la recette sent un peu moins le compromis. On est là dans le Lacrim originel, les feats cainris en plus. Ripro, c’est l’équivalent du Capo dei capi de Alonzo.

Taux de DefJamisation :
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Le Prince de Mister You

Encore la même affaire, entre rap sec et violent, sur lequel You peut s’avérer fort efficace, et tentatives cheesy et émo non réussies. Un terrain délicat que ne maîtrise pas Mister You. Petite surprise avec ce morceau final de 11 minutes sur piano, pour revenir à une tradition plus old school et authentique. La gestion est donc similaire à celle évoquée ci-dessus, mais la recette touche à ses limites avec You, puisque Le Prince fera des ventes décevantes, si on les compare à celle de Dans ma grotte, son précédent album.

Taux de DefJamisation :
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SCH


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A7 de SCH

Projet conçu à cheval sur l’avant et l’après-signature, A7 est un cas particulièrement intéressant. Les 8 premiers morceaux du disque – excepté l’interlude « Genny and Ciro » – ont été réalisés en collaboration avec Katrina Squad, alors que le rappeur marseillais était encore indépendant, tandis que les 6 derniers ont été supervisés par Kore et son équipe, sous l’égide de Def Jam. Le premier couplet du morceau « Du liquide », apparaissant sur cette seconde moitié, était cependant déjà connu avant la signature.

Le choc entre ces deux parties n’est finalement pas si violent que certains le prétendent, mais il faut bien avouer que certaine tentatives, à l’image du single « Champs Elysées », détonnent quelque peu avec le style originel de SCH. Rien ne permet cependant d’affirmer qu’il n’aurait pas pris cette direction si il n’avait pas commencé à travailler avec Def Jam. La rupture est par contre plus visible en ce qui concerne la production, puisque toute cette seconde moitié est produite par Kore, et que l’alchimie que SCH possède avec ce dernier semble moins forte que celle qu’il détenait avec Katrina Squad…

A7 reste un disque assez entier, avec deux ou trois déchets, que l’on retrouve justement sur cette seconde partie, et qui semblent aussi annoncer les prémisses de quelque chose de nouveau, et d’à priori plutôt négatif pour la suite incarnée par l’album Anarchie.

Taux de DefJamisation :
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Anarchie de SCH

Anarchie étant sorti le jour de la finalisation de ce papier, cette partie de l’article est écrite totalement à chaud. Le titre éponyme qui ouvre l’album semble totalement symboliser la direction qui a été prise dans l’album. Production attendue qui risque de ne pas faire long feu, et son mêlant à la fois le SCH plus brut de « John Lennon », et celui plus sirupeux, voix noyée sous l’autotune, de « Je la connais ».

Quelques fulgurances subsistent, lyricalement ou dans les schémas d’écriture et de flow, mais les tentatives d’ouverture trop souvent prennent le dessus. L’alchimie prend par instant, et on arrive à retrouver le SCH de la première moitié de A7, mêlé à cette nouvelle orientation, au delivery souvent plus élagué, et aux mélodies plus radio-friendly. Globalement, le disque semble tout de même en deçà du précédent : identité moins marquée, et production plus faible.

Certains titres de A7 ayant mis un peu de temps à se révéler, cet avis est bien évidemment à prendre avec des pincettes, mais je pense malgré tout que le traitement des voix fait fausse route ici. Certes, SCH a réalisé bon nombre de très bons titres sous autotune, mais sa voix est si singulière qu’il faut parfois savoir la laisser respirer, soit par le biais de traitements plus bruts, soit en allant chercher un traitement autotune plus léger, à l’image de ce qui est fait sur « Alleluia ».

Reste maintenant à voir comment va vieillir ce disque, dont on retiendra surement un petit nombre de titres, notamment issus de la seconde moitié – Dix-Neuf ou Alleluia – mais qui comporte tout de même quelques morceaux qui nous paraissent bien fades après les premières écoutes.

Taux de DefJamisation :
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