Après une collaboration l’an dernier avec Le Singe Fume Sa Cigarette, Lomepal et Caballero reviennent en cette rentrée 2013 avec deux projets distincts. Le premier nous offre Cette Foutue Perle, un EP huit titres, et le second balance une mixtape en téléchargement gratuit, Laisse-Nous Faire. L’occasion pour ReapHit de revenir sur le travail des deux compères à travers interview, chronique et live report. Dossier spécial.
Deux petits ronds l’un sur l’autre forment le nombre de titres que comporte le premier projet solo de Lomepal : 8.
Pourquoi vous parle-t-on de rond ? Parce qu’il semble –à l’instar de la pochette de Cette Foutue Perle– que ce soit la forme que Lomepal ait privilégié pour construire son projet. Comme un patron, la forme sphérique (symbole d’infini, de perfection et d’absolu) est une belle métaphore du projet qu’est Cette Foutue Perle.
Cette « perle » gigantesque, présente sur la pochette du disque, possède la couleur de la lune dont elle partage son caractère changeant, lunatique, comme les reflets de la nacre qui la compose. Son aspect lunaire la ramène également à l’eau, changeante aussi.
Il suffit de fermer les yeux et de mettre en route le CD de Lomepal pour avoir la sensation de flotter sur une eau balayée par le vent, à mi-chemin entre ces deux éléments.
Déjà dans « la vague » (présent sur le projet de Lomepal, Caballero et Hologram Lo’ : Le Singe Fume Sa Cigarette) étaient mentionnés la lune et les flots. On se dit donc que le rond et l’eau sont deux composantes essentielles de l’univers de Lomepal.
Mais Cette Foutue Perle est plus que seulement « technique ». Bien sûr, il suinte le travail précis et millimétré, mais il est avant tout un recueil de textes, dans lequel le MC parisien met en rime sa solitude.
Dans ce projet, Lomepal dépose des mots sur des prods de Meyso avec cohérence. Toujours axé sur des thèmes comme la vie au jour le jour, il narre le train de vie d’un homme qui flotte sur le fil de la vie, entre désenchantement et ambition.
Loin du Paris snob et matérialiste, Lomepal se dévoile comme un être curieux et sensible, avide de moments de détente, qui tente chaque jour d’échapper aux forces qui vous aimantent à une vie d’esclave du travail, de la mode, de la société.
Sachez que Cette Foutue Perle s’ouvre sur « Roule », un morceau dont le titre évoque les préliminaires de l’enivrement au cannabis tout en parlant en réalité d’un voyage en voiture. Là encore, on retrouve des références à la forme sphérique. « Roule » donne envie de se prélasser sur une plage de sable fin pendant le reste de nos jours : une sensation plutôt agréable.
Dans « A ce soir », le deuxième titre du projet, Lomepal est accompagné de quelques acolytes (Vidji, l’Essayiste, Jean Jass). Ce morceau aux sonorités plus funk parle de traîner entre potes, « loin des sales trucs gonflants ». Lomepal fait ici honneur à son groupe, qui lui permet d’oublier, le temps d’une soirée les déceptions et la douleur.
Et pour mieux prouver qu’il manie les oxymores, Lomepal enchaîne avec le morceau « Je sors pas ». Amoureux du paradoxe, le MC fustige la solitude qu’il semble pourtant aimer, en ce qu’elle est la source dans laquelle il va puiser son inspiration. C’est là que l’artiste se livre réellement.
Lorsqu’il s’auto-qualifie d’être renfermé sur lui-même, on ne peut s’empêcher de voir en lui quelqu’un qui se protège, une attitude dans laquelle chacun de nous peut se retrouver. Lorsqu’il parle de tristesse et qu’il mentionne une mère en pleurs, on ne ressent pas de la pitié mais du respect.
De même lorsque l’on remarque l’originalité de ces rimes (« clémentine/turlupine », « les fous s’abîment/nougatine »). Ces rimes, recherchées, ont ces deux particularités : elles ne gâchent pas le sens du texte; elles nous font sourire. Que demander de plus ?
Le quatrième titre du projet est éponyme. Il s’agit de « Cette Foutue Perle ».
Dedans, l’artiste va à rebrousse-poil du titre précédent et semble se rebeller contre sa propre modestie. Après avoir écrit « à domicile, j’écris des p’tits textes en vite fait », il assume un morceau plus egotrip en ordonnant « j’veux qu’on m’donne tout c’que j’aurai dû avoir » et se justifie « moi j’ai bossé dur, j’ai mes preuves à l’appui/J’atteindrai l’bout du rêve et j’le mérite, vu qu’j’me tue 7 jours sur 7 à d’créer cette foutue perle ».
« Coquillages », lui, est un morceau doux et aquatique. « Odyssée », « tropiques », les mots de Lomepal renvoient au fantasme d’une vie dans laquelle se la couler douce est tout à fait possible. Seul le bruit des vagues à la fin du morceau réussit à nous faire sortir la tête hors de l’eau après ce track onirique. Le flow de l’artiste y est volontairement lent et pesant. Il nous fait pourtant nous sentir léger…
Dans « Les battements », encore une fois, le MC va à contre-courant du titre précédent.
Dans ce morceau, le flow de Lomepal est plus rapide et sa voix, plus vive. Décorés de bruits de klaxons et mis en images dans un clip où l’on retrouve beaucoup de membres de la communauté hip-hop parisienne, les mots de l’artiste frappent les esprits au bon endroit.
Après « Les battements » et son excitation, « Citroën » nous plonge dans une promenade nocturne. Lomepal y raconte comment son âme vagabonde lorsqu’il rentre de soirée. Ce morceau dépeint de manière très réaliste la fatigue d’un quotidien parsemé de divertissement hebdomadaire. Après avoir bu, entouré de son groupe d’amis, chacun rentre seul et traverse Paris dans le froid de l’hiver. Le chemin du retour dégrise. Après des soirées entre amis que l’alcool rend presque irréelles, il faut de nouveau affronter le métro, la saleté, la précarité, la pluie, la réalité.
Clôturant ce magnifique projet, le morceau « Ville fantôme » (en featuring avec le noble Espiiem) appuie sur le sentiment de solitude que l’on peut ressentir dans nos sociétés individualistes. Ici, le silence est central. Lomepal et Espiiem décrivent une vie dans laquelle le vide y est tellement grand que l’on ne « sent plus son cœur », et que l’on est « seul tout comme un jeune loup ».
En résumé, le dernier projet de Lomepal est un disque abouti, qui plaira à tous ceux pour qui la « quête du sens » est un plaisir. Humble et travailleur, Lomepal a encore de quoi nous épater. En attendant, Cette Foutue Perle nous comble tout à fait.
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