En août dernier, la grande famille du rap vacillait suite à la bombe lâchée par Meek Milk : Drake n’écrirait pas ses textes lui-même, et ferait donc appel à des ghostwriters. Horrifiés et déconcertés, nous apprenions donc que Drake payait des gens pour écrire des textes de merde… Radinerie ou illettrisme, nous ne connaîtrons jamais la vérité. Plus sérieusement, alors que les deux « artistes » nous offraient le diss le plus gay-friendly de l’histoire, on arrivait à trouver dans le milieu hood du web des gens choqués par cette pratique. Le jour où Mad Skillz écrira ses mémoires, il y en a qui nous ferons des AVC avant la 3ème page du bouquin.
Mais le ghostwriting c’est déjà has-been, pourquoi payer des textes d’un gars quand tu peux directement voler les textes sur les albums d’autres MC’s ? C’est autrement plus hood et gangsta ! C’est un peu ce que s’est dit Task1ne, rappeur de Sacramento, ville connue pour être clairement pas « on the map » niveau HH. Eclipsée par ses voisines San Francisco et Oakland, bien plus à la pointe, la scène rap de Sacramento vit en vase clos : les MC’s stars du coin ne sont connus que par les gens du coin. Adepte des scènes de sa ville et récompensé par les fameux Sacramento Area Music Award, Task1ne, moins con que ses concurrents, a du très vite comprendre qu’à part les 480 000 habitants de la capitale de l’Etat de Californie (alors que LA en compte presque 4 million), il ne risquait pas de faire fleurir ses billets verts ailleurs. Au lieu de se crever le cul à écrire ses propres rimes, Task1ne a donc décidé de jouer son Original Gangsta en allant piquer les rimes d’autres rappeurs de l’underground, un vrai biter (mot anglais, pour précision). Dans sa ville, sans réelle exposition et avec un public local, qui allait donc pouvoir remarquer la supercherie ? Mais voilà, il aura fallu que son public compte un seul enfoiré capable de retenir tous les verses que le rap US ait pu fournir pour que son business se casse la gueule. Pire encore, le salaud publie une vidéo sur Youtube intitulé « Task1ne sells stolen verse » où l’on entend notre entrepreneur malheureux lâcher un a capella qui ressemble mot pour mot aux rimes de ChrisCo sur le titre « Straight Up »…
Pris la main dans le sac, et très loin d’être la moitié d’un con, Task1ne joue la petite fleur innocente « Oh seigneur Dieu (sniff), j’ai eu ces lignes par un ghostwriter, et je n’avais aucune idée de cette malveillance ». On est donc rassurés, comme Drake, Task1ne a eu recours à un fourbe ghostwriter, mais qui au lieu de lui refiler des rimes de merde est allé en piquer à d’autres MC’s. Mais voilà que 3 jours plus tard, une nouvelle vidéo est postée et cette fois-ci ce sont des rimes de rappeurs tels que Diabolic (avec carrément 20 verses de repris), Apathy et Nino Bless rappées par ce pauvre Task1ne, sans doute trompé encore une fois par ce vil ghostwriter.
L’homme n’a même pas le temps d’amortir sa chute et de contre-attaquer qu’une semaine après, le hater anonyme en remet une couche avec cette fois-ci un morceau de Task1ne qui reprend carrément toutes les lignes de la chanson « Good Day » de Sha Stimuli.
Espérant le souffle retomber, et alors que les MC’s et groupes l’ayant eu en featuring sur leur skeud commencent à baliser de la retombée juridique de ce type de pratique, Task1ne se « réseau-désociabilise » du net afin de sûrement reprendre d’autres activités illégales dans la rue. Mais la toile est aussi impitoyable que les rues du ghetto, et des actions de gangster sont menées comme poster « R.I.P. Task1ne Career » sur les réseaux sociaux ou carrément des commentaires accusant Task1ne de plagiat sur sa page vidéo Youtube.
On attendait donc que Task1ne délivre sa vérité en nous expliquant par exemple qu’il avait trouvé les rimes sur le cadavre de membres d’un gang rival qu’il venait de dessouder, ou que les vapeurs toxiques de son atelier illégal de transformation de coke avait endommagé son cerveau en lui faisant écrire des rimes qu’il avait déjà entendues sans en faire le lien. La réponse de Task1ne se résume à une vidéo Youtube emo-fag du nom de « Response »… Au préalable, on s’attend avec un titre comme celui-ci à ce que le mec envoie tout le monde chier en revendiquant son style de gangster voleur. Et bien c’est tout le contraire, Task1ne nous explique à travers cette vidéo, larme à l’œil, qu’il a fait ça pour essayer de donner un coup de boost à sa carrière, que la pression du nombre exponentiel de demande de featurings l’a fait craquer, et qu’il est passé par une phase de dépression. Mais l’homme ne se laisse tout de même pas abattre en prétextant en fin de laïus que le format rap et ses règles archaïques sont inadéquates avec sa vision gangster. Des excuses feutrées qui n’ont pas permis de faire décolérer les principaux plagiés, devenus pour le coup des ardents défenseurs de l’ordre public et de la bonne tenue des règles en société, qui pour autant n’ont pas cherché à le poursuivre.
Task1ne a donc violé l’un des commandements du rap et du judaïsme : « Thou Shalt Not Steal », ne pas voler aux autres. Mais au fond, derrière cette mise à mort, le seul vrai rescapé reste tout de même Task1ne. Alors que les réseaux sociaux et les MC’s plagiés bombardaient les réseaux sociaux d’attaques en règle envers le rappeur de Sacramento, celui-ci s’est retrouvé avec une mauvaise publicité, mais loin d’être inquiété par des poursuites judiciaires, et a réussi par un tour de passe-passe à le transformer en buzz. En temps normal, l’homme aurait été rayé de la carte du hip-hop, mais aujourd’hui, il est toujours présent, et en quelque sorte, son nom est devenu connu du public rap bien au-delà de Sacramento.
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