La Smala, le Cri du Clan

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Né de la fusion entre deux crews, L’Exutoire et Nouvelle Génération, et composé de six membres (SenamoSeytéRizlaFloShawn-H et DJ X-Men), La Smala – dont le nom signifie « famille » en arabe – est le groupe qui monte à Bruxelles depuis environ cinq ans.

Nous avons profité de leur venue en France dans le cadre de la promo de leur second album physique, « Un murmure dans le vent » , sorti il y a peu pour nous entretenir avec les belges. C’est aux Buttes Chaumont, la veille de leur premier Narvalow City Show, qui s’est déroulé le 4 juillet dernier, que nous avons croisé SenamoSeytéFlo et Rizla. Rencontre.

Vous avez mis cinq ans entre votre premier succès sur Youtube, « Quartier sud » et votre premier album, « Un murmure dans le vent », et seulement un an pour sortir « Un cri dans le silence ». Pourquoi choisir de revenir aussi rapidement ?

Senamo : C’est un truc générationnel : aujourd’hui tout va super vite et on t’oublie aussi vite. Ensuite, on était motivés, car on kiffe travailler comme ça. On apprécie balancer de nouveaux sons, et on a vu que les gens suivaient le premier projet. Ca nous laissera ensuite un peu de temps afin de préparer un projet plus long. Pour le moment, les deux albums que nous avons sorti en deux ans étaient des huit titres, donc étaient assez condensés. Là, ça nous laisse entre un an et demi et deux ans pour préparer plus gros.

Seyté : Il faut également voir que Quartier sud c’était le tout début. Depuis, avant le premier album, nous avons sorti trois net tapes, qui contenaient chacunes 20 morceaux, soit 60 morceaux, auxquels il faut ajouter nos quatre projets solos. Et puis, il y a eu des clips, comme « Reflets d’esprits » ou « Au point mort ». En fait, nous n’avons pas chômé.

Comme l’a rappelé Senamo, vos albums sont des formats courts et aucun featuring. Pourquoi ces choix ?

Rizla : Le premier album était notre premier projet physique payant, avec une vraie promotion et une distribution sur toute la Belgique. Nous avons souhaité être prudents et ne pas nous lancer directement sur un LP, mais sur un EP, soit huit titres. Quand nous avons vu que cela fonctionnait, que les retours étaient positifs et que nous avions gagné en expérience, nous en avons fait un autre. Les deux ensembles forment une suite. Un murmure dans le ventUn cri dans le silence, collés l’un à l’autre, les deux projets n’en font qu’un : Un murmure dans le silence. C’était prévu, et nous avions choisi ces formats-là par soucis de logistique, et parce que c’était le début.

Seyté : S’il n’y a pas de feats et que nous avons produit nous-même toutes nos instrus, par le biais de Rizla et Shawn-H, qui forment Killodream, c’est par facilité. Pour nos débuts, nous ne souhaitions pas avoir à devoir payer les droits d’une prod ou d’un feat. Donc finalement, nous n’avons fait venir personne et avons fait notre truc à nous et sur nos instrus à nous, histoire de ne rien devoir à personne et d’être 100 % autonomes.

Un murmure dans le vent, Un cri dans le silence : le thème du bruit semble inspirer vos titres d’albums… Pourquoi ?

Flo : Parce qu’en fait on avait déjà un EP huit titres, on savait qu’il y en aurait un second et on voulait qu’ils se suivent. Comme Rizla l’a dit, le premier c’était Un murmure dans le vent : on vient, on se présente et on murmure notre rap. Le vent passe, tu te le prends ou tu ne te le prends pas. Mais, on a eu de l’exposition grâce à ce murmure dans le vent et qu’autour de nous, on avait l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose, alors on est venu crier dans ce silence.

Vos instrus sont faites par Killodream, composé de Shawn-H et Rizla. Comment s’opère la sélection ? Vous avez tous les mêmes goûts ?

Rizla : Au niveau des instrus, cela fait presque dix ans que je produis avec Shawn-H toutes les instrus de La Smala. On connait bien les goûts de chacun et on sait accorder nos instrus. J’ai toujours chez moi au moins cinq cents prods en train de dormir. Nous nous réunissons, jusqu’à ce que nous trouvions un accord parmi les instrus.

Quels artistes inspirent votre musique ?

Senamo : Vu qu’on est cinq entités dans le groupe, il y a un panel assez large d’artistes qu’on apprécie chacun personnellement. Après, on se retrouve sur quelques artistes. En rap belge, il y a Ultime Team, OPAK, James Deano, etc. En français on apprécie les classiques comme la Scred Connexion, Booba à l’ancienne, IAM, la Fonky Family, NTM, Salif, etc. Comme on dit souvent, on se bute tellement au rap, qu’il y a trop de classiques qui nous influencent. Et ça va de l’artiste que tu écoutes, au réalisateur, en passant par le scénariste, au pote qui raconte une anecdote qu’il a vécu. Tout peut être inspirant. Au final, ce sont des petites pièces de nous vies que nous retranscrivons dans nos textes.

Quel regard portez-vous sur le rap belge actuel ?

Seyté : Je pense que nous sommes obligés d’avoir un regard attentif sur les gens qui font du rap dans notre pays. En plus, il y a pas mal de MC’s qui se donnent vraiment à fond, qui ont du talent et font de belles choses. Il faut savoir qu’en Belgique ce n’est pas forcément simple d’émerger dans le sens où le pays est beaucoup plus petit que la France, et qu’il y a une barrière linguistique entre les Flamands au nord et les francophones au sud. En plus, les médias ne jouent pas forcément le jeu avec nous, puisqu’ils diffusent peu de musique belge. Il faut donc s’accrocher et être passionné pour espérer à se faire connaître. Il y a plein de talents, et nous vous invitons tous à venir jeter une oreille sur ce qui se passe chez nous.

En France, nous connaissons assez mal la situation belge, hormis les soucis linguistiques et les péripéties gouvernementales. Comment se portent les quartiers populaires en Belgique ?

Rizla : C’est un peu similaire à toutes les métropoles. La situation est stable, même s’il y a des quartiers un peu plus populaires, avec une plus forte immigration. Mais c’est le même schéma un peu partout. En Belgique, je pense que dans chaque grande ville il y a ce type de quartiers, à Bruxelles aussi. Ce qui est différent de la France, c’est que les quartiers populaires ne sont pas relégués en banlieue.

Senamo : Bruxelles est une grande ville, et il y a deux-trois quartiers qui sont chauds. Mais le reste c’est comme partout, tu peux vivre mal ou bien. On n’a pas de ghetto en périphéries comme à Paris.

Vu d’ici, on a l’impression qu’il n’y a pas autant de tensions communautaires qu’en France, ou d’émeutes médiatiques…

Senamo : Il y a eu des émeutes à Anderlecht…

Rizla : Ici, il n’y a pas eu l’immigration de masse comme chez vous. Il y a eu de l’immigration en Belgique, mais ce n’est pas comme en France, où il a fallu construire beaucoup de bâtiments pour loger tous les populations. Donc comme disait Senamo, il n’y a pas de cités chez nous. Mais des problèmes communautaires, il y en a forcément. Par exemple, 90 % de Marocains viennent de Molenbeek. Après, ce n’est pas grave, nous on s’y balade sans soucis, personne ne nous regarde de travers. Tant que tu n’as pas peur d’être avec des gens qui ne te ressemblent pas, eux n’ont pas de raisons d’être méchants avec toi. Après, il n’y a pas de quartiers où tu as peur de croiser des racailles. Dans les coins communautaires comme Molenbeek, les jeunes un peu turbulents ne foutent pas la merde sur place. Il y a leurs parents, leurs oncles qui habitent à côté : c’est très familial. C’est plus en ville où tu vas croiser une bande de jeunes qui veulent foutre la merde ou se battre. Mais il n’y a pas de quartiers où tu as peur de mettre les pieds. Après, des racistes il y en a partout, comme des gens qui ne veulent pas s’intégrer.

Senamo : Il y a aussi eu des débats sur la burqa ou le voile à l’école. Des mères musulmanes ont été tabassées par des skinheads. Tout cela a créé des émeutes à Anderlecht, comme je te disais. Il y a eu des bagarres entre extrémistes de droite et cas soc’. Mais comme dit Rizla, c’est un peu comme partout, avec des gens qui ont du mal à vivre ensemble ou qui ont des problèmes avec la différence. Ce qui fait plaisir, c’est que dans le rap, toutes ces barrières tombent. Tu ne te dis pas que c’est un bon kickeur parce qu’il est noir ou blanc, tout dépend de la manière dont il va rapper. Le reste, tu n’en as rien à foutre.

Aujourd’hui vous rencontrez du succès de l’autre côté de la frontière, en France, où vous effectuez plusieurs dates de concert, dont le Narvalow Show demain [ndlr : entretien réalisé le 3 juillet 2015], aux côtés de rappeurs confirmées de l’underground français. Qu’est-ce que vous ressentez ?

Flo : On se sent très bien. On a avait déjà fait quelques dates en avril et en mai, à Strasbourg, à Montpellier, à Marseille, à Lyon, etc. et à chaque fois ça s’est super bien passé. Le public français nous a très bien accueilli. Nous étions même un peu étonnés de voir que les gens connaissaient autant les paroles. Nous avions déjà fait la Suisse l’an dernier, mais une seule fois Paris. Le Narvalow Show est un gros événement hip-hop, avec de grosses têtes d’affiche à chaque fois, on est honorés d’y être invités.

Senamo : Ce qui fait plaisir c’est d’être invité à un événement dans le style « puriste », avec un public constitué de personnes confirmées, qui ont une oreille fine dans l’écoute du hip-hop. On présume que ce n’est pas la même ambiance qu’un festival où les gens viennent pour découvrir. Là, les gens découvrent en connaissant déjà tous les classiques et avec une oreille affutée.

Après cet album, vous avez des projets ? De nouvelles net tapes comme On est là ? Des solos ?

Seyté : Le prochain projet à venir est de moi-même, avec Seynamo et le beatmaker Mani Deïz. A côté de ça, on va commencer tout doucement à se repencher entre mi-août et fin août sur de nouveaux morceaux de La Smala. On va essayer pour le prochain opus de faire un truc avec un peu plus de titres, avec des feats et d’autres producteurs, c’est-à-dire de faire un vrai album de La Smala comme on en rêve tous, avec au moins quinze titres. Mais cela va prendre du temps, on ne va pas revenir d’ici six mois. On va sûrement sortir entre temps des petits freestyles vidéo et des clips. Il y aura toujours de la matière.

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