Portrait : I (really) Love Makonnen

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ILoveMakonnen, c’est l’une de ces explosions express que nous livre parfois l’industrie du rap. Et pourtant, tout ne s’est pas passé aussi vite que l’on pourrait le croire…

Petit-fils d’une chanteuse d’opéra, et fils unique issu d’une famille mono-parentale, Makonnen se voit offrir son premier clavier à l’âge de 13 ans. C’est ainsi qu’il commence à composer ses premières mélodies. Très vite, il baigne dans plusieurs types de musique : la pop et le rock tout d’abord, avec l’influence des Killers ou des mythiques Beach Boys, mais aussi la trap music. Comment échapper à Young Jeezy et Gucci Mane lorsque l’on grandit à Atlanta ? Le jeune homme se bâtit ainsi rapidement une culture variée qui va infuser sa musique.

Le temps passe, Makonnen grandit et intègre le lycée. Il traîne avec quelques dealers, fait quelques billets en les imitant… L’artiste n’hésite pas à grossir quelque peu le trait sur cette partie de sa vie, difficile de déceler ce qui fait réellement partie de son vécu, et ce qui n’est que construction de personnage. En parallèle, le jeune homme se passionne toujours autant pour la musique. C’est la période Myspace, et il découvre Lil B et ses 1001 pages.

Makonnen est impressionné par sa productivité, et comprend que plus rien ne le retient pour foncer tête baissée dans la musique. Un rappeur, un home-studio et quelques échanges de mails avec des producteurs peuvent suffire à produire des morceaux sans entrave, tout en laissant libre-cours à sa créativité.

A écouter :
Quand Makonnen donne carte blanche à Andy Milonakis pour réaliser le clip de « Too Much », ce dernier choisit de se balader dans les rues, grimé en clown, et tentant vainement d’apporter un peu de bonheur à la population. De quoi renforcer encore un peu plus le côté triste et forain de Makonnen.

Makonnen va ainsi se mettre à suivre la voie de son modèle et créera même un blog sur lequel il l’interviewera, lui, ainsi que des artistes r&b comme Miguel. Des choix pour le moins significatifs.

Cela n’empêche pas l’artiste de continuer à traîner avec ses compagnons d’infortune… Ce qui donnera lieu à l’un de ses traumatismes fondateurs. Pas question de forcer le trait de manière psychologisante sur ce qui va suivre, mais il ne fait aucun doute que l’événement qui va être décrit a eu un impact fort sur Makonnen, et a marqué un tournant dans sa vie.

A écouter :
Comptine de camion de glace, « I Don’t Sell Molly No More » se voit fichée d’un clip dans lequel la conception de la réalité se déforme peu à peu pour laisser place à un univers bariolé et anormal. Mélodie entêtante et imagerie intrigante, voila de quoi faire d’une curiosité un véritable tube.

En 2009, l’artiste discute tranquillement avec ses amis dans une voiture. La conversation dérape un peu, et sur le siège passager, l’un de ses potes dégaine un flingue et le pointe sur Makonnen. Tout le monde lui demande de se calmer, il s’agit sans doute seulement d’une manière d’impressionner un peu les autres… Le chien est armé, mais l’assaillant finit par baisser son arme. Par mégarde, il laisse glisser le flingue et le coup part tout seul. Dans son propre visage. Paniqué, Makonnen va de suite avertir sa mère. Le jeune homme n’est absolument pas responsable de ce qui vient de se passer, mais sera quand même mis en prison, en attente de jugement.

Le rappeur s’amuse à y fabriquer des têtes de poupées à coiffer. Tout le monde en rit, mais Makonnen est sérieux : un jour, ses poupées seront célèbres. En parallèle, il continue à s’investir dans la musique et les choses commencent doucement à se débloquer. Mike Will lui déclare qu’il apprécie sa musique, mais le super-producteur a un emploi du temps tellement surchargé qu’il a peu de temps à lui consacrer.

Mais Makonnen finit également par rencontrer Metro Boomin : lui aussi commence à avoir du poids à Atlanta, et à devenir un de ces producteurs capables de lancer des carrières.

Les deux artistes collaborent donc ensemble, et on retrouve le jeune producteur sur deux des sept titres de Drink More Water 4, le premier projet d’importance de Makonnen, et celui qui va commencer à le faire connaître à un public plus large. Metro Boomin l’introduit ensuite à Sonny Digital ou à la 808 Mafia, et les collaborations se multiplient. En quelques mois, Makonnen passe du statut de rappeur-blogueur anonyme à celui d’un rappeur collaborant avec les plus grands producteurs de sa ville.

En septembre 2014, il débarque avec le son « Tuesday » : un morceau chantonné décrivant un mardi classique pour lui, du coin de rue au club, dictant son propre rythme à la semaine institutionnelle. L’histoire est connue, Drake repère le titre et en fait un remix, en ajoutant un de ses couplets sur le morceau. Le buzz décolle, les deux artistes se rencontrent, et quelques semaines plus tard, Makonnen signe sur OVO Sound, le label de Drake.

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C’est ainsi qu’il sortira son premier projet professionnel : ILoveMakonnen EP, sa carte de visite pour le monde mainstream. Des morceaux majoritairement chantonnés, une voix naïve, et une sensibilité exacerbée. Des caractéristiques qui, d’une certaine manière, le rapproche d’un Daniel Johnston. Le timbre de voix est similaire, une sorte de fausse naïveté parcoure l’ensemble de leur œuvre, et les deux artistes n’hésitent pas à laisser des bouts d’eux-mêmes dans les morceaux, quitte à citer des personnes qu’ils ont réellement fréquenté.

La musique de Makonnen reste diablement spontanée, et l’artiste semble tout pouvoir se permettre. Il est possible que la drogue (et notamment les champignons, que l’on voit consommer par Makonnen dans un épisode de Noisey Atlanta) aient une influence sur ses créations.

L’artiste semble déjà à fleur de peau au naturel, mais l’usage de stupéfiants paraît le pousser encore plus loin dans cette voie, jusqu’au bout de sa propre personne. Il brise ainsi toutes les barrières en livrant une musique directe, sous le coup de l’émotion. Parfois ça passe, parfois ça casse, mais dans tous les cas, ses techniques de création restent intéressantes car elles nous donnent à voir de véritables instantanés. Makonnen capte des moments et des sensations éphémères pour mieux nous les livrer.

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A écouter :
Trop de taff, pas de temps pour faire la fête le putain de week-end, trouvons un interstice dans l’emploi du temps. Pourquoi pas ce mardi soir ? Glissons nous parmi les faux-semblants, de rouge et de blanc, de mascara et de rouge à lèvres, c’est le même combat. Arborons le masque du fêtard.

Malgré tout, on constate qu’une certaine gravité semble se cacher derrière sa musique qui paraît, aux premiers abords, très ludique et amusante. A l’instar de Philippe de Broca dans Le Roi de Cœur, Makonnen choisit de foncer droit dans la fantaisie pour transcender tout ce qu’il y a de noir dans sa propre vie.

Makonnen ne restera peut être que le chaînon d’un mouvement de rap qui le surpasse. Il est possible qu’il ne dépasse jamais vraiment ce statut et qu’il ne devienne jamais un artiste majeur, mais quoi qu’il se passe à l’avenir, lui et sa petite équipe auront un impact sur l’évolution d’un certain genre de rap, coincés quelque part entre Drake et The Weeknd, le cloud rap et la musique électronique. Affaire à suivre.

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