Ces derniers mois sortaient trois clips à l’esthétique soignée, mettant en scène un mystérieux rappeur du 80 zedou, portant dans la langue de Molière une vague rap venue toute droit d’outre-atlantique, refondant petit à petit les codes du hip-hop hexagonal, mis en avant par quelques sites d’actu rap ainsi que par le média le plus en vogue du moment à l’initiative du Duc de Boulogne : OKLM. L’auditoire découvrait donc Kekra, visage toujours masqué et verbiage explicite. Tournaient déjà un peu sous le manteau deux mixtapes gratuites : Freebase Volume 1 & Volume 2, qui annonçaient déjà la couleur et suffirent à rendre accro au caillou. C’est très noir.
Premier album de l’homme aux allures camouflées « VREEL » sortait donc il y’a quelques jours. Plusieurs écoutes, une digestion et un nouveau clip plus tard, il était largement temps d’analyser ce bordel sorti de Courbevoie.
Le petit bois brûle, et réchauffe l’atmosphère. Une vraie porte s’ouvre alors sur un monde réel. Lyrisme hardcore sur de grosses prods trap, aux échos de noms ricains que l’on ne citera pas. La température est prise et c’est sans appel : 92. Chantonnant gaiement de sombres histoires sous un masque de chirurgien, Kekra opère à cœur ouvert un monde empreint de violence et de sale. Et on est dans la vraie chirurgie. Pas de trifouillage de cerveau cherchant à tout intellectualiser sans y parvenir vraiment par quelques malhonnêtetés psychanalytiques. On est dans le dur, le brutal, l’attaque de front, la putain de guerre totale. Un vrai plan à la Von Clausewitz. Les contes de la banlieue nord sous les néons de lumière noire. Pas vraiment une campagne publicitaire incitant au tourisme dans ces charmantes bourgades.
Kekra s’entoure de guerriers solitaires, créant ainsi une meute dangereusement violente, armée jusqu’aux dents, portant leurs couilles là où il le faut.On nage constamment entre ego et testostérone, mais là où la plupart perdraient vite pied, Kekra fume son oinj tranquillement installé sur son matelas gonflable et jongle aisément avec des thèmes qui lui semblent propres et authentiques. Mettant au passage quelques kicks à un game auquel il semble ne pas appartenir, c’est du haut de son piédestal qu’il donne ses leçons, se branlant sur le reste à la manière d’un Diogène grimé au volant d’une Carrera.
Kekra ne rappe pas pour la postérité. Il n’a pas vocation à durer. L’objectif est clair : faire des sous et disparaître aussi vite qu’il est arrivé. But si noble soit-il que lui en vouloir en appréciant son œuvre serait un non-sens absolu. Tout le monde sait qu’une consommation de drogue dure excessive n’a d’autres issue qu’une fin prématurée. Il semblerait qu’il ait fait le choix de dire un maximum de choses en un minimum de temps afin d’émettre un message percutant au possible. Seul sur l’album, Kekra pourra donc développer son univers au mieux, sans parasitage aucun. « VREEL » aura su trouver son public avant même sa sortie dans les bacs et marquera certainement son époque. L’auditoire est conquis et demandeur. On est donc en droit de se demander si Kekra s’arrêtera là…
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