Au mois de décembre 2013, l’équipe DFHDGB sortait son troisième projet intitulé « Ne pleurez pas Mademoiselle ». Intrigués par l’univers de Hyacinthe, Krampf et L.O.A.S, nous leur avons proposé une rencontre au cœur d’un petit café parisien. Lunettes de soleil en plein hiver pour L.O.A.S, veste multicolore pour Hyacinthe, gants blancs pour Krampf…ces messieurs avaient dégainé leurs meilleurs arguments stylistiques pour l’occasion. Et comme leurs vêtements, leur propos était à la fois singulier et pertinent, sans jamais perdre ce ton décalé qui leur est propre.
ReapHit : Commençons par le début : « Des faux hipsters et des grosses bites », pouvez-vous nous raconter comment vous en êtes arrivé à choisir un tel nom pour votre équipe ?
Hyacinthe : Ça vient de moi, c’est à dire qu’avant de rencontrer les deux zozos (désignant ses camarades), je faisais des espèces de freestyles que je foutais sur internet, pas mixés, filmés à la webcam. Et en faisant le premier, j’étais avec une pote, et on s’est dit « viens on fout un faux nom de label », au début c’était « Des faux hipsters et des bites prod’ », et après ça s’est transformé quand on a fait notre premier projet avec Krampf.
Krampf : C’est le graphiste, MDSA, qui nous a dis que ce serait mieux de mettre « Des faux hipsters et des grosses bites » sur la pochette parce-que ça sonnait mieux.
L.O.A.S : Et après, je me suis dit qu’on allait appeler ça DFHDGB.
Krampf : Parce-qu’il s’est dit … « YMCMB » …
L.O.A.S : Exactement, « YMCMB » mais avec des couilles quoi, un truc un peu viril.
Krampf : T’es dur mais c’est vrai que … est-ce-qu’il y a un rappeur de YMCMB qui n’est pas homosexuel ? On peut faire la liste. Il n’y a que des meufs et des homosexuels.
Hyacinthe : 30 secondes d’interview ça commence …
Krampf : Les mecs je vous le dit depuis le début, on peut pas attendre plus longtemps pour se prendre un procès ! Sexion d’Assaut ils l’ont eu au bout d’un an. .. Orelsan il l’a eu au bout d’un an …
« Ne pleurez pas mademoiselle » est le premier projet que vous avez pressé et vendu. Comment l’idée vous est-elle venue ? Le disque s’écoule-t-il bien ?
Hyacinthe : A la base on a fait des CD, juste parce-qu’il y avait quatre ou cinq personnes sur Twitter qui nous tannaient avec ça … Je pense que jamais on s’est dit de nous-même, on va faire des CD. En fait, il y avait cette demande mais c’était aussi un peu un premier test. C’était la première fois qu’on essayait de vendre un truc aux gens. On voyait un peu les vues Youtube etc … Mais on s’est rendus compte avec ce CD qu’on avait une vraie fanbase. Des vrais gens qui kiffaient, qui étaient prêts à mettre de la thune. Du coup, la limite a été dépassée très vite, et on a tout écoulé en deux jours. On a repressé de suite, et là ça vend bien … Je pense qu’on va faire un troisième repressage d’ici quelques semaines.
« Il y a pleins de supports marrants,
par exemple les cartes postales vinyles »
Et du coup vous pensez represser un autre disque à l’avenir ?
Krampf : Je pense que ceux qui arriveront après ne seront pas forcément tous en physique. Tout dépend de l’implication qu’on aura mis dedans. Il y aura sûrement de petits projets gratuits entre les trucs plus consistants, avec du sang et des larmes. Mais ouais je pense qu’on va réitérer l’expérience, déjà on devrait sortir un projet commun avec Hyacinthe, un vinyle qui devrait paraître début 2014. Ce sera lui qui rappera, aux côtés de quelques invités, dont L.O.A.S.
L.O.A.S : L’idée c’est de trouver des trucs cools et de ne pas se répéter.
Krampf : Effectivement, il y a pleins de supports marrants, par exemple les cartes postales vinyles, il y a quelque chose à faire avec ça, pour un deux titres par exemple.
L.O.A.S : On est en 2014, on peut faire plein de choses originales, et les gens sont en demande de ça. Là, avec le CD, on a un peu utilisé le support du siècle dernier, et maintenant on va voir pour la suite …
On voit que vous commencez un peu à tourner en live. Comment est-ce-que vous appréhendez ça ?
Hyacinthe : C’est un truc qu’on essaye de taffer et qu’on veut vraiment développer. Le live, quand ça se passe bien, tu as vraiment des sensations que tu ne retrouves nulle part ailleurs. C’est totalement différent du studio, et ce qui rend ça cool, c’est de voir que ça va toucher directement les gens en fait. Ils sont en face de toi, et tu n’as pas cette espèce de barrière qu’impose Internet. Tu es là pour de vrai, face au public.
L.O.A.S : Après comment on appréhende ça … En disant beaucoup de gros mots quoi, on insulte vachement le public.
Krampf : Il faut aussi savoir qu’on est boycottés par les médias et le gouvernement. On a pas forcément l’opportunité de faire autant de dates qu’on voudrait. La zouloucratie règne d’une main de maître sur le circuit des associations et des salles subventionnées.
Krampf : On vient de se faire jeter du Ninkasi là (ndlr : salle lyonnaise). On devait jouer là-bas dans le cadre d’une soirée mais notre présence n’a pas été validée et du coup ils nous ont remplacé par des slammeurs reggae.
L.O.A.S : Tant pis pour eux ils perdent de l’argent … Dans ces dates annulées, il y avait des gens qui étaient prêts à prendre l’avion pour venir nous voir, ou à faire trois heures de voiture …
Krampf : Du coup, pour se venger, on va faire une date à Saint-Etienne. Voilà, c’est dit.
L.O.A.S : On va aller voir la concurrence !
On voit que vous apportez un soin particulier à vos clips, et on sent que vous essayez de vous démarquer de ce qui se fait dans le milieu du rap français. A quel point vous impliquez-vous dans la réalisation des vidéos ?
Hyacinthe : C’est même pas qu’on essaye de se démarquer, c’est qu’on essaye de faire des trucs beaux, tout simplement. Et les autres n’essayent pas.
L.O.A.S : C’est juste en essayant d’être toi même que tu te démarques. Après par contre, on s’implique à 100 % dans la réalisation des clips, que ce soit dans l’écriture, le casting, la prod’, la recherche des décors…
Krampf : Tu peux pas te permettre de déconner sur un clip en 2014.
L.O.A.S : C’est aussi important qu’un choix de prod’ quoi.
Krampf : Un clip ça peut avoir autant d’impact qu’un projet. Bizarrement… C’est triste quoi, parce-que ça reste qu’une chanson. Un mauvais projet avec un super son bien clippé, ça peut plus toucher les gens qu’un très bon projet mais sans clips ou alors avec un titre faible et clippé. C’est pas normal en fait, mais si on peut se conformer à ça pour faire des choses bien, pourquoi pas.
Vous travaillez donc vraiment avec le réalisateur dans toutes les étapes de la réalisation du clip ?
Krampf : Ça dépend, avec des mecs comme Kevin El Amrani par exemple ; des artistes limite autistes dans leur procédé de création, on les laisse gérer entièrement le truc et on arrive sur la fin et il se trouve que c’est hyper bien.
Hyacinthe : Mais de façon générale, ça reste vraiment un taff en commun. C’est en partie le taff de L.O.A.S notamment, c’est lui qui se concentre le plus là-dessus, qui va apporter ses idées, il a vraiment beaucoup travaillé sur « Troisième cime ».
L.O.A.S : Après, on a quand même la chance de travailler avec des gens qui sont hyper talentueux, comme Nicolas Capus et Da AKA Julien Patry. C’est bien de bosser avec ces gens là, parce-qu’ils sont à la fois ouverts au dialogue et très autonomes. Avec Nicolas (ndlr : Capus) par exemple, sur « Lady Gaga » on a vraiment taffé côte à côte, et sur « Troisième cime » on a fonctionné différemment. Je suis arrivé avec des idées visuelles, et lui, il a brodé autour. C’est vraiment Nicolas qui a sublimé tout l’univers DFHDGB.
Et du coup, qui a eu l’idée de foutre Hyacinthe à poil dans le clip de « Troisième cime » ?
L.O.A.S : C’est Nicolas Capus.
Hyacinthe : C’était marrant. En vrai, plus beau boule de l’histoire du rap. Répond à ça, Iggy Azalea.
L.O.A.S : Mais aussi il y a une obsession de la part des réalisateurs. Parce-qu’on fait du rap différent, ils veulent absolument nous foutre à poil. Souvent les mecs se disent « Ah putain, ils ont pas peur de jouer avec leur image, on va y aller à fond ». Alors que c’est pas forcément original, il faut que ce soit bien fait et cohérent avec le morceau et l’univers dans lequel le clip se déroule. Dans « Troisième cime », c’était hyper cohérent.
Krampf : Puis aussi il y a cette nouvelle mode des rappeurs homosexuels. Je pense que je vais lancer mon rappeur gay les gars, je vais pas vous attendre.
L.O.A.S : En vrai, j’en discutais avec Hyacinthe, et cette histoire de rappeurs gays, ça va très vite arriver en France.
Krampf : Je vois déjà l’argent qui est là, prêt à tomber. Il va tomber hyper facilement. Hyper facilement.
« Cette histoire de rappeurs gays, ça va très vite arriver en France. Je vois déjà l’argent qui est là, prêt à tomber… »
Sur votre dernier projet, on retrouve deux morceaux en collaboration avec Metro Zu. Comment la connexion s’est-elle faite ?
Hyacinthe : On a un pote en commun qui les avait interviewé. Du coup, quand ils sont passés par Paris, on les a vu plusieurs fois. On a passé une semaine avec eux, on les a sorti … Ils sont même dans le clip de « Langue maternelle »
L.O.A.S : C’est pas du tout une collaboration d’internet, même si on est pas forcément contre.
Krampf : C’est ça que Mishka expliquait, c’est que c’est une des premières collaborations internationale entre rappeurs, genre « pas comme les autres », pour pas dire alternatif parce-que sinon Hyacinthe va m’insulter, mais faites en vrai, pas en s’échangeant des couplets par internet.
L.O.A.S : Je pense que ça se ressent dans le clip, mais en fait on a vraiment passé une semaine à se marrer avec eux quoi. A boire du thé, à dire des conneries …
Hyacinthe : Ou d’la bière, parce-que moi j’ai pas bu une goutte de thé hein !
L.O.A.S : Mais avec Lofty, on boit pas d’alcool tout les deux, et on a parlé de sorcellerie et de meufs tarées qu’on a rencontré tout les deux dans nos vies.
Krampf : Hyper sympas les mecs. Et puis on a appris aussi … Enfin moi en tout cas, j’ai vraiment l’impression d’avoir appris à leur contact. C’est vraiment une réussite du rap indépendant, les mecs font tout entre eux, ils sont hyper productifs et font de l’oseille en vendant leurs trucs.
L.O.A.S : Sans être des super stars, ils font leur truc quoi …
Krampf : C’est un peu Odd Future, avec encore moins de concession. Odd Future en vraiment punk.
Krampf, on retrouvait pas mal de tes productions sur le premier projet de Hyacinthe, et là on a l’impression que tu fais de plus en plus office de DA. Par exemple sur Ne pleurez pas mademoiselle tu n’as « que » trois productions, dont l’intro et l’outro, ce qui est assez symbolique. Est-ce-que c’est volontaire ? Et est-ce-la voie que vous allez continuer à suivre ?
Krampf : En fait Ne pleurez pas Mademoiselle, c’est le projet qui va apparaître comme notre plus grosse réalisation, alors que c’est presque une compilation. On enregistrait un titre par-ci, un titre par là. Au bout d’un moment, on a eu pas mal de titres, et on s’est dit qu’il était temps d’en faire un projet. On s’est dit qu’on allait faire une mixtape Hyacinthe-L.O.A.S avec toutes les collaborations. Du coup, il s’est avéré que j’avais pas forcément trop de productions dessus, c’est un peu un hasard, on avait de bons morceaux, qui n’étaient pas forcément sur des productions de moi, mais on s’en fout, on s’est dit qu’on allait les mettre quand même.
L.O.A.S : Il y a un morceau leftover qui a été mis de côté sur une prod’ de Krampf, genre boucherie internationale, qui peut être ressortira un jour, on sait pas … On a du faire un peu le tri pour faire ce projet, on a gardé certaines choses, on en a éliminé d’autres et il s’est avéré que Krampf n’avait que trois prods, mais c’est tout.
Krampf : Mais après comme je suis un petit peu relou, et que j’aime la production assez fine, je vais toujours repasser derrière, pour mettre un peu de reverb’ par ci, un peu de truc par là … J’ai l’impression de juste faire mon travail, et j’en suis content. J’en demande pas plus. Je préfère mettre un très bon morceau sur une prod’ de DJ PIE, qu’un morceau médiocre sur une prod’ de Krampf. Après si je peux quand même mettre ma reverb’ pour casser les couilles c’est bien.
Hyacinthe : Après le truc c’est que s’il a moins de prods sur ce projet, c’est qu’il avait un peu moins de temps que d’habitude quand on bossait là dessus, mais c’est aussi parce-qu’on prépare un projet tous les deux, et que tu as des morceaux qui ont été aspirés par ce projet-là.
Krampf : Sur Ne pleurez pas Mademoiselle, j’ai même réalisé un peu tard que le projet était vraiment bon, parce-que j’étais pris par d’autres trucs dans ma vie, et que Hyacinthe et L.O.A.S ont dirigé eux même la chose. Du coup, quand j’ai capté que ça avait vraiment du potentiel, j’ai arrêté de dormir pendant 6 jours pour perfectionner le truc quoi. En fait, je suis même pas sur d’avoir fait de la D.A sur ce projet … Hyacinthe et L.O.AS sont capables de se diriger eux même. Moi, je suis plus souvent dans un rôle de censeur.
L.O.A.S : C’est quand même bien d’avoir un regard extérieur, parce-que quand c’est toi qui rappe, tu te rends pas forcément compte. Mais Krampf fait quand même de la DA … Des fois, quand il porte vraiment de l’intérêt a un truc, il peut être très minutieux. Il peut te casser les couilles pendant deux heures « Là, putain, la syllabe elle est pas sur le temps quoi ! ». Et puis il y a des jours où il dit juste : « Ouais c’est cool. Allez on sort. » Et ça fonctionne bien comme ça.
On remarque qu’il y a un certain taff sur le mix et les adlibs dans la musique que vous faites. Quelles sont vos influences par rapport à ça ?
Hyacinthe : C’est l’époque qu’on vit aujourd’hui. On est pas nostalgiques d’une autre époque, on est pas dans le futur. On écoute ce qui se fait aujourd’hui et on est influencés par ça.
Krampf : On essaye toujours d’être dans le sens positif du consensuel … Mais souvent le consensuel c’est un nivellement par le bas alors qu’il est supposé être par le haut. On essaye de prendre ce qu’il y a de meilleur aujourd’hui et d’être dans l’époque. Si t’es dans l’époque, je pense que c’est cool. La bonne partie de notre époque. Par exemple, si t’écoutes juste les adlibs de Waka Flocka Flame … Sur Youtube, il y a une vidéo de Waka Flocka qui enregistre ses backs pour un morceau. Ca pourrait limite sortir tout seul tellement c’est varié, tellement c’est riche. Et l’interprétation est ouf. Faut faire autre chose que juste répéter les lyrics et les mettre sur les côtés après chaque phase… (Krampf se met à faire des adlibs volontairement ridicules) Faut viser un peu plus haut parce-que genre t’écoutes un morceau du BrickSquad, c’est le feu dans tous les sens, t’as l’impression qu’ils sont 15 dans le studio. Le truc est hyper puissant, hyper cohérent, hyper clean. (http://www.youtube.com/watch?v=DH989wxHM5Q à partir de 1:38)
L.O.A.S : Après, on est pas comme les puristes qui veulent absolument copier un type d’artiste, un type de sons… Des fois on écoute du son, on va entendre un truc cool, ça peut être juste un détail et on va s’en inspirer.
Krampf : C’est limite des réminiscences en fait …
L.O.A.S : T’es marqué par ça, et du coup ça va ressortir naturellement.
Hyacinthe : En fait c’est rarement forcé. Je sais pas comment ils taffent, les autres rappeurs ou les autres crews. Mais quand on fait « Strip club » par exemple, on est pas là à se dire « ouais on va faire un morceau chanté ». On est là, il y a Lofty, on a une après-midi, j’étais dans un strip club deux semaines avant, il y a une meuf qui va me faire une danse elle s’appelle Lola, bah vas-y je parle de ça … « Euro Euro » c’est pareil, on est pas là à se dire on va faire un banger. La prod’ tabasse, on rappe et c’est tout. Après, il se trouve qu’on est meilleurs que les autres et voilà…
L.O.A.S : Mais l’important c’est de rester dans l’époque quoi. Si c’est pour être reconnu comme un génie dans 50 ans ça sert à rien.
Krampf : Ouais si c’est pour que ce soit mes enfants qui gagnent mon argent, moi j’abandonne !
Hyacinthe : En plus moi j’ai un peu la pression de ma meuf, de ma mère, de mes potes pour que je gagne de l’argent. Et de ma banquière !
Krampf : Et de toute les communautés.
Hyacinthe : La moitié des arméniens de Paris attendent que je fasse de l’argent.
Krampf : Il y a un mec de Bordeaux qui m’a dit que tu étais une légende pour toute la communauté arménienne de sa ville.
Vous avez plutôt l’habitude de taffer sur des prods composées, et sans samples …
Krampf : (m’interrompant) : Ah non ! C’est ça l’astuce !
Parce-qu’en fait la question portait sur le sample de Calogero que l’on retrouve sur « Rap game nuit sans fin », que tout le monde ou presque a du reconnaître, je voulais savoir comment ça s’était passé vis-à-vis de ce morceau.
Hyacinthe : On a rencontré Calo, on lui a demandé si on pouvait chopper son sample, il a dit ouais. Plus sérieusement, c’est parti d’une discussion avec le beatmaker Robotnik, et je lui ait dit « ça serait bien si tu faisais une prod’ qui parle des FEMEN ».
Krampf : Mais en fait il y a plein de samples, c’est juste que celui-là il est grillé. Mais il y en a sur quasiment toutes les chansons. Moi par exemple, je suis un très très gros sampleur, Robotnik aussi, presque toutes ses prods partent de samples. Tant que le truc que tu fais est mieux ou aussi bien que ce que tu as samplé … Du coup, je sample beaucoup de merdes, ça met moins de pression.
L.O.A.S : C’est marrant parce-que tout le monde a trouvé ça génial de sampler Calogero, alors que c’est hyper casse-gueule.
Krampf : Bah en fait c’est un hit générationnel. Tu sais que toutes les meufs de 18 ans ont eu leurs premiers émois érotiques sur cette chanson de Calogero. C’est pour ça que toutes les meufs cette génération kiffent « Rap game nuit sans fin ». C’est chimique !
L.O.A.S : C’est une facilité c’est comme Puff Daddy qui sample Sting. Le truc il est dans la tête des gens.
« Il y en a qui devraient prendre des acides un peu.
Ça leur ferait du bien… »
On retrouve pas mal de références à la drogue dans vos morceaux, est-ce-que vous en usez uniquement hors enregistrement ou est-ce-que ça arrive que vous enregistriez sous influence ?
Hyacinthe : Non. Il y a ce qu’on fait dans la vie, et ce qu’on fait pour la musique. Quand on doit faire un concert, quand on doit enregistrer un morceau, on est pas défoncés, on est clean, parce-que sinon on est pas bons. Il y a tellement de mecs, des légendes du rap, que tu vas voir en concert et les mecs sont bourrés ou défoncés et ils font de la merde. Si t’es défoncé sur scène, tu vas pas réussir à retranscrire l’énergie de la défonce que t’avais quand t’as écrit le texte. Faut être clean pour réussir à retranscrire ce que t’as fait la veille, quand t’étais défoncé.
Dans son interview pour l’ABCDR, JR Ewing disait que les rappeurs français devraient prendre plus de drogues. Êtes-vous d’accord avec cela ?
L.O.A.S : Je suis entièrement d’accord avec lui. Je trouve que l’on vit une époque musicale dans le rap qui est énorme, et que c’est en partie du à cette opulence de drogues aux Etats-Unis, qui est affichée et assumée.
Hyacinthe : Après, le rap français c’est un vrai truc de junkie quoi, les mecs sont défoncés H24, donc en vrai la drogue il y en a.
Krampf : Ouais mais le shit c’est pas une drogue créative …
L.O.A.S : Exact. Il y en a qui devraient prendre des acides un peu. Ça leur ferait du bien.
Vos paroles sont volontairement outrancières, est-ce-que vous pensez que le rap, ou même l’art en général, doit forcément être excessif pour fonctionner ?
Hyacinthe : Non, on essaye juste d’être honnêtes en fait. Par exemple dans le morceau « La fin de l’histoire » dans « Sur la route de l’Ammour », je dis : « je veux faire de la musique belle et vulgaire ».
L.O.A.S : En fait, il y a un champ de la beauté qui a été entièrement exploré. Il y a une notion du beau académique qui a été instaurée il y a déjà longtemps, alors que le beau peut être derrière cette frontière-là. On va chercher des choses belles en dehors du beau tel qu’il est dans la tête des gens.
Hyacinthe : Après on essaye d’écrire bien, c’est pas de la vulgarité gratuite. A la limite, un gros mot, c’est juste un mot un peu plus fort qu’un autre. Quand tu dis « salope », c’est pas comme si tu disais « je t’aime pas ». En fait tu exprimes la même chose, sauf que c’est plus fort de dire « salope ».
Krampf : C’est une figure de style comme une autre en fait. Si tu veux faire quelque chose de bien, que t’as de l’ambition, tu vas pas t’amputer de toute une partie du vocabulaire français qui est hyper riche. Et même d’un point de vue uniquement sonore ça tue ! Genre « Pute ! ». Tu vois !
Donc la poésie dans le rap, c’est pas forcément Oxmo Puccino quoi …
Hyacinthe : Oxmo c’est un mec dont j’ai été assez fan pendant longtemps. Au même titre que je suis super fan de Kaaris. Les deux écrivent ultra bien mais dans des styles ultra différents.
L.O.A.S : Oxmo Puccino, c’est un peu devenu un cliché aussi. Je pense qu’on lui a trop monté la tête sur cette histoire de « Black Jacques Brel » et du coup il s’est formaté lui même là dedans, alors que la manière dont il écrivait avant était bien plus pertinente.
Hyacinthe : Les rappeurs font souvent la même erreur. Quand on leur dit trop qu’ils sont des poètes, ils finissent par le croire. Continuez de nous dire qu’on écrit pas bien.
L.O.A.S, dans « Euro euro » tu dis « j’ai mis un masque … pour vous montrer mon vrai visage » est-ce-que quelque part, c’est pas une définition de la musique que vous faites tous les trois ?
L.O.A.S : En fait tu as tout le temps un masque. Genre toi là, tu as un masque. (il se met à désigner les gens) lui il a un masque de barman, lui un masque de poivrot, lui il a un masque de poète avec son écharpe, en train d’écrire … tu as tout le temps un masque. Et effectivement, quand on fait du rap, on prend un masque un peu plus grossier, ça permet de parler de plus de choses. Finalement, je suis plus moi même avec un masque, qui est assumé, plutôt qu’avec un masque de tous les jours.
Krampf : Ce masque tu l’as choisi, tu l’as peint toi même.
L.O.A.S : Ouais et surtout, ça me permet d’explorer des aspects de ma personnalité qui font partie de moi aussi, mais que je mettrais de côté dans la vie de tout les jours …
Je vais revenir encore sur d’autres lyrics … L.O.A.S tu dis « assis sur la branche sciée », toi Hyacinthe tu dis penser « au futur la tête dans la cuvette » … On remarque que le thème de l’autodestruction revient souvent dans vos textes. Est-ce-que ce sont des choses qui font partie de vos vies ?
Hyacinthe et L.O.A.S approuvent tout en restant silencieux.
Krampf : En fait je pense que plus ils mourront tôt, plus vite je pourrais exploiter le catalogue. A chaque fois qu’on a un leftover, je le met de côté, comme ça je pourrais faire comme avec J Dilla.
Hyacinthe : Ces putains de zoulous, ils font des soirées tout les mois … Ils se font tellement de tunes sur le dos des morts.
Krampf : Nécrophiles !
On remarque que vous liez souvent le sexe et la mort dans vos textes, quels sont les rapports entre les deux selon vous ?
L.O.A.S : J’ai pas trop envie de repartir dans des trucs d’intellos, c’est vieux comme le monde, mais en gros tu baises parce-que tu vas mourir, sinon tu serais une cellule qui se divise. Le sexe n’existe que parce-que la mort existe.
En fait vous ne théorisez pas vos propres textes, vous écrivez plus par ressenti.
Hyacinthe : Ce n’est pas à nous d’expliquer nos textes. On a un ressenti à un moment donné, ça se retrouve sur une feuille, et après, libre à chacun de le ressentir et de l’expliquer comme il veut.
L.O.A.S : Des fois t’as déjà une mélodie en tête, tu vas déjà savoir comment tu vas interpréter le texte, et avec cette mélodie là il y a une émotion. Et en fait cette interprétation c’est ça qui va emmener les mots. J’arrive pas en me disant je vais parler de telle ou telle chose. C’est l’émotion qui appelle les mots. Plus je vais y réfléchir, plus je vais être conscient de ce que je fais, plus mon texte va être mauvais. Mes meilleurs textes c’est ceux que j’écris quand je suis quasiment dans un état de transe. Les mots viennent tout seuls. Après on va puiser beaucoup dans un lexique assez vulgaire, parce-que la vie elle est là, elle est dans les tripes, elle est dans le sperme … C’est là qu’on va créer de bons textes.
Hyacinthe : Par exemple « Ubermensch after all », avec L.O.A.S, c’est le morceau qui nous tient le plus à cœur dans ce projet, et presque dans la vie, et c’est un truc qu’on a écrit en vingt minutes. C’est un des rares textes qu’on a écrit ensemble, côte à côte, il y avait une ambiance spéciale.
L.O.A.S : On faisait une date dans un festival de sport extrême en province qui s’appelle « Outdoor mix festival », et du coup on était loin de Paris et de nos vies, on était dans un état d’esprit particulier. On s’est posé, on a lancé la prod’ et on a écrit …
Krampf : En général quand les choses sont faciles, c’est très bon signe. Quand tout découle, à la fin c’est mieux. Quand tu passes des heures sur un texte, en général, c’est qu’il y a un truc qui ne va pas.
L.O.A.S : Après il y a toujours des trucs que tu vas modifier, mais quand t’as le début, la fin, le squelette général, c’est bon …
Hyacinthe, tu dis faire écouter tes morceaux à ta mère, tu n’es donc pas atteint par le syndrome que décrivait JR Ewing dans son interview par l’ABCDR, à savoir le fait que les rappeurs français ont une sorte de pudeur vis-à-vis de leur famille et qu’ils n’osaient pas tout.
L.O.A.S : Je suis d’accord avec la grande majorité de cette interview, et notamment ça … Les rappeurs français sont coincés dans leur complexe d’œdipe.
Hyacinthe : Je suis d’accord aussi … Après personnellement c’est une question d’honnêteté, quand je parle de meufs dans mes textes – et je parle pas de 50 meufs – mais uniquement de trucs que j’ai vécu … bah ma mère elle les connaît ces trucs là. J’ai fait un projet qui contenait plein de phases sur une ex-folle qui s’est suicidée et qui était enceinte de moi au même moment … Ma mère était là à ce moment-là.
L.O.A.S : Moi je trouve ça sain quoi, elle doit être contente de voir que son fils arrive à évacuer les choses.
Hyacinthe : Après c’est sur qu’il y a plein de trucs qu’elle comprend pas, surtout quand ça parle de drogues etc … Elle tire un peu la gueule mais après elle espère que ça va marcher pour moi. Ton gamin fait toujours des trucs, il se trouve que moi c’est du rap, après il faut savoir l’accepter mais finalement elle éprouve plus une sorte de respect pour ce que je fais. A partir du moment où ton album c’est un truc sérieux …
« Si t’entends pute dans un morceau et que tu le prends pour toi, en vrai c’est que t’as un problème. »
Il y a pas mal de misogynie dans vos textes …
Hyacinthe : Non, c’est ce que je te disais avant. En fait quand je dis « pute », c’est comme quand tu t’embrouilles avec ta meuf et que tu l’insultes. Il se trouve que nous on en fait des morceaux donc forcément c’est des choses qui reviennent.
L.O.A.S : Mais c’est pas une généralité sur les femmes. C’est marrant parce-que il y a plein de nanas qui nous écoutent et elles trouvent pas ça du tout misogyne parce-qu’elles ont compris le truc. Par contre il y en a qui se sentent visées … Mais c’est qu’elles ont un problème. Si elles se sentent visées, c’est qu’il y a une raison, et au fait c’est vraiment d’elles qu’on parle.
Hyacinthe : Si t’entends « pute » dans un morceau et que tu le prends pour toi, en vrai c’est que t’as un problème.
L.O.A.S : C’est à toi qu’on parle, espèce de salope.
Hyacinthe : En fait c’est comme les mecs qui disent que Kaaris et Booba passent leur temps à insulter leur public …
Tout le monde se marre
Hyacinthe : Merde !
Pourquoi, il n’avait pas le droit de citer Booba c’est ça ?
Hyacinthe : Ouais, on essaye de faire au moins une interview dans laquelle on ne citerait pas Booba …
Krampf : Mais Hyacinthe et L.O.A.S n’insultent pas que les femmes … Elles prennent un peu plus parce-que ça fait plus mal …
L.O.A.S : Parce-que les mecs, on s’en bat les couilles qu’ils nous détestent. Tu vas être plus virulent avec quelqu’un qui te touche vraiment et forcément c’est plus le cas avec les meufs … La nana à un moment donné elle te fait un peu plus mal quoi.
On essaye juste de retranscrire des émotions. On veut garder ça, on est pas des rappeurs américains complètement anesthésiés par la cocaïne.
Mais on remarque quand même que vous faites souvent référence aux filles insipides, comme dans « Euro, euro », L.O.A.S tu dis « J’aime les filles sages de village, le regard lisse comme des images ».
L.O.A.S : Ça veut plutôt dire que j’aime les filles un peu innocentes quoi, mais après chacun l’interprète comme il veut, mais j’aime pas les filles insipides, j’aime les meufs un peu fraîches et simples
Vous n’êtes donc pas d’accord avec Baudelaire qui disait qu’aimer les femmes intelligentes était un plaisir de pédéraste.
Ils rigolent.
L.O.A.S : Grosse punchline. Malgré nous, on est un peu dans cette lignée-là… Sauf qu’on est des artistes maudits qui veulent faire le biff maintenant quoi, et pas dans 150 ans.
Hyacinthe : Mais tu sais, moi, une de mes grandes passions dans la vie, c’est les pouffes tristes. Dans « Spring Breakers », quand cette petite pouffe de Selena Gomez est en train de pleurer, et se fait caresser la joue par James Franco, c’est un des trucs qui m’a le plus touché au cinéma de tout les temps. Les intellos, c’est cool, mais c’est pas rigolo … Ça m’excite pas, ça me touche pas.
L.O.A.S : Après pour revenir à la phrase de Baudelaire, c’est pas parce-que la meuf est pas intelligente qu’elle est insipide. Elle peut avoir plein d’autres atouts qui vont la rendre intéressante. L’intelligence est surévaluée. C’est un instrument et on mise tout dessus. Ce qui est important, c’est la direction dans laquelle tu vas.
Dans l’outro de Ne pleurez-pas Mademoiselle, vous dédicacez des ex, est-ce-qu’elles ont écouté l’EP ?
Hyacinthe : Camille n°1 je ne pense pas, Camille n°2 c’est pas impossible … Je crois qu’elle a arrêté de me parler quand le clip de « Cheveux rouges » est sorti. Ça lui a fait un peu peur. La norvégienne du passé, elle, elle a écouté « Des hauts, des bas, et des strings ». Au moins certains morceaux, vu que je l’avais quitté pas longtemps avant la sortie du projet …
L.O.A.S : Moi je sais celles qui suivent parce-qu’elles m’en parlent, mais je sais aussi celles qui suivent et qui n’en parlent pas …
On a vu que vous aviez un espèce de délire avec une boulangère sur Twitter … Est-ce-que vous pouvez nous retracer cette histoire ?
Ils rigolent.
Krampf : On est obligés d’en parler ou pas ?
L.O.A.S : On l’a rencontrée à Nantes, alors qu’on était là-bas pour enregistrer une émission de radio. On est rentrés dans une boulangerie et on a rencontré Pauline. Elle nous a insulté et traité comme de la merde, on a fait plein de blagues. Et de fil en aiguille, elle a écouté ce qu’on fait et elle apprécie. C’est comme ça que c’est un peu devenu un personnage de la clique DFHDGB. Voilà, dédicace à Pauline.
Et justement, vous n’avez pas peur que toutes ces références aux blagues que vous faites sur les réseaux sociaux, ou les références sur vos vies personnelles finissent pas créer une sorte de barrière entre vous et les potentiels nouveaux auditeurs ?
L.O.A.S : Je pense qu’au contraire les gens s’identifient plus parce-qu’il y a des références personnelles.
Hyacinthe : En fait je suis incapable d’écrire un truc si c’est pas sincère, et je pense que c’est un peu notre cas à nous tous. C’est cette sincérité qui fait notre force. Il y a des gens qui sont ultra-fans alors qu’on a sorti que trois projets. T’as notre âge, on passe tous plus ou moins par les mêmes situations de vie, par les mêmes événements …
Krampf : Je pense qu’au bout de deux projets, les gens ont compris qui était Hyacinthe, et qui était L.O.A.S … Au travers de ces projets, ils ont toute leur vie, c’est comme un film !
L.O.A.S : En fait, ils ont juste quelques éléments sur nos vies, et après ils écrivent eux même l’histoire. En vrai c’est plutôt ce qu’on raconte dans nos textes qui va créer des problèmes dans nos vies personnelles.
Krampf : Parce-que comme c’est sincère, que c’est des choses qui ont vraiment été vécues, ça va faire plus mal.
Hyacinthe : Ma meuf, ce qui va la choquer c’est pas que je parle d’autres meufs, mais c’est quand je vais raconter les trucs qu’on a fait la veille, des trucs qu’on a vécu ensemble … Par exemple, je parle souvent d’avortement parce-que c’est des choses qui me sont arrivées, et en général c’est plus les filles avec qui ça m’est arrivé qui vont pas être ultra à l’aise avec le fait que j’en parle publiquement…
L.O.A.S, où vont atterrir les morceaux solos que tu as lâché ces derniers mois (Lady Gaga, Langue Maternelle, …) ?
L.O.A.S : Ça va pas sortir. Je pourrais sortir une mixtape, mais ça m’intéresse pas vraiment …
Krampf : Il est meilleur maintenant !
Pour finir, comment s’annonce l’année 2014 pour l’équipe DFHDGB ? Des projets à venir ?
L.O.A.S : A fond oui, mais c’est pas forcément que de la musique. On essaye aussi de se structurer, d’aller le plus loin possible. En ce moment je taffe pas mal, mais pas directement sur de la musique. On prépare le futur quoi …
Hyacinthe : Et puis on prépare aussi les prochains projets. Moi j’ai un projet avec Krampf, un autre avec d’autres producteurs, L.O.A.S bosse des trucs, Krampf est sur ses projets solos à lui aussi.
L.O.A.S : On bosse aussi de plus en plus avec d’autres personnes. On multiplie les collaborations. Donc voilà, comment ça s’annonce 2014 ? Avec plein d’argent.
Krampf : Et plein de musique. De la belle musique et beaucoup d’argent. Et des boulangères.
Le bandcamp de DFHDGB sur lequel vous pourrez écouter Ne pleurez pas mademoiselle et même commander votre CD ou votre t-shirt
(dans la limite des stocks disponibles).
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