C’est sur le feu. Ça mijote tranquillement. Ça fait travailler la patience. Mais c’est annoncé. 42 Grammes, le projet réunissant deux grosses pointures actuelles du petit milieu : Lacraps, le montpelliérain insolent et Mani Deïz, l’ermite aux machines folles, ne vont pas tarder à lâcher une petite bombe. Et c’est ce qui nous amène ici, ô mes biens chers frères, deux clips lâchés au compte-double-goutte, qui annoncent une sortie qui fait ses p’tites promesses. Un truc qui paraît même au-delà de nos espérances. Oubliez tout ce que vous savez… C’est pour bientôt.
Sax lancinant et grosses cordasses lointaines. La complainte d’Ali attaque sec sur les gros kicks/snares de Mani. Son syndrome de Stockholm paraît facile à vivre et hautement assumé. L’apaisement passé nous prouve que le multi-syllabique n’est pas seulement qu’un truc de blancs (comme dirait l’autre, hein !…)
L’annonce du trouble à naître chez l’auditeur clôturé par des phases de guerrier-boucher, n’omet point l’envie de se laver de ses pêchés. Chacun les siens… L’évocation du bon tranchant guttural suffit à vous faire comprendre « comment ». Et le « pourquoi », c’est pas loin.
Le temps est venu d’appuyer un peu plus la scission systémique en s’éloignant des mauvais et renoncer au trésor promis pour tous. La finalité ? L’échange vibrant entre les êtres. Effacées aussi les rêveries Tony Montanesques. L’écart se creuse et les enfoirés ont encore des pelles.
L’indomptable Lacraps se satisfait des bons retours. C’est que du bon en barres. Lancé dans un super G sur une piste monde empreinte de hauts dignitaires de la scatologie représentative. Mais même avec de bons skis, on a jamais assez de doigts. Ali se bat contre des moulins à vent, l’estomac vide, mais rationné de verdure, mettant de côté les cuistres, chancres mous de l’économie parallèle, avec une sincérité touchante au cœur et une envie de bien faire ses choses, poussant l’altruisme à livrer ses espoirs concernant les potentielles attentes du public rapport au projet, porté par deux grands bonshommes du rap en France.
Faisant allègrement fi de ce qui peut être dit, il analyse les malveillances malgré de probables migraines ophtalmiques. Les soucis peuvent apparaître salutaires, par la voie de l’enseignement. Ali l’a bien compris. La plaie sociale n’a de cesse de faire couler le red red vino. Et les cirages pompeux ne feront pas le poids face aux bastos lâchées en rythme.
La lourdeur du palpitant comme une matrice pleine d’insectes. Le côté sombre de Lacraps n’est définitivement pas une fin, mais un moyen. Le temps est à la réflexion, la ligne de front des combats s’élève bien au dessus du fin fond de vos canapés et le formatage de bergerie n’est plus à démontrer. Le désespoir dans un final acquis. Que reste-t-il, si ce n’est nos chibres et nos schlass ?
Le piano mélancolique commence à jouer, et par dessus, une espèce de gémissement informe. Ou du Billie Holiday à son top niveau d’écorchement céleste. Tout annonce une prod d’une élégance toute Deïzienne.
Ali a 30 ans et ses nuits ressemblent à celles de tant d’autres. De petites rêveries légères face à un écran vert. Deux manettes et un grinder. Mais le matin pointe vite le bout de son pif et les galères qui vont avec. Les assermentés… Les parentés… Il sait ou il doit aller, il l’a vu. Il l’a imaginé. Mais c’est très dur d’avoir des idées, et c’est très facile de baisser les bras.
Tout remonte à la surface, à commencer par les chandelles qui dépannent pour défaut de paiement. Et à l’unisson, chantons nos remords d’avoir si souvent mal agi. Lacraps cherche la justification de ses actes par le besoin, non pas l’envie.
Les nuits sont longues quand les poches sont vides et que la tête est pleine… Chacun vit son truc à sa petite manière, mais le facteur « émotion » est à prendre en compte. C’est lourd. Ça pèse. Loin de chercher à se faire plaindre, c’est en Formule 1 sur un fil que ça se joue. En restant bienveillant et accompagné, il a choisis le micro pour extérioriser. Mais gratter ne paie pas les factures, et le dix du mois, ne reste qu’un frigo plein de condiments de fast-food. Et de cet accablant constat, résulte une incapacité à raisonner correctement…
Lacraps fédère, mais demeure tel un lion en cage. Les barreaux, c’est bon pour personne. En sa prison intérieure, chacun porte sa croix Ikéa. Ici, la mélancolie désabusée va de pair avec le renoncement. La loyauté est un étendard brandi en temps de vaches grasses. Quand le quotidien décline, les rapports se redéfinissent. Le combat est ouvertement engagé entre un phrasé lourd. Travaillé. Et des machines de guerre parfaitement programmées. Ça joue en amical. Pour la rime et le bon mot. Pour la technicité. Pour le rap. Malgré le manque de goût prononcé des habitudes mornes.
Encore une fois, il prône l’union contre des têtes d’affiche interchangeables, saupoudrant le tout d’une pointe anarchisante. L’hommage rendu au beatmaker qui l’inspire de la meilleure des manières.
Ali l’annonce, il est, et sera intarissable. Tant de sujets encore tus. L’objectif n’est pas la lune, juste sortir la tête de l’eau et replacer les choses. Admettre que la paille dans notre œil gêne plus que la poutre dans le cul du voisin. Faut juste le comprendre.
Prévu pour janvier 2016, 42 Grammes s’annonce sous les meilleurs auspices. Mani fait le taff, comme d’habitude, en fracassant la MPC un peu plus fort chaque fois. Ali, quant à lui, tutoie ses démons et ça cause une drôle de gouaille d’écorché. Il s’attaque à l’univers symbolique d’une génération paumée mais lucide, en abordant des thèmes qui éveilleront chez vous le sentiment d’un quotidien désoeuvrant, mais partagé. Et c’est toujours moins triste quand on est pas tout seul.
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