Un nouveau morceau d’Akhenaton est un évènement qui dépasse de loin le carcan étroit du microcosme rap. En 25 ans de carrière et d’activisme, Akh a réussi à ancrer ses œuvres dans une culture populaire, touchant trois générations d’auditeurs, grâce une sincérité sans égale. Alors quand Chill annonce un nouvel album solo, c’est un ouragan qui s’abat sur les discussions de comptoirs rapologiques.
Il faut dire que l’Américano a le don de nous ramener à notre essence, nous faire redevenir cet adolescent passionné. Celui qui courait chez le disquaire se procurer les nouveautés, rentrait walkman vissé sur les oreilles, et passait des semaines à rapper tout l’album jusqu’à connaitre la moindre mesure par cœur. Le même gamin qui devant les murs de sa chambre s’imaginait sur scène avec le groupe, donnant la réplique à Chill et Tonton Shu dans un Dôme de Marseilleplein à craquer. Sur les murs de ma chambre…
« Inutiles nos luttes sont rendues,
Quelques euros saupoudrés lèvent une armée de vendus,
Prête à passer tous les voisins sur le fil du couteau,
Au nom du baril, du fric et de Monsanto »
Imaginer un nouvel album solo nous fait immédiatement nous remémorer le tableau de chasse du monsieur, Métèque et Mat, Sol Invictus, le Black Album, Soldats de fortune, IAM et ses innombrables apparitions (discographie à laquelle nous avons consacré un « 1 Artiste…10 Morceaux » ici). Tous comportent leur lots de chefs d’œuvre, d’innovations et de souvenirs, renvoyant bien souvent l’auditeur à ses propres tranches de vies dont les morceaux d’Akhenatonfurent la bande son.
Parce que l’on a grandi avec, et grâce à la sincérité inégalée de ses textes (les lecteurs de La Face B le savent bien) , Akhenaton fait partie des artistes que l’on connaît, que l’on s’approprie. Et comme l’intégralité de sa discographie s’entremêle dans une longue biographie, lorsqu’Akhannonce qu’il a bouclé sa trilogie « Mon texte, le savon » pour Je suis en vie, c’est religieusement que les auditeurs attendent la fin de l’histoire.
« On ne chevauche pas le destin à coups de bâton,
On fera couler cette encre pour celles et ceux qui attendent,
Je t’assure, aucune tempe au bout du canon,
Et tous les jours, je vends ces rimes comme un savon »
A l’heure de diffusion, tout le monde retient son souffle, concentré. En bons élèves attentifs les rappeurs ont sortis la feuilles blanche pour prendre des notes, et tout le monde tend la joue pour recevoir sa calotte tant attendue. Les darons ont appelé leurs fils devant l’écran, les fous de funk ont rangé les paillettes, les haterz sont présents, attentifs au moindre faux pas. Allez, avouons le, même Dee Nasty a posé son whisky, et Afrika Bambatta baissé le bras pour écouter cette « partie 3 » .
Analyser un texte d’Akhenaton, c’est analyser des tranches de vies, nous ne nous y risquerons pas. On notera simplement qu’après la réorchestration de l’instrumental originel, le thème de Roméo et Juliette, dans la « Part 2 » , Chill a préféré changer d’univers et rejouer la mélodie d’ « Un singe en Hiver » dans une douce nappe japonisante. Le clip renvoie bien évidemment à la vidéo de la « partie 1 » , treize ans plus tard. Un ultime hommage, pour ceux qui lui ont tenu la main et ceux qui l’ont lâchée, pour ceux qui firent ses joies et ceux qui l’ont gâchée, pour ses soleils et ses lunes…
« On attend pas la chance, on crée l’occasion… »
Le clip s’achève laissant l’auditeur baigné d’un sentiment béat ; la fin d’une douce berceuse rassurante et pleine d’espoir : Ne t’inquiète pas, papa est là.
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