Dans l’univers rap, l’illicite et l’illégal ont toujours eu leur part d’influence. Mais au-delà du code de la rue, des règlements de compte, des deals de drogue et des rixes entre gangs, le rap doit avant tout sa plus grande influence au gangstérisme, les fameux mobsters. Idolâtrés ou tout du moins respectés, la culture de la plus part des MC’s s’est fondée au travers du culte de certains bad boys mafiosi.
Que ce soit dans l’univers fictif des personnages dépeints dans les œuvres de Scorsese, de Coppola ou de De Palma ou à travers des mafieux qui ont vraiment existé à l’instar des Lucky Luciano en passant par Frank Lucas, à la limite du culte et allant à l’encontre du bien-pensant dont la société aimerait que chaque individu s’inspire, c’est toute une génération qui a pris à contre-pied le modèle politiquement correct en mettant en avant la voie illicite offerte par ces personnalités peu recommandables.
L’arrivée de séries comme Romanzo Criminale et Gomorra ou la sortie du majestueux film Suburra en Italie, le magistral Boardwalk Empire produit par Scorsese aux US ou même la série Narcos qui retrace la vie de Pablo Escobar, toute cette effervescence démontre une fascination du public pour les truands. Le rap n’est pas en reste avec la preuve la plus flagrante, deux des principaux artistes émergents de la scène française le groupe PNL et le rappeur SCH reprenant à leur compte l’univers de la série Gomorra, allant jusqu’à tourner leur clip à la Scampia, fameux territoire de la Camorra et lieu de prédilection de la série. Aux US, l’iconographie des mafieux dans le rap a toujours été un vivier d’inspiration, et plus particulièrement les grands personnages de la mafia des années 80.
Encore très peu exploités par le cinéma et les séries TV, les grands barons de la mafia US des années 70-80 relèvent des personnages hauts en couleur. Très loin des valeurs mafieuses d’un Coppola, cette génération n’avait d’yeux que pour la drogue, l’argent et le clinquant. Fini de faire profil bas, ces nouveaux mafieux voulaient s’emparer de toutes les strates de la société, tout en envoyant paître le fameux principe de loyauté et surtout la sacro-sainte interdiction de toucher au trafic de drogue dure, interdiction de façade pour donner bonne figure mais qui par derrière n’a jamais été respectée, à l’exception de quelques familles.
Des sanguinaires avides de pouvoir prêts à passer à l’action sous le feu des projecteurs, des hommes livrés très jeunes à la rue, dénués de tout principe, prêts à enterrer une génération de vieux siciliens trop frileux pour suivre la cadence d’un monde en perpétuel mouvement. Et à force de se surexposer, cette génération s’est brulée les ailes, amenant le concept de Mafia à disparaître. L’État ayant les moyens, aussi bien financiers que légaux et contraignants (la fameuse loi RICO), le système d’omerta a très vite été balayé, et l’empire mafiosi déstructuré pièce par pièce. De cette génération, plusieurs têtes continuent encore d’alimenter l’imaginaire des MC’s.
JOHN GOTTI
Le plus célèbre et décadent des mafieux, John Gotti, vrai selfmade man de la criminalité, d’abord proche de la famille Gambino où il se fait la main dans les trafics en tout genre et plus généralement dans l’exécution de témoins ou autres nuisibles, il prend ses distances un temps avec cette famille pour avoir bravé l’interdiction de vendre de la drogue mise en place par Paul Castellano, le parrain. Gêné et frustré par ce petit désaccord, il le fait buter et prend les rênes de la famille par la force. Gotti aime se montrer. L’homme que l’on nomme The Dapper Don s’affiche dans les médias, démontrant une attitude corporelle très expressive et un goût prononcé pour le style (ancêtre du swag). Médiatisés de toutes parts, ses procès font le bonheur de la presse avec des orchestrations à la limite du ridicule, et des verdicts qui puent la corruption à 500 km à la ronde. Ses péripéties judiciaires lui valurent le surnom de Teflon Don, clin d’œil au fait que rien ne pouvait l’atteindre. Vu comme un intouchable, il est pourtant trahi par ses proches, bien aidé par la mise en place des programmes de protection de témoins, et condamné à la prison à perpétuité en 1992. Il meurt en 2002, laissant derrière lui l’image du parrain le plus sanguinaire du paysage mafiosi new-yorkais.
L’influence de John Gotti est presque inégalable : LL Cool J, Notorious BIG, récemment Young Thug ou Kevin Gates, l’homme reste une icône rap de haute considération avec plus de 30 ans de présence dans l’imaginaire des rappeurs. Entre standing et criminalité, Gotti offre un vrai champ d’inspiration. Niveau appropriation d’identité, beaucoup de MC’s ont adapté son nom pour en faire un nom de scène. Irving Domingo Lorenzo utilisera le nom d’Irv Gotti à compter de 1996, où il produira pour Jay-Z avant de monter son label Murder Inc. La fiction rejoignant la réalité, Irv Gotti se retrouve dans des démêlés judiciaires, accusé de blanchiment d’argent pour le compte de Kenneth McGriff, baron de la drogue à cette époque. Master P, dont les pochettes de mauvais goût et luxuriantes sont un clin d’œil caché à Gotti, avait fondé le groupe Gambino Crime Family sans que la sauce ne prenne réellement, leur premier album Ghetto Organized n’aidant vraiment pas.
Le plus Dogg Pound Gangster de la côte Ouest, Kurupt, utilisera le blase de Young Gotti comme aka. Pour la petite anecdote, c’est 2pac, ami de longue date bien avant l’époque de Death Row, qui lui suggéra ce second nom d’artiste. « Made Niggaz », considéré comme le dernier titre enregistré par Tupac, dédicace son ami une dernière fois avec le surnom de Young Gotti. Plus récemment, Mario Mims qui débuta sa carrière trap sous l’alias Lil Yo, changea son nom en Yo Gotti, dotant la couverture de son premier album Life de bling blings d’assez mauvais goût, mais dans la lignée de l’image provocatrice de John Gotti. D’autres artistes n’ont même pas cherché à la jouer originale, comme le canadien Gon Gotti aka John Gotti, ou encore Tenflon Dan ou l’allemand Teflondon, le très mauvais et heureusement disparu Dapper Don du 151 Feva Gang, ou encore Lotto Dapper Don, petit protégé de Future que l’on a pu entendre sur la B.O. de Black Woodstock, le niveau est plus que haut…
Niveau textes, les références à Gotti sont légion, on en retrouve clairement toutes les 5 minutes. Rien qu’en plaçant à tous ses verses son aka, Young Gotti, l’intégralité de la discographie de Kurupt est une référence. En 2015, Lil Wayne s’empare du bonhomme via le morceau tout bêtement appelé « Gotti » en featuring avec The Lox. Jadakiss, Style P et Wayne nous replongent dans l’époque où Gotti était intouchable, et où chaque procès finissait par un acquittement. Teflon Don devient carrément le titre du 4ème album de Rick Ross, qui fera souvent référence à ce surnom comme sur « Yella Diamonds », « MC Hammer » ou encore « BLK and WHT » (il existe facilement une vingtaine de chansons de Ross y faisant référence). Une façon pour Rick Ross d’imprégner son image de gangster chic, intouchable et indestructible. Autres MC’s de poids qui se sont beaucoup inspirés de Gotti, le G-Unit, que ce soit 50 Cent en solo ou les autres membres, ils y font souvent allusion avec plus ou moins de réussite : pour asseoir leur suprématie sur le rap new-yorkais « comme le Don Teflon, je dirige New York (50 Cent sur « Get Money ») », pour montrer qu’il sont dans les affaires « Je suis le Don Teflon, toujours occupé » (Tony Yayo sur « Touch The Sky », on vous fera abstraction du reste car c’est vraiment trop mauvais…) ou parce qu’il fallait une rime qui finisse en « on » « Je suis le LeBron du rap, Don Teflon » (Lloyd Banks sur « If You So Gangsta »)
Mais le MC qui fut le plus inspiré par John Gotti reste Kool G Rap. « Money On My Brain », « Letters », « Road To The Riches » ou dernièrement « Teflon Don » avec Necro, la carrière lyricale de Kool G Rap est une ode au gangster. Dès 1989, ce côté plus violent qui arrivait dans le rap et dont il fut l’une des figures à l’époque, Kool G Rap le justifie tout simplement : « j’ai parlé de John Gotti dans mon texte car c’était LE sujet de l’époque » et il le reste aujourd’hui encore. On finira par croire que G de son nom de scène fait référence à Gotti, alors que non.
SALVATORE GRAVANO
Salvatore Gravano, connu sous le pseudo Sammy The Bull, vrai homme de main de John Gotti, est exécuteur hors-pair. Il reste surtout connu pour être celui qui fera tomber John Gotti contre la garantie de profiter du programme de protection des témoins qu’offrait alors la loi RICO. Pourtant, tout avait bien commencé niveau carrière de mafieux pour Gravano, montant les échelons et passant ainsi du simple vol à main armée à tueur attitré. Il acquiert une reconnaissance dans le milieu en tuant Joseph Colucci, un associé de la famille Colombo qui cherchait à le tuer, la base du gangstérisme en somme. A partir de là, Gravano enchaînera une vraie carrière de tueur au sein de la famille Gambino pour se rapprocher au fur et à mesure de Gotti. Gravano deviendra alors le vrai bras droit de Gotti, et planifiera le meurtre de Castellano, le boss de la famille, permettant ainsi à Gotti de prendre le contrôle de la famille Gambino.
Devenu underboss sous Gotti, l’homme ne lâchera pourtant pas la gâchette, et continuera de collectionner les macchabées jusqu’en 1990, en vrai mad dog. Lui aussi se retrouvera souvent devant la barre, mais sera toujours acquitté. L’étau judiciaire se resserrant tout de même, Gravano décide de lâcher Gotti pour être pris en charge par le régime de protection des témoins. Il voit ainsi réduire sa peine en 1994 suite à son témoignage en 1991 contre Gotti. Malgré le viol de l’omerta, Gravano continuera ses affaires criminelles, sous couvert du programme de protection, avant qu’un juge décide de lui nuire définitivement en le condamnant en 2002 à 20 ans de prison. Jamais inquiété, on se dit que derrière sa trahison, beaucoup de monde dans le crime organisé était bien content qu’il fasse chuter Gotti. Aujourd’hui, il purge toujours sa peine et devrait peut-être sortir en 2019, âgé de 74 ans.
Mais dans le milieu rap, Gravano reste avant tout l’homme qui fit chuter Gotti, le traite, la balance : the snitch ! Son passé d’assassin de premier rang reste secondaire, seul est retenu son témoignage contre Gotti, si un texte parle de balance, vous pouvez être sûr que Sammy va s’en prendre une. Dans son trip mafiosi Black Tequila, Ghostface Killah jouait son John Gotti tout en étant en alerte face à son entourage rempli de Gravano :
« Gotti trench men is real brittle, Poconos is where I go with the capos
Eleven Sammy the Bulls, ready to wake those »
Gravano est donc à la mafia ce que Judas fut à Jésus. En 1996, sur le titre « Bring It On » de Jay-Z, Sauce Money nous met en garde sur tous les Sammy The Bull relaxés qui arpentent la rue avec ce double clin d’œil :
« Teflon, make sure your jammy is full
Cause I heard, Sammy the Bull lamps in Miami with pull »
Dans les plus drôles, Big L nous sortait un “I’m not a soprano like that italiano Sammy Gravano/ Mc’s be gettin koncked off like Paulie Castellano”. Ne cherchez pas, dans la première ligne, une référence d’avec la série de HBO, puisque malheureusement Big L est mort un an avant l’arrivée du TV show, il s’agit d’une référence au ton de voix le plus aigu, une subtile façon de traiter Gravano de pussy.
Peu de MC’s osent s’aventurer dans l’autre facette de Gravano. Cam’ron en 2002 sur « Welcome To New-York » rappelait que l’ascension de Gotti n’aurait pu se faire sans Gravano, surtout pour buter Castellano :
« In front of Sparks body Castellano
Block away watch by Gotti and Gravano »
Niveau terrine artisanale, M.O.P. avec le titre « F.A.G. (Fake Ass Gangstas) » ne prenaient pas de gants, le duo conclut la démonstration avec :
« They said their camp was mad deep and they had crazy pull
That little bitch, but now he snitched like Sammy the Bull »
Apathy, B.O.B, Jungle Brother, Swollen Members, Obie Trice (et son fameux « Snitch »), Freeway, le Def Squad ou encore Wyclef Jean, la liste des MC’s ayant pris référence sur Gravano est assez impressionnante. Alors que l’omerta n’est plus qu’une vieille chimère, la rue ne pardonne pas à celui qui fut l’un des assassins les plus accomplis du crime organisé, laissant de côté son CV mortuaire pour ne garder qu’un geste, celui d’une balance. Dernière référence de marque avec le titre de Proof, « Sammy Da Bull » sur une attaque en règle du rap game où les MC’s mentent en rappant qu’ils tuent des gens, jouent les gangsters pour au final s’avérer être juste de grosses balances comme Gravano. Sauf que factuellement, Sammy a vraiment tué un paquet de personnes.
SAM GIANCANA
Derrière cet aspect frêle, se cache un redoutable tueur, connu pour sa capacité à prendre la fuite avec stratégie des scènes de crime. Excellant dans le deal de l’alcool, il devient très vite un personnage important de la mafia de Chicago. Évoluant avec intelligence, il réussit à corrompre toutes les strates de l’appareil politique de Chicago, et même au sein de la police. La plus belle anecdote sur Giancana est l’affaire « Family Jewels » où durant l’été 1960, la CIA tente de le recruter lui et ses mobsters pour planifier l’assassinat de Fidel Castro. Le plan de Giancana est de réussir à acheter les services du médecin personnel de Castro pour qu’il l’empoisonne. L’opération montée avec deux médecins successifs échoue. Mais cette anecdote montre la capacité de Giancana à placer ses billes de façon stratégique, et obtenir ainsi le silence de l’Etat. Il sera le premier à placer de l’argent sur des affaires extraterritoriales en Iran, en Afrique Centrale et au Mexique. Giancana devient trop gourmand, et commence à énerver la famille mafieuse des The Outfit, il est assassiné en 1975 de 8 coups de feu (dont la majorité à bout portant en plein visage). Entre mafia et CIA, le responsable du crime n’a jamais été déterminé. Reste que depuis, le nom de Giancana revient beaucoup dans l’affaire du meurtre de JFK…
En 2006, Akhenathon invite Shurik’n sur « La Fin de Leur Monde », titre qui dans sa conception se rapproche de l’intouchable « Demain c’est loin ». Dans son verset, AKH cite Giancana comme référence de l’Etat corrompu, l’homme ayant réussi à contrôler l’ensemble de l’appareil politique de Chicago, puis au niveau fédéral avec ses dossiers de la CIA : « La République, elle passe ses week-ends en régate / Puis se prostitue de toutes parts pour un airbus ou une frégate / Elle exécute dans une grotte des opposants kanaks / Et mange à table avec des gars style Giancana »
Dès que l’on parle de gangster, il y a Kool G Rap qui va avec. Si le rappeur est moins inspiré par Giancana que par Gotti, il lui fait quelques clins d’œil, que ce soit en feat avec Jedi Mind Tricks (« Animal Rap ») ou avec Rick Ross (« My Life »), arrivant même à en faire son pseudo quand Ghostface Killah l’invite sur le titre « Ghost & Giancana » en 2005. Le G de Kool G Rap est aussi bien une référence à Gotti qu’à Giancana, d’ailleurs, en 2002, il sort son album intitulé simplement The Giancana Story. On comprend alors que le fameux G sert de diminutif à Giancana et non à Gotti.
RICHARD KUKLINSKI
Gros morceau. Et si vous n’avez pas vu le film sur ce vrai criminel, The Iceman, où Michael Shannon incarne ce tueur à gages de la mafia, rectifiez au plus vite votre erreur. Kuklinski avait cette particularité d’être le voisin lambda, un mec bien sous tous rapports, vivant une vie de famille basique sans chercher à faire ressortir des signes extérieurs de richesse mais considéré comme exemplaire et surtout discret, puisque sa propre famille n’était pas au courant de ses activités criminelles. Derrière ce cadre de vie propre se cachait un redoutable tueur à gages, connu sous plusieurs pseudos dans le milieu des mobsters. Iceman, The One-Man Army, The Devil Himself ou The Polack. Broken child comme on dit, Kuklinski vit une enfance qui s’alterne entre un père alcoolique qui passe son temps à le battre et une mère qui l’éduque dans la voie religieuse la plus extrémiste du catholicisme, bref rien de choquant à se dire que dès son plus jeune âge, Iceman passe son temps libre à buter des chats.
Il aurait pu finir directement serial killer comme son jeune frère, qui sera condamné pour le viol et le meurtre d’une fille de 12 ans, mais très vite ses premiers meurtres de « hobby » arrivent aux oreilles de la famille mafieuse DeCavalcante, qui va lui permettre de « professionnaliser » ses « compétences ». Très vite, Kuklinski remonte sur New-York. Connu pour être un traqueur de talents capable de débusquer n’importe qui, n’importe où, il est le vrai prédateur qui voit en chaque meurtre potentiel une proie. Sous les ordres de Roy DeMeo de la famille Gambino, Kuklinski peut totalement se consacrer à sa passion, tuant un nombre incalculable de personnes, innocentes ou non, pendant plus de 30 ans. D’après ses dires : 200 personnes. Pas de modus operandi strict, Kuklinski tue quel que soit le moyen (flingue, poison, étranglement…). Quand d’autres faisaient disparaître les corps en les plongeant dans de l’acide, Kuklinski lui les entreposait dans des congélateurs industriels, d’où le surnom de Iceman. Quelques exceptions tout de même, comme pour Jimmy Hoffa, figure et symbole du syndicalisme américain, qui fut brûlé dans un tonneau, puis ses restes entreposés dans une voiture passée à la broyeuse, pour finir envoyé à l’autre bout du monde, classe et ingéniosité. Arrêté au milieu des années 80, il est inculpé et incarcéré pour 5 meurtres à la peine à perpétuité avec une impossibilité de sortir avant ses 110 ans. Manque de pot, il meurt à 70.
Le rap gardera de Kuklinski son côté tueur à gages à la solde de la mafia, préférant faire abstraction de sa bipolarité et de son profil de tueur en série. Pour rappeler son niveau de lyrics meurtrier, Royce Da 5’9 le prend en référence sur le titre Lyrical Hitman :
“Mobb Deep, like I got Havoc and Prodigy support / Ima’ be dope until they find me as a corpse
You can roll your weed up in my Toxicology Report / You can call me Kuklinsky, Iceman for short
And I got dead rapper’s pens in my Icebox / After they act hard I lyrically kill ’em then I bury their notebooks in my backyard”
Iceman est aussi le titre d’un track de Lloyd Banks, mais après cette fâcheuse comparaison “ My name is Banks, but you can call me Igloo”, nous avons décidé qu’il était irrespectueux de l’intégrer dans les références à Kuklinski, même si Scarface en tant que guest sur le morceau sauve le niveau. On lui préférera donc Cam’ron sur « Leave Me Alone Pt.2 », simple et efficace :
« I spend days on Kawasakis, Nights with Lewinsky
But I’m the like the Ice Man, Michael Kuklinski »
Chez les plus jeunes, Lil Boosie invité sur le « Fuck You Mean » de Meek Mill compare sa bande de fous meurtriers à Kuklinsky : « I’m the leader of the mad max murder team. Ice man conscious and my money is growing trees”.
JOSEPH PISTONE
AKA DONNIE BRASCO
Plus besoin de présenter le plus undercover agent du FBI que la mafia ait connue, immortalisé avec brio par Johnny Depp dans l’histoire qui retrace les 6 ans d’infiltration de l’agent du FBI au sein de la famille Bonnano. D’origine sicilienne, Pistone réussit à infiltrer la mafia en commençant en bas de l’échelle pour devenir le protégé du capo de la famille Bonanno, Dominick Napolitano aka Sonny Black. Pistone va jouer sur les deux tableaux pendant six ans, à tel point qu’avant que l’opération ne soit arrêtée par le FBI, des rumeurs couraient sur la participation de Brasco à certains homicides. La famille Bonanno apprend les faits, et fait tuer Napolitano pour sa bienveillance et son manque de flair. Par la suite, la tête de Pistone est mise à prix mais le mal est fait : les six ans d’infiltration ont permis au FBI de récolter assez de faits incriminants pour détruire la famille Bonanno.
Sorti en 1997, le biopic a été un révélateur d’inspiration. Après Gotti, Donnie Brasco reste la valeur sûre de nos lyricistes urbains préférés, preuve en est avec Oxmo Puccino en 1998, qui dans « Hitman » s’adressait à Pistone « Depuis le film, je sais qui tu es / T’inquiètes pas fiston, je vais pas te buter / Je te jure, je suis pas une langue de pute ! ». De leur côté, Ab-Soul et Fashawn aka Lefty se prennent pour des membres de la famille Bonanno et apprennent qu’il y a un flic en couverture « Who you think your are ? Donnie Brasco ? ». Tandis qu’Ill des X-Men se verrait bien infiltrer de l’entre-jambe façon Pistone « Je suis à la recherche d’espaces vierges à infiltrer comme Donnie Brasco dans la mafia ».
Plus spirituel, Akhenaton prend la référence de Pistone pour régler ses comptes avec les complotistes qui l’accusent d’être un illuminati « Tu dis que je suis un musulman infiltré. Sérieusement, alors je serais un Donnie Brasco et l’islam un gang ». Alors que Salvatore Gravano s’en est pris plein la gueule pour avoir balancé Gotti, Pistone lui a le droit à un certain traitement de faveur. Donnie Brasco est synonyme de finesse, de mise à l’amende avec style. Il reste bien sur quelques rappeurs prêts à dessouder des Donnie Brasco qui se mettraient en travers de leur argent facile, « They make the Bronx look bad !!! » comme le dit 50 Cent.
Il reste encore des personnages de cette époque qui n’ont pas ou peu été exploités dans l’imaginaire gangster du rap. Autre bras droit de Gotti, John Carneglia reste un putain de mobster avec son frère Charles, connus pour dissoudre les corps de leurs victimes dans de l’acide, John aka Johnny Carnegs sera trahi par Kevin McMahon, son fils adoptif. Carmine Galante, connu pour son goût prononcé pour les cigares, fut le boss de la famille Bonanno. Il se fait sortir de l’école à l’âge de 10 ans pour activité mafieuse, et embrasse la carrière de mobster, laissant derrière lui pas mal de morts. Très rancunier, il ira jusqu’à plastifier le mausolée de son pire ennemi et déjà mort, Franck Costello. Ce qu’il n’obtient pas par la reconnaissance, il l’obtient par l’élimination : son arrivée à la tête de la famille Gambino a coûté la déforestation de plusieurs hectares de sapins.
Vincent Gigante, l’un des derniers grands boss, à la tête de la famille Genovese, cet ex boxeur professionnel embrasse une carrière de mobster appuyé par ses frères, il est l’un des cerveaux derrière la diversification des activités mafieuses, et surtout sur la prise en main des réseaux de drogues dès 1960. Les personnages hauts en couleurs de l’air mafieuse des années 70-80 sont un microcosme d’inspiration sans limite pour tous ceux qui souhaitent vivre leurs rêves mafieux par le rap, tout en pointant au RSA. Plus embêtant, elle est surtout la dernière ère de mafiosi de premier plan, les lois RICO ayant fait leur effet, c’est en sous-marin qu’opèrent désormais les familles, plus avides désormais de contrôleurs de gestion que de fines gâchettes.
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