Une vieille légende portoricaine raconte qu’un jour, un petit homme barbu, el Paquito Barbito (ou El Gringo en version US), doté de grandes capacités, capable de transformer la merde en or, arrivera en ville pour s’emparer de tout et devenir le roi parmi les rois. Mais ses oreilles sales, incapables de distinguer la beauté de la laideur, et sous l’influence de la fourberie du vilain Aftermatho Entertainmando, le mèneront à sa propre perte, laissant ainsi la merde en merde… La légende ne raconte pas ce qu’il adviendra del Paquito Barbito.
Cette légende peu connue de tous s’est transformée en prophétie le 6 juillet 1980. Ce jour-là naquit à Brooklyn Joell Ortiz, el Paquito Barbito. Le jeune Joell passe une enfance paisible, entre deal de cocaïne et vente de putes. Naïf, il ne se rend compte que plus tard de son extraordinaire don, mais sans en connaître sa malédiction. C’est lors d’un deal d’armes tournant au vinaigre avec des suprématistes blancs que Joell va décider de chercher sa propre voie, malgré la déception de ses parents de le voir quitter un avenir prometteur dans le commerce illégal en tout genre. Joell n’abdiquera pas, même face à la pression parentale, n’écoutant que son cœur, mais il doit trouver son el dorado (ou eldorado, en français). Le destin le place alors devant les prestations du El Grosso Puniciatore, un homme rappant aussi vite qu’il avale des tacos.
En voyant les habilités de l’homme, Joell a comme un déclic, il a enfin trouvé sa raison de vivre : faire du rap et manger des fajitas. En clair, faire de « la mierda » comme on dit populairement à Porto Rico. Très vite, ses grandes capacités se font sentir, arrivant aux oreilles de Dr Dre, qui derrière ce double diminutif cache sa réelle identité : celle d’Aftermatho Entertainmando, dit Le Fourbe. Les casques de merde n’étant pas encore à la mode, Dre voit en El Paquito Barbito un potentiel argent ou une victime en devenir pour son label (espèce de version noire milliardaire de The Game, de Fincher). Comme la légende le prévoyait, El Paquito Barbito laissera Dre le mener à sa propre perte, enchaînant ainsi merde sur merde (The Brick, Free Agent et House Slippers)… Ce qui advint de Joell Ortiz après cela, seuls les possesseurs maudits de Human peuvent le conter. Si vous n’avez pas peur de la malédiction del Paquito Barbito, vous pouvez continuer votre chemin. Par contre, si ce n’est pas le cas (ou si la merde ne vous intéresse pas), fermez cette page !
Ruiné et sans réel avenir, Ortiz ne s’avoue pourtant pas vaincu. Le genou à terre, mais la fierté toujours présente, Joell « Paquito » Ortiz n’a pas mis un terme dans son ambition de devenir le roi des rois. Outrepassant son handicap des oreilles, il accepte même des jobs alimentaires, tels que kicker avec un anxio-dépressif, un alcoolique notoire et un clone version westcoast de Papoose dans l’association pour l’emploi des handicapés Slaughterhouse. Rêvant toujours de sa propre gloire, il espère trouver un tremplin via Illmind, un philippin connu du milieu sous le sobriquet « Le Philippin ». Encore une fois, Joell n’écoute que lui. Pourtant, comme pour Aftermatho Entertainmando, ses proches tentent de le raisonner, car il est connu du public que l’asiatique est fourbe. Rien n’y fait, Ortiz est obnubilé et se lance corps et âme dans cette collaboration comme l’homme à la mer à la bouée de sauvetage (j’ai failli mettre réfugié plutôt qu’homme, et puis je me suis rappelé qu’il n’y avait jamais de bouées pour un réfugié).
Fourbe de nature et au courant qu’El Paquito Barbito est incapable de différencier le bon du mauvais, Illmind décide de lui refourguer des sons qu’il n’oserait même pas mettre sur ses mixtapes Blaps, Rhymes & Life. Joell jubile, exalte et rêve déjà de la fortune et des louanges. Le roi déchu retrouvant son trône, Joell n’a aucun doute, même quand il enregistre « Six Fo » alors que tout le monde pleure en studio face à cet immondice. Illmind jubile en secret, allant même jusqu’à lui refourguer « Lil Piggies », son à l’influence asiatique faite par des lépreux au triangle (on pensait quand même le triangle réservé à l’école élémentaire, mais pas à la musique). Alors que l’ingénieur son se pend à 4 reprises, Joell Ortiz arrive au bout du bout en enregistrant 11 pistes sans qu’aucun survivant ne soit retrouvé. Pourtant, El Paquito Barbito donne de la matière à cet album en abordant des thématiques comme les relations mère-fils, la famille sur « Bad Santa » (superbement écrit) ou en faisant de la merde consciemment (« My Niggas » et « Latino Pt. 2 »).
Si la légende ne raconte pas ce qu’il advient d’El Paquito Barbito, c’est tout simplement que la malédiction de Joell l’entraîne perpétuellement dans un cycle d’échec qui le conduit à faire de la merde. Human, c’est de la merde qui restera de la merde, sans que le talent d’El Paquito Barbito puisse le transformer en or, pour le plus grand bonheur du fourbe Illmind.
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