Date de sortie : 25 novembre 2015
Production : Axiom’
Featuring : Néfaste, Géabé, Sentin’L, Vin’S, Squad, Dooz Kawa, Phases Cachées
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Le sphinx Emtooci, renaît des cendres du Mer2Crew. « L’équipe de merdeux» a pris en âge et en maturité pour revenir plus fort que jamais avec un album conceptuel, gorgé de soleil comme un melon bien mûr. Un skeud composé de six titres : six featurings propres et très bien lotis, gonflés de talents.
Tekilla et Poupa accompagnés de Néfaste à l’ouverture, faite sur l’assimilation à un rap authentique, loin des trucs clinquants ou de l’égotrip trop centré sur le nombril de rappeurs plus lourds en ferraille qu’en technique. Mettant allègrement en oppositions des tacles varietoch’ et des références pop culture, il y’a une vraie possibilité de s’identifier à ces textes pour une certaine génération. On retrouve les codes de la nouvelle scène et c’est très bien fait.
C’est le tour de Géabé d’être parachuté sur zone quand il s’agit de causer rap indé. Vrais reconnaissent vrais. Le MC ramène sa fraise pour rapper, de concert avec les deux pépères, que leurs culs ne sont pas à vendre. Une manière de travailler relativement identique, un mode de vie et les kilomètres avalés aux frais des charbonneurs. C’est la passion qui amène à cette ébullition. Et là dessus, tout le monde se retrouve. Apparemment, c’est toujours « bandant d’être indépendant ».
Sentin’L sera là, lui, pour développer le thème de la persévérance et de l’isolement calculé, quand il s’agit d’avancer seul et de laisser les lourds de côté. La difficulté de s’intégrer dans un monde qui vous fait vous sentir déviants dès lors qu’un pied est posé hors du chemin tracé, goudronné, barbelé. Ça peut passer par une expression musicale ambitieuse et pas fataliste. Il suffit juste de garder ses objectifs en tête. Le dépassement de soi, ça fait aussi sens dans l’rap .
Vin’S et Squad rejoindront le M2C pour palabrer sur les difficultés à faire des choix qui, par effet papillonnaire fractal, auront des conséquences irrémédiables. Là est l’enjeu d’une vie d’adulte. S’accrocher à des rêves d’évasion illusoires en ayant pleinement conscience de la fragilité de l’Être.
Quand Dieu a quitté le navire, ce qu’il reste vient vous susurrer de délicats mots doux, et c’est Dooz Kawa qui s’y collera. Comme posé sur nos épaules, le pouvoir qu’on lui laisse prendre sur nous nous ramène à notre condition d’Homme de bas instincts. Et comme conscience rime trop peu souvent avec cohérence, un triste tableau se dessine à chaque instant qui passe. L’Alsacien, quant à lui, chante toujours son non-amour pour le tout puissant, et en cela, il reste constant.
Connexion nord/sud avec Phases Cachées pour rendre hommage aux cous endoloris les lendemains de concert et les mains volantes en pleine fosse. Allégeance mutuelle entre un public sans qui les artistes ne seraient rien et inversement. C’est rarement fait avec autant de sincérité, une petite douceur pour les oreilles et l’orgueil.
Quand Salas et Ketsh parsèment l’album de scratches très bien sentis, l’intégralité de la production s’est vue confiée aux doigts de fées du très silencieux mais non moins talentueux Axiom’. Homme de l’ombre depuis plusieurs années, il offre à chaque fois des productions d’une sensibilité poétique merveilleusement savoureuse et envoûtante. Des pianos mélancoliques aux saxophones lancinants, c’est Monk et Bechet chez Aftermath. Après avoir bossé avec Pazzo, Koobilaï ou bien encore pour la poignée de punchlines de Limsa, Axiom’ porte » Six Feats Under « tel Atlas soulevant un monde utopique, empli de partage, de bienveillance et de musique ensoleillée. L’avenir est joliment tracé pour ce beatmaker talentueux, qu’on pourra retrouver prochainement aux côtés de MC’s confirmés, tels que Fizzi Pizzi, Dooz Kawa, Gaïden ou encore Pand’Or. On me signale également dans l’oreillette qu’un album plein de rappeurs bretons serait en préparation sous le label Camisole Prod.
Ajoutez à cela deux instrus pour les MC’s et un accappella pour les beatmakers voulant s’amuser un peu, et nous voilà refaits comme au grec avec un salade tomates oignons, supplément fromage.
Un réel sentiment d’unité émerge de ce projet frais et goûtu. Les flows rap de Tekilla métissés au lyrisme ragga de Poupa ont su trouver de parfaits partenaires de rap pour ce projet de fin d’année qui pourra plaire aux aficionados du Emtooci et aux curieux toujours à l’affût d’un son neuf et plein de belles idées. Six Feats Under vaut vraiment le coup d’y jeter une oreille. D’autant qu’on notera l’aspect gratuité, qui accouche rarement de projets aussi aboutis. Rien à perdre, tout à y gagner.
Le projet est en écoute intégrale et free download chez Haute-Culture
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