House Shoes est une figure musicale emblématique de Détroit. Il côtoie Guilty Simpson, Phat Kat ou encore Black Milk à la fin des 90’s-début 00’s. Début mai, il annonce la sortie inédite en vinyle de la première mixtape de Danny Brown, Hot Soup (2008). Celui qui depuis cinq ans est exilé à Los Angeles semble donc conserver une certaine nostalgie du pays natal. Le grand public n’associe pas pour autant le nom de House Shoes à la musique de Detroit, loin de là ; beaucoup ne l’associe même à rien du tout : l’homme reste en effet assez méconnu. Et pourtant, au fil de ses collaborations, le DJ et producteur croise la route de Slum Village et gagne l’amitié de J Dilla.
ReapHit a déjà évoqué plusieurs fois la mythification qu’a connue Jay Dee après sa mort. Si bien qu’en quelques années, on a vu fleurir grand nombre de titres suivis de la mention « (Prod. by J Dilla) » et en concert, la jeune génération ne manque plus jamais de saluer feu James Yancey. Et bien, il n’est pas impossible que House Shoes ait fortement contribué à ce phénomène et il est probablement l’un des plus légitimes quand il s’agit de lui rendre hommage (il ne s’en prive pas).
D’une part, parce qu’il connaissait bien J Dilla. Il le rencontre en 1994 alors qu’il travaille chez Street Corner Music, un music store de Detroit. Après quelques temps, il le voit créer « Get A Hold » en dix minutes, et se dit qu’il n’a jamais rien entendu de tel. Ancien disquaire, House Shoes connaît bien la particularité des supports de diffusion, et s’intéresse notamment aux vinyles et cassettes. En 2012, à l’occasion de la sortie de son album, il s’exprime au sujet de l’évolution des formats : selon lui, la musique ne peut pas être que virtuelle, un disque dur ne vaut pas une vraie discothèque.
Pourtant, en 2008, c’est d’abord en digital qu’il sort The King James Version vol. 1, mixtape originale sans l’être tout à fait : House Shoes fait un tour dans la vinylothèque de Dilla, en tire des sons originaux auxquels il apporte sa patte créative. Le résultat est parfois surprenant, mais la démarche mérite d’être soulignée. Le projet du producteur est de mettre en avant la diversité du champ d’inspiration de King James (« From jazz, to soul, to moog and electronica and more[…]« ) à partir de la matière première (« Taken from all orginal vinyl. No youtube rips. No mp3s. None of that bullshit« ). Six ans plus tard – une preuve peut-être du travail abattu – House Shoes sort le volume 2 de The King James Version ; vinyles différents, même référence religieusement disséquée. Un troisième volet devrait sortir incessamment.
La relation du DJ à la musique semble en effet presque sacrée, en ce sens que ce n’est pas un objet sur lequel on transige, ce qui explique sa distance avec l’industrie musicale « classique ». Son motto : aller chercher, créer, faire découvrir la musique qu’il aime – hip-hop ou non – et qu’il considère comme la seule valable. Prétentieux ? Oui et non, puisque House Shoes ne se limite pas à un seul genre musical ; seule la qualité lui importe, autant que le fait de la partager avec le plus grand nombre (raison probable de son intérêt pour le digital, alors qu’il semble tant attaché à l’objet physique). Observez plutôt : en 2013, il lance la série « The Gift », nom sous lequel il lâche à bonne fréquence des mixtapes dont les auteurs sont plus ou moins connus (souvent autant que lui). Toutes sont à disposition sur son site, et en écoute sur son Soundcloud.
A ce jour, il y en a huit au compteur ; ou plutôt neuf, mais la dernière n’est pas chiffrée et simplement intutilée The Gift : The Jay Dee Unreleased EP (House Shoes Records 1997). Ce n’est pas le neuvième volume de la série, non, l’unicité du produit étant bien soulignée dans le titre. La mention « unreleased » est d’ailleurs utilisée de façon abusive, puisque si cette mixtape contient bien des travaux de Dilla, ils ne sont pas à proprement parler inédits : des disques furent pressés à la fin des années 1990, mais à moins de 3000 exemplaires (tous vendus très rapidement) ; pour la petite histoire (relatée par House Shoes lui-même), la moitié des vinyles pressés comportait un défaut. Voilà pourquoi il refait faire surface à cet opus, en réalité agrégat de travaux signés Dilla. Toujours cette envie chevronnée de partage.
On ne sait pas combien de mixtapes House Shoes sortira de son chapeau pour garnir sa série « The Gift » ; probablement autant que son nez de dénicheur de talent lui en indiquera. Et vu le flair du bonhomme…
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