1 Artiste…10 Morceaux propose aux rédacteurs de ReapHit.com de revenir sur la carrière d’un rappeur à travers dix de ses titres. Le but ? Nous faire découvrir en toute subjectivité son parcours musical, ses découvertes, ses dix titres emblématiques.
Si l’on doit parler de beatmaker français, pour moi le nom d’Al’Tarba doit forcément sortir. Pourquoi ? Parce qu’Al’Tarba, c’est l’art de sortir des samples de tous les horizons pour donner un ensemble à l’atmosphère particulière et unique. Il ne fait pas simplement de la musique, il crée un monde, un univers où l’horreur se mêle au loufoque, à l’innocence et à la drogue. Un beau bordel en somme ! Retour en 10 morceaux sur un talent encore trop méconnu, entre best of subjectif et historique.
1 // Le Cercle
En 2007, Mysa est le premier rappeur à donner sa chance au beatmaker toulousain. C’est sur Les Poésies du Chaos que l’on peut entendre pour la première fois sur disque les instrumentales d’Al’Tarba sur un disque. Sur « Le Cercle », on retrouve déjà toute ce qui fait la spécificité du beatmaker : ambiance mystique, croisements de samples improbables mais pourtant cohérents, drums puissants, et guitare venant hanter le spectre sonore.
Et comme d’habitude de la part de Mysa, une thématique collant parfaitement à l’instrumentale, pour un résultat homogène et très travaillé. Le début d’une collaboration qui a produit de nombreuses pépites, et l’occasion pour Al’Tarba de songer à un premier album.
« Sur un son d’Al’Tarba, enfile ton gilet pare-balle c’est les barbares »
2 // I’m From Brooklyn
Présent sur son premier projet solo (Rap, Ultraviolins & Beatmaking), »I’m From Brooklyn » accueille comme rappeurs Ill Bill et le groupe Brooklyn Academy. L’influence new-yorkaise se ressent vraiment sur cette track dans laquelle le toulousain collabore pour la première fois avec l’un de ses rappeurs préférés : Ill Bill. Flows tranchants et prod énigmatique s’accordent en donnant un morceau torturé et violent.
« No future, it’s apocalypse now, you get blasted off… rocket ship style »
3 // Le Diable Roule en Ferrari
Passons maintenant à ce qui reste à mes yeux une des meilleures prod d’Al’Tarba, et sa meilleure collaboration avec Mysa : « Le Diable roule en Ferrari ». Sample de guitare mélancolique à souhait accompagné d’arrangements donnant limite le cafard, avec des voix pitchées placées au millimètre près ainsi qu’une batterie répétitive, robotique, ce morceau donne des frissons !
A cela s’ajoute la performance de Mysa, avec un texte toujours aussi travaillé et un flow autant rageur que cynique, décrivant d’un œil désabusé les travers d’un monde dont chaque promesse sonne faux.
« Parfois d’la peine à rire, j’vis sur une terre aride »
4 // Qu’est ce qui fait tourner le monde ? (Remix)
Et puisque le choix des titres de cette chronique est totalement subjectif, enchaînons avec une autre collaboration Mysa/Al’Tarba, le remix de « Qu’est ce qui fait tourner le monde ». Initialement prévu pour la sortie physique d’Enfermé dehors jamais libre de Mysa, ce morceau ne se trouvera finalement que sur le net. Une perle perdue dans l’océan ! Certains trouveront ce morceau trop conspirationniste, qu’importe, non seulement Mysa n’a pas peur de dire ce qu’il pense, mais surtout, Al’Tarba sort une de ses instrumentales les plus incroyables.
Sample de violon tordu et séquencé de façon sinistre (à l’image du texte), le beatmaker y a ajouté de puissants riffs de guitare donnant plus de pêche, et surtout, cerise sur le gâteau, cette boîte à rythme paraissant si innocente au milieu du reste, que le résultat en a quelque chose de malsain, d’angoissant. Un sans-faute !
« L’invisible ruse… »
5 // Retour à l’Âge de Pierre
Mais Al’Tarba, ce n’est pas que du beatmaking, puisqu’il rappe aussi avec son groupe, Droogz Brigade. Et c’est sur son deuxième projet qu’il sort « Retour à l’âge de pierre », morceau énervé, démesuré, avec une instrumentale de haute voltige. Les violons s’emballent, la batterie percute fort, et sur cette ambiance mégalomane, les Droogz débitent à toute vitesse leurs images crades à souhait.
« Quand la nuit tombe, que le soleil meurt, qu’la température baisse… »
6 // Maux Croisés
Laissons le micro à Al’Tarba et passons à « Maux croisés », featuring Swift Guad et Inch. Samples dégueux, ambiance horrifique, textes psychédéliques, on est pile dans l’univers des films d’horreur cher au beatmaker. Quant aux trois MC’s, ils déversent leur esprit torturé sur cette toile aux couleurs de chair en putréfaction et d’hémoglobine.
« Aux portes de l’enfer, artificiels sont mes paradis »
7 // Piège à Loup
Puisque nous sommes dans les collaborations avec la scène underground parisienne, difficile de ne pas citer cette perle qu’est « Piège à loup » d’Hugo TSR. Pour ce titre extrait du maxi du même titre, Al’Tarba sort une prod dantesque avec un sample théâtral, des arrangements à base de voix d’opéra et c’est une musique apocalyptique qui en résulte, une pression angoissante donnant une toute autre dimension au quotidien relaté par Hugo.
« Chance en vacance, violence en vadrouille »
8 // Lullaby for Insomniacs
Dans la même année sort Lullabies for Insomniacs, album orienté abstract hip-hop, en grande partie instrumental en téléchargement gratuit (dont la réédition est sortie sur iTunes cette année). Ici la musique d’Al’Tarba entre dans un autre univers, plus mystique, plus profond, et comme en témoigne le titre éponyme de l’album, les instrumentales se suffisent à elles-mêmes. Les 2min40 de Lullaby for insomniacs nous transportent, entre une boîte à rythme qui nous berce, des voix envoûtantes, des nappes difformes et étranges. Une berceuse pour ceux laissés pour compte par Morphée.
« I should be happy but i’m not »
9 // Better Without You
Dans le même style d’ambiance, « Better without you » est l’un des morceaux les plus mélancoliques de l’artiste. Samplant »Toi tu dis que tu es bien sans moi » de Saez, Al’Tarba reprend l’ambiance triste du morceau pour lui ajouter encore une fois une dimension mystique, nous faisant voyager à travers sa musique dans un autre monde, son monde. La guitare saccadée, comme torturée, de Saez est entrelacée d’arrangements de toutes sortes, souvent indescriptibles car disséminés ici et là avec parcimonie, ce morceau nous ferais presque sortir une larme.
« Et tu dis que t’es bien sans moi »
10 // No Hate
Finissons par un morceau plus récent, extrait de l’album commun entre le rappeur américain Lord Lhus et Al’Tarba, « No Hate ». Les premières secondes donnent la couleur : sample de chorale cradossé par des filtres, synthés robotiques en fond sonore, batterie déstructurée, le tout avec la voix rocailleuse de Lhus par-dessus. En résulte une ambiance solennelle, comme si la musique nous invitait à nous prosterner devant ces démons du beat.
« I’ve seen it all and they still wanna hate on my struggle,
my rubble, my trouble, first make it to my level »
En quelques années de carrière, Al’Tarba a diversifié les collaborations et les styles, et arrive toujours à être efficace dans ses productions. Instrumentales soignées aux ambiances propres, le producteur toulousain n’a pas fini de nous épater, et c’est avec plaisir que l’on recevra Ladies & Ladies, l’album abstract venant prendre la relève de Lullabies for Insomniacs.
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