1 Artiste…10 Morceaux propose aux rédacteurs de ReapHit.com de revenir sur la carrière d’un rappeur à travers dix de ses titres. Le but ? Nous faire découvrir en toute subjectivité son parcours musical, ses découvertes, ses dix titres emblématiques.
Pour ce premier numéro, je ne risque aucune polémique, ni aucun grognement des chiens de garde de la nouvelle scène. Non, moi j’ai voulu parler d’un ovni, d’une carrière improbable, diversifiée, prolifique ou grand-guignolesque, selon l’interprétation. Plutôt simple une fois cette idée en tête de sélectionner un personnage comme Gérard Baste, leader anti-charismatique des anciens Svinkels.
Parce que mine de rien, des Svink’s à D17 en passant par les premières émissions Level One et Le Klub des 7, cela fait près de 15 ans que notre Gégé national promène sa moustache et sa cirrhose du foie, de projets artistiques en jobs alimentaires.
Gérard Baste a eu à cœur de « combattre pour son droit de faire la fête » (coucou les Beasties Boys) avec pas mal d’autodérision dans chacun de ses projets, prenant comme leitmotiv le saint triptyque du punk : « Sex, Drugs &… tout ce qui te passe à portée de main ». Alors oui, les couplets sentent la vinasse et la gerbe de fin de soirée, le saucisson et le verre en plastique, mais ce serait bien limiter la carrière du bonhomme et son impact sur le rap parisien.
1 // Alcotest – Svinkels
Si certains groupes ont besoin de quelques titres pour se créer un univers, ce n’est pas le cas des Svink’. Dès leur première apparition, le ton est donné. Tout est là, le titre explicite, l’intonation théâtrale et les jeux de mots oscillants entre brèves de comptoir et réel génie d’écriture.
Le titre sort en 97 sur la compilation « Police » sur une prod de Guts (ex Alliance Ethnique) et parvient à rentrer dans le thème politisé et gentiment revendicatif, tout en détonnant complètement par « l’angle d’attaque » choisi et l’humour omniprésent. Ça sera la signature de Gérard (qui s’appelle Mathieu) tout au long de sa carrière.
« Les keufs ont des consignes, normal avec tout ce qu’ils boivent… »
2 // J’pète quand j’crache – Svinkels
Bon le premier morceau, ok c’est fait, c’était bien hein ! Y’avait du thème, de la politique, de la revendication, de l’élévation sociale, on a niqué des keufs et tout… Comment vais-je réussir à amener le numéro 2 ?! Bon. J’me lâche.
S’il y a un morceau à écouter pour se prendre l’univers des Svinkels en pleine face (oups…) c’est« j’Pète quand j’crache. »
Alors oui ce morceau est une blague, tant mieux c’est son seul but ! 5 minutes de débilités graveleuses. Ici, pas de militantisme opportuniste, mais une ode à la connerie. Et quand tu écoutes l’énorme travail de Fred Lansac (Svinkels / Les Professionnels) sur la prod, ne me fais pas croire que tu ne te prends pas au jeu.
« On évoque la vie sexuelle de Baste et Greta jusqu’en Pologne… «
3 // Le Plancher m’appelle – Svinkels
S’il y a un morceau que je mets personnellement au dessus dans la carrière des Svinkels et de Gérard Baste, il s’agit bien de celui-là.
Le travail de Nikus Pokus pour créer une prod « nauséeuse » est bluffant. On tangue à la simple écoute du sample hypnotisant et éthylique qui met immédiatement l’auditeur en condition.
Baste lâche un couplet magistral, et la cohérence musicale avec Nikus Pokus et Xanax a rarement été aussi forte.
Jeux de mots tordus et hilarants, tout jusqu’à l’instru donne le tournis et sent l’abus. Chacun y retrouvera ses soirées blackout et ses grands moments de finesse.
« Tu vois pas que ce soir j’ai pris une trempe ?!
Ça te fait pas un peu peur que j’rentre ?
Hein ? Tu crois que c’est par pur plaisir que j’rampe ?! »
4 // Mappe-monde – Svinkels
On a déjà entendu la facilité avec laquelle Gérard Baste aborde des thèmes crus en conservant la culture du « bon mot » et de l’insolence de la moustache. « Mappe-Monde », paru en 1999 sur l’album Tapis Rouge, et sur une prod de Fred Lansac est un exemple de plus.
Entre un Nikus Pokus qui nous embarque sur un texte carré et plutôt sobre et un Xanax hargneux comme jamais, Gérard Baste lui assure la transition avec une légèreté apparente tout en restant dans l’esprit incisif du morceau. L’insolence de la moustache on vous dit !
« On a visité une ancienne centrale atomique, on s’est marrés,
y’a René qu’est devenu tout blanc et squelettique… »
5 // Front contre Front – Svinkels
Même année, même album, autre esprit. Les a(l)colytes des Svinks se sont toujours revendiqués et affiliés en marge du punk. Pour leur donner du crédit, « Je veux réveiller le Punk » n’est pas à mon sens le meilleur exemple (non, même pas la version alternative sur la boite à rythme Toys’r’Us des Bérus, jeune keupon ! )
L’intro de « Front contre Front » peut vite rappeler la voix de Jean-Marie Le Pen qui ouvre « Porcherie », le beat ultra répétitif et très marqué de Fred Lansac, une certaine boite à rythme précitée. Bref, vous aurez compris, malgré un Baste se contentant du refrain, c’est l’esprit et ça fonctionne !
« On profite du microsillon pour scalper les nazillons »
6 // H – Svinkels
Dans la continuité de « J’pète quand je crache » et « Le Plancher m’appelle », le morceau sobrement intitulé « H » est une pépite, le thème est maîtrisé (tu m’étonnes !) et les métaphores filées à l’extrême.
Les similarités avec « Le Plancher m’appelle » qui sortira 4 ans plus tard sont nombreuses, à commencer par la prod (également de Nikus Pokus) ralentie et progressive pour 10 minutes de track sous THC. Tout le champ lexical du fumeur de cannabis y est regroupé, formant un véritable glossaire du jeune junkie, sans pour autant tombé dans la facilité du cliché ou des revendications adolescentes. A écouter les yeux rougis.
« Si l’chillum descend du singe, vient on régresse à l’Âge de Pierre, Fumer le calumet de la paix quand j’déterre mon hash de guerre »
7 // Freestyle n°9 – Welsh Recordz
En 2011, les Welsh Recordz – composé de Mr Ogz & I11 Heaven – sortent le projet « The Saoul Brotherz » réunissant notamment Greg Frite, A2H, Veerus, Abraxxxas et … Gérard Baste.
« J’suis un ouf, j’suis un débile !
Chez Léon j’commande un Steack Frites,
Et j’prends les moules au Buffalo Grill…»
8 // Sanibroyeur (White Trash)
cas sur un certain rap parisien. Car dans l’entourage de Gerard Baste, un bon nombre d’artistes prolifiques cohabitent : Triptik, ATK, Octobre Rouge, Drixxxé, le C-Sen…
Une bonne partie de cette scène se regroupe sur une flinguerie sortie sur l’album du collectif A.M.S Crew, Future School sur une instru de Dr Dre.
« Si tu m’croise déambulant, une vraie taverne ambulante…»
9 // Avec des glaçons – Qhuit
Qhuit, c’est une marque et un shop parisien, mais c’est aussi et surtout un collectif composé de TTC, Triptik, AMS Crew, Rhum-G et l’Animalexxx qui a sorti en 2004 le projet Gran Bang et le hit « Avec des Glaçons » sur une instru de Drixxxé (Triptik)
« Oublie la beat-box, ici y’a l’max de human vide-bocs »
10 // On Botte des culs – Yoshi Feat. Gerard Baste
Plus récemment, c’est Yoshi, sur son très bon Hip-Hop Momo, qui a offert à Baste l’une de ses meilleurs apparitions depuis longtemps sur le titre « On botte des culs ».
Tout est créé pour que le moustachu se sente comme un poisson dans la bière sur ce son, et le résultat du feat est au niveau ! En même temps, deux fêtards luttant pour la promotion de La Terroiriste – bière artisanale – ensemble en studio, ça ne pouvait que bien se passer…
« Transforme l’eau en vin et j’pars en thalasso… »
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