Fashawn, Boy Meets Fail

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Beaucoup de MC’s seraient en droit de jalouser le parcours de Fashawn. Non pas que le emcee n’ait aucun mérite, car derrière le blaze, c’est avant tout un delivery complet que bon nombre de concurrents sont très loin d’égaler, et qui reste encore sous-estimé par un grand nombre. Disons que l’homme a eu la chance, ou l’intelligence, de se tracer une route dans le game qui lui vaut une exposition plutôt enviable, pouvant créer de fait une certaine frustration, toujours sans remettre en compte ses skills. Il est vrai que Fashawn peut se targuer d’un parcours musical sans faute. Natif de Fresno en Californie, Fashawn a pourtant, sur un plan personnel, de quoi rejoindre la catégorie des broken home : vie familiale détruite, placement en foyer pour au final s’en sortir grâce à son oncle, le début de vie est loin de la perfection. Comme beaucoup, la plume et le micro étaient un exutoire naturel à toute cette destruction, essayer de se refaire via la musique comme thérapie, un pari à quitte ou double.

18 ans, première mixtape et premier coup de chance, puisque le jeune MC tape dans l’œil de Planet Asia qui va le prendre sous son aile. Puis c’est la rencontre avec le producteur, DJ, et manager Aren Hekimian aka Hecktik proche un temps des Living Legends et activiste reconnu de cette area, qui va lui tracer un boulevard jusqu’à la reconnaissance (même si elle se limite aux auditeurs du rap indépendant). Pas de recette miracle, mais un parcours très classique avec la sortie de 5 mixtapes supplémentaires, et surtout la sortie un mois avant son premier LP de The Antidote en collaboration complète avec The Alchemist, de quoi créer assez de bruit pour que Boys Meets World soit l’un des albums les plus en vue de 2009. Si une partie de la réussite de ce premier disque en revient à Exile qui produit totalement l’album, le reste est du ressort direct de Fashawn.

L’après Boys Meets World aurait pu provoquer un emballement à vouloir enregistrer vite et sans réflexion, mais là encore, Fashawn préfère défendre son album en live et mettre en avant le format mixtape jusqu’au milieu de l’année 2014, où NaS officialise sa signature sur Mass AppealsRecords devenant ainsi l’executive producer de Fashawn. Forcément, ce genre d’annonce envoie du pâté supplément cornichon, on comprend donc que le second album The Ecology va arriver très vite, et cela devient clairement concret quand Fashawn nous refait le coup du petit EP en collaboration complète avec The Alchemist fin 2014. Deux mois après surgit donc The Ecology, avec bien sûr Exile en majorité sur les productions. Après le phénomène Bada$$ et son tremblement de terre à l’Est, on s’attend à une réplique du côté Ouest, Fashawn en a les épaules et Mass Appeals les moyens, si bien que dès la fin de la première écoute, un seul sentiment prime : What’s The fuck ?????

Un peu d’histoire, le deuxième album What The Fuck dans le rap, c’est une coutume ancestrale, limite une obligation. La liste est longue, et pour le coup, Fashawn n’innove pas dans ce registre. Pour exemple, on se rappellera du WTF de Raekwon avec ImmobilarityChamillionaireet son Ultimate Victory, le Chyna Doll de Foxy Brown dont la cover renvoyait directement au contenu, le Jealous One’s Envy de Fat Joe et bien sur le fameux The Aftermath de Dr Dre. Rien d’innovant pour Fashawn, mais on peut reconnaître au moins au rappeur que mettre 6 ans pour pondre un WTF album reste une prestation olympique, sachant qu’en moyenne le WTF album arrive un ou deux ans après la sortie du premier opus.

NaS lui a-t-il prêté ses oreilles ? A-t-il au moins écouté l’album avant de le sortir ? Est-il le seul à pas s’être aperçu qu’Exile est en dessous du lot depuis 4 ans ? Mass Appeal se sont-ils trompés en échangeant les filers par les tracks originaux ? Est-ce un complot des reptiliens parce le N de Fashawn ressemble étrangement au N des illuminatis ? Tant de questions qui resteront malheureusement sans réponses, et qui de toutes façons ne changeront rien au constat suivant : cet album pue la défaite musicalement.

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Le pire dans cette histoire c’est que Fashawn, sûrement avec l’aide de NaS, a réussi via les diverses sonorités de l’album à sous-catégoriser le WTF, là respect. En clair, vous avez le choix dans le style WTF,  si vous cherchez un WTF vibe vieux hippie qui sent le chien mouillé en train de taper de la gratte sur un feu de camp de plage, alors It’s A Good Thing est pour vous (à tout moment, t’as l’impression que l’autre manouche de Charlie Winston va débarquer), si vous cherchez du beat compréhensible uniquement sous LSD, alors optez pour Out The Trunk ou Confess, si vous considérez encore Robert Miles comme un génie incompris, alors F.T.W.To Be Young seront des arguments supplémentaires à présenter pour sa défense. L’hétéroclisme du WTF en est, ici, limite artistique, nous amenant à nous rattacher à des sonorités g-funk mille fois usées et ré-usées (Golden State Of Mind ou Mother) ou apprécier du sous-Exile (Place To GoHigher) sachant qu’avec To Be Young, il est encore plus profond que la fosse des Mariannes. On pourra se questionner pour savoir si notre niveau d’audition est assez résistant et fiable pour objectivement affirmer que Guess Who’s Back (prod. Beewirks), le super combo FashawnNaS et Aloe Blacc sur le track de Dj KhalilSomething To Believe (même le titre est parti pris) et Letter F de The Alchemist sont de bons morceaux et par déduction les seules choses écoutable de ce The Ecology.

Au fond, cet album n’aurait de valeur ajoutée que pour sa version a capella, car si tout est incompréhensible musicalement parlant, The Ecology reste tout de même solide pour les prestations de Fashawn. Ici, on y retrouve un MC sans réelle gène mêlant son parcours personnel et familial désastreux d’un point de vue psychologique à son amour de la Californie et de son environnement. On passe souvent de l’ombre à la lumière, la frustration de la perte de sa mère se juxtaposant avec une vision très relaxante et ensoleillée de son cadre de vie. On ne peut donc que déplorer que sa capacité à peindre par ses lyrics toute sorte de situation ne trouve aucun écho dans les productions de cet album. On aurait tellement aimé qu’à l’image des lyrics de Higher, la ligne musicale soit aussi brute, sincère et emprunte du soleil californien, car un album de rap reste un tout, une symbiose entre le delivery du MC et les productions.

Le fait d’arrêter de jeter des canettes d’aluminium à la mer, de partager du tofu avec Nas et de faire du skate comme Tony Hawks avec des sapes en alpaga bio ne peuvent pas à eux seuls expliquer l’énorme raté de ce second album. Fashawn démontre, certes, une facilité incroyable en tant que MC, son flow et son écriture sont encore une fois de haute noblesse, confirmant ainsi ce que Nas Disait « Fashawn is one of the most underrated in the game » mais à contrario d’un Boy Meets World, la ligne musicale de The Ecology ne risque pas de mieux l’exposer…

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