Lalcko – 1 Artiste… 10 Morceaux

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1 Artiste…10 Morceaux propose aux rédacteurs de ReapHit.com de revenir sur la carrière d’un rappeur à travers dix de ses titres. Le but ? Nous faire découvrir en toute subjectivité son parcours musical, ses découvertes, ses dix titres emblématiques.

Lalcko possède un certain nombres de thématiques et d’ambiances fétiches qu’il ne cesse de retravailler. Son œuvre s’apparente ainsi à une gigantesque toile d’araignée dans laquelle se croisent panafricanisme, esprit de conquête, et univers mafieux.
L’ensemble peut paraître difficile d’accès, et très codifié ; mais c’est aussi ce qui fait la force du MC. Plus on se plonge dans ses textes, plus on parvient à faire des liens entre différents sons, différentes phases. Les lyrics de Lalcko sont criblés de détails cachés, et l’on ne cesse de le redécouvrir au fil de nos écoutes …
ReapHit vous propose aujourd’hui de revenir sur cette discographie en 10 morceaux ; l’objectif étant d’essayer de retranscrire, au mieux, l’univers de cet artiste si particulier.

1 // L’argent du Vatican

« Tu comprends maintenant pourquoi il y a huit ans j’tai dit qu’on m’appelait l’argent du Vatican ? La valeur inestimable. Bienvenue dans le monde des ressources intarissables et des négros insatiables. »

Cette phrase d’introduction en dit long sur l’univers du rappeur. Le morceau est en fait un véritable résumé de l’univers de Lalcko : cinq minutes et treize secondes de jonglerie entre références historiques et esprit street-conquérant. Un Rastignac des temps modernes.
Comme le personnage de BalzacLalcko a la dalle et est bien décidé à ne pas rester enfermé dans sa condition. Toujours un œil dans le rétro, et une pensée pour les siens, il a décidé de foncer pour essayer de transcender son avenir dans son costume Armani neuf. Mais il n’oublie pas que l’argent n’est qu’un détail, et que la vraie richesse est intérieure …
Ce tiraillement fait clairement partie de l’esprit du rappeur. Il veut des sapes de luxe, de belles voitures, mais seulement pour ce qu’elles représentent … Il veut la réussite pour prouver aux siens qu’elle est possible.

« Et tu comprendra pourquoi même l’eau me donnait la nausée,
Pourquoi il a fallu mordre les serpents pour avancer,
Condamné à agir avant même que tu n’aies pensé »

2 // Lumumba

« Lumumba » est sans doute le son le plus connu de Lalcko. Le choix pourrait donc paraître prévisible, mais comment passer à côté d’un tel morceau ?
Sur une boucle de piano envoûtante signée Cris, le rappeur choisit d’utiliser le combat d’un homme – à savoir celui de Lumumba – pour parler du combat de chacun d’entre nous. Le concept est puissant.
Lyricalement, le rappeur continue à ressasser son blues revanchard en boucle, comme s’il ne pouvait pas accepter de revoir ses ambitions à la baisse. Il se doit de réussir, d’atteindre la postérité. Comme BainvilleLalcko voit les choses sur la longue durée. Il sait que la culture continuera à se transmettre, que ce soit par voix orale ou écrite ; et que dans quelques années, il aura sans doute atteint le statut de rappeur culte. Pour toujours et à jamais.

« Nés de l’agression et cimentés par le combat »

3 // Prestiges et collections

Faire de l’argent au nom du prestige et de la collection ? Comme toujours chez Lalcko, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles en ont l’air. En réalité, cette recherche de l’élégance est une nouvelle fois faite pour ce qu’elle représente. Le fond rejoint la forme.
Le prestige et la collection ne sont pas que du luxe. Ils renvoient une image, celle de la réussite. Mais pas n’importe laquelle. Elle doit aussi être intérieure. Pour Lalcko, porter du Armani, ça se mérite. C’est donc de cette manière qu’il arrive à rendre sa dichotomie cohérente. L’esprit doit rejoindre le corps, sinon, il n’y a rien.

« Le vrai mépris c’est celui que j’ai pour ton cœur de pacotille. »

4 // Esprits crapuleux feat. Despo Rutti & Escobar Macson

Le choix d’un morceau collectif dans une telle sélection pourrait paraître un peu délicat, et pourtant, Esprits crapuleux a véritablement sa place ici.
Esco et Despo font partie des collaborateurs de longue date de Lalcko. Chacun de ces trois MC a un style particulier, mais leur association fonctionne toujours parfaitement. Les trois voix des rappeurs sont réellement complémentaires, et il semble exister une sorte de lien invisible entre leurs univers respectifs qui donne une atmosphère tranchante au morceau.
Le son n’est pas construit de manière classique ; et les MC s’échangent le micro dans des moments inattendus, ce qui renforce encore cet esprit de saine émulation qui résident entre eux.
La verse de Lalcko est incisive et ponctuée de quelques punchlines qui n’auraient pas pu venir d’un autre …
Véritable successions d’images fortes, Esprits crapuleux est presque devenu un classique underground. Entre esprit street et références au bled.

« J’suis pas street, j’suis camerounais, et j’peux t’dire que c’est peut-être pire. »

5 // Le prix de l’ambition

Avec l’appui de Christophe RocancourtLalcko nous sert une succession d’images puissantes sur l’ascension sociale, avec un toujours un fond de mystique, comme si sa foi était ce qui lui permettait de garder le moral pour continuer à grimper …

Le texte est d’une densité rare, et chaque ligne porte à réflexion. Il serait vain de donner quelques citations tant chaque phase apporte un degré de lecture supplémentaire.
Lalcko y cultive toujours les mêmes thématiques mais avec une précision étonnante. Aucun de ces morceaux ne se ressemblent, car les images varient toujours. On écoute Lalcko comme on regarde un bon film noir ; sauf que le rappeur, lui, nous implique directement dans ses ambitions, et nous donne ainsi, à nous aussi, l’envie de monter. Motivation music.

« Vu que l’Etat ferme les portes, nos mères ferment leurs coeurs,
et les voisins leurs volets »

6 // Ma veuve

« Ma veuve » est un éloge quasi-mystique de la femme. Elle permet à l’homme d’exister dans son entièreté, elle le complète. La glorification de la force féminine est également un thème récurent chez Lalcko, et il le mêle ici à l’esprit mafieux pour nous offrir un morceau à la fois tragique et cinématographique.
Comme Neil McCauley dans HeatLalcko est à la recherche de sa veuve. Paraît qu’il faut pouvoir être capable de déserter les lieux en quinze minutes si les flics rappliquent … Quoi d’autre que l’amour d’une femme pour te retenir et te condamner à la mort ?

« Qu’est ce qui t’a poussé à faire tout ça pour moi, 
Les menottes et les cris ne t’intimident pas ? »

7 // Le casse

Le parti pris stylistique est ici étonnant car il réside dans la sur-utilisation des sigles. C’est une vraie prise de risque car cela pourrait rendre le morceau trop saccadé … Mais cela était sans compte sur le flow particulier de Lalcko qui convient parfaitement à ce type d’initiatives.

Le texte est une nouvelle fois très dense, et construit dans une sorte de « puzzle de mots et de pensées ». Cela pourrait également virer à la citation gratuite, mais Lalcko parvient à rendre le morceau fascinant via ses réflexions tranchantes et son sens de la métaphore. Seul le rappeur camerounais était capable d’une telle chose.

« Blagues à part, on est pas de ces Blacks à blagues… »

8 // Vilakazi

Les prix Nobels de la paix ne se trouvent pas rue de la paix à Paris, mais bel et bien du côté de Soweto, rue VilakaziDesmond Tutu et Nelson Mandela ont en effet vécu sur ces lieux … La seule rue au monde avec deux prix Nobels. Et pourtant si méconnue …
Lalcko profite de l’anecdote pour mettre en avant la fierté de l’Afrique tout en y mêlant son propre combat. La force du morceau réside principalement dans le fait qu’il ne se contente pas de parler des deux prix Nobels. C’est toute la population de la rue qu’il met en avant, des grands sportifs aux ébenistes.
Il montre également la diversité d’influences que l’on peut retrouver sur ces lieux et l’ascendant que cela peut donner à sa population.

«On apprenait le kung-fu, on dansait Michael Jackson en mangeant du couscous Parce-que le monde n’est qu’une rue c’est tout … »

9 //  Napoléon

Dans « Napoléon », Lalcko compare deux types d’immigrés. Ceux qui choisiront la voix de l’illicite pur, et ceux, qui comme Sarkozy, alias le hongrois, persévéreront dans le gangsterisme en col blanc.
Le premier couplet décrit la vie au Cameroun, sans jamais sombrer dans le misérabilisme. Le second et le troisième se penchent sur l’ascension de Sarkozy, en usant d’un lexique lié au grand banditisme. Il compare également l’ex-président français à Napoléon dans ses délires grandiloquents de conquête.
Lalcko met en fait en perspective une grande question, et interroge lui-même l’auditeur : « Dis moi, si t’avais le choix entre les trafics d’en bas et l’opportunisme d’état, mais dis moi toi tu choisirais quoi ? ».
Le rappeur ne traite donc pas la chose de manière manichéenne comme bon nombre d’autres MC français l’auraient fait, il s’interroge réellement sur ce dilemme.
C’est là aussi un des grands thèmes de l’œuvre de Lalcko … Dans ses textes, le rappeur aime passer du politique au banditisme, et démontre bien que la frontière entre les deux milieux peut être poreuse.

« Mes yeux s’ouvrent comme les ailes d’un faucon,
Jusqu’à que tombent des flocons de thune nous flottons »

10 // Deep cover

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« Deep Cover » c’est huit minutes de freestyle d’anthologie. Du kickage sans refrain, et une succession d’images fortes dont on ne se lasse pas.
Le morceau n’est paru sur aucun projet officiel, et pourtant il est truffé de punchlines. Lalcko fait renaître cet esprit de freestyle sans stratégie, avec pour seul but de défoncer le micro.
Inutile d’en dire plus, on a ici à faire à un vrai classique underground, qui restera dans la mémoire d’un bon paquet de drogués au rap.

« Propose moi des vrais business, 
pas des trucs qui sonnent comme des interruptions volontaire de grossesse. »

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