Apathy – Connecticut Casual

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Un album d’Apathy, c’est comme une pochette surprise. T’as ton lot de merdes, mais aussi ton lot de bonnes choses. Par contre, à la première écoute, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Est-ce une marque de fabrique pour Apathy ? A en croire son dernier solo, Honkey Kong de 2012 et l’insulte musicale que fut Demigodz sur Killmatic (un vide lyrical et musical à la limite de la grossièreté pour les propriétaires The Godz Must Be Crazy), c’est en tout cas dans sa philosophie. En partant de là, on ne peut donc pas se plaindre de se retrouver avec un prochain album mi-figue mi-raisin du natif du Connecticut. On serait, bien sûr, pas contre une cartouche pleine comme le fut Eastern Philosophy, son premier album.

Certains pourraient se demander à quoi bon attendre une sortie d’Apathy, si ces albums sont en demi-teinte de façon constante depuis Wanna Snuggle. On leur répondra juste qu’Apathy est certainement l’un des MC’s les plus complets actuellement en activité. Il n’est pas le meilleur lyriciste, il n’a pas le meilleur flow, mais quand Apathy prend le micro ça donne des moments d’anthologie, comme « 9 to 5″, « 1,000 Grams », ou plus récemment le cultissime « Check To Check » sur Honkey Kong, qui marquait déjà une forte fierté à représenter le Connecticut.

L’homme a un charisme, une présence musicale qui hypnotise et renforce la curiosité à chacune de ses sorties, un putain de vrai delivery, des skills de gros bâtard, et ce, malgré de fortes appréhensions sur la qualité… Connecticut Casual est donc le quatrième album et surtout un album hommage à son Etat, le Connecticut, sous fond de piraterie, de prostitués à mycoses et de vieux barils de scotch frelatés. On se dit que la thématique lui étant très chère sentimentalement, on risque donc de se retrouver avec un album plus proche de Eastern Philosophy pour la qualité qu’un Wanna Snuggle

Alors le Connecticut, c’est quoi exactement ? Situé au Nord Est des Etats-Unis, cet Etat semble avoir tous les critères d’un gros Etat tout pourri, ayant comme plus grande ville Bridgeport, et comme spécialité les villes très pauvres et les fameux casinos qui vont bien avec (histoire de mieux visualiser, prenez la série The Killing version US, on en est pas loin). Hommage à la pauvreté et aux hommes dignes, une vision fraternelle dans un désert de misère sociale, Apathy se sert de ce mix entre détresse et espoir pour redorer le blason de son Etat (ou le rendre moins terne).

On aurait donc aimé se balader avec Apathy dans ce Connecticut et connaître l’effet grand huit d’un constat souvent effrayant mais toujours plein de fierté, prendre son kiff sur des histoires de vieux marins alcoolos qui ont autant de chances de crever de la syphilis que d’une cirrhose du foie. Malheureusement, ce nouvel album est un Connecticut sans espoir en terme musical…

Pas besoin d’aller s’immerger très loin dans l’album pour sentir le fail, l’embarcation avait de la gueule sur le prospectus, mais rien dans le pantalon. Le titre éponyme met directement la barre très basse, on coule déjà à pic, avec un sample des Red Hot Chili Peppers mal aligné sur une instru sans relief. Si l’idée de départ était de construire l’album sur des instrus aussi vides que les caisses du Connecticut, alors on ne pouvait rêver meilleur aboutissement. « Back in New England » suit le même chemin, on a un Apathy raccord sur sa thématique et un beat qui insulte nos oreilles.

Quand t’arrives au rez de chaussée, t’espère pas finir au quatrième sous-sol. Et bien accrochez-vous bien, car l’ultime daube de l’album arrive avec un tribute à Martha Moxley, jeune fille de 15 ans assassinée en 1975 et dont le meurtre n’a été résolu que très récemment, sur un sample complètement niaiseux de George Michael (on peut croire que la pauvre malheureuse eusse été fan de l’artiste, mais de là à faire ce genre de purée pour un hommage, autant ne rien faire). Je ne sais pas si la famille de Moxley appréciera ce nanar musical, mais tout auditeur qui se respecte lâchera sa larme – non pas pour le RIP, mais bien pour le bifton perdu pour posséder cette chose… A ce niveau, on se demande ce que l’on fout sur ce putain de bateau pirate qui sent fort le bois pourri et la voile bouffée par les mites, on finira par baliser sur la fuite d’eau dans la cale déclenchée par « The Grass Ain’t Greener »…

Dans cette misère musicale, cet océan de bruits, on aurait pu finir crevé dans une impasse bien glauque de Brideport, mais heureusement, quelques sons viennent remonter le niveau. Peu, certes, mais quand même (on crèvera donc aux urgences, et non dans la rue). Et c’est directement dans la thématique de la cover où l’on va trouver certains de ces morceaux de bravoure. Une pochette axée piraterie, et cela tombe bien, puisque le sujet est remis au goût du jour avec les séries Black Seal et Crossbones, sur nos écrans.

On se dit alors que comme les 2 séries, l’album a quelques débuts laborieux avant de prendre son envol… « Don’t Give Up The Ship » sent la bonne vieille haleine de pirate après une bonne cuite dans un bar à putes du vieux port, « The Curse Of The Kennedys » est un solo de capitaine au piano aussi lugubre que les cales de son navire. « Jack Ruby » a tout du soleil des Caraïbes capable de faisander en moins de 5 minutes les restes de pirates échoués sur une plage de sables fin et…ah bah non, plus rien. On pourra toujours trouver refuge dans des sons plus communs comme « Beefin’Over Bitches », « The Grand Leveler » ou le plus AOTPien « Underground Chick », mais ça sera par pitié, loin d’un bon boulet de plomb dans la gueule de l’équipage adverse…

On aurait bien aimé voyager sous l’étendard d’Apathy, mais le capitaine est loin d’avoir le pied marin, la boussole musicale est complètement déréglée. Ça rame dans les cales, et même les canons lyricaux d’Apathy semblent être en carton. Entre tangage et relent, on a du mal à s’imaginer aborder un navire de la garde royale avec ce genre d’arsenal. Avant même d’avoir quitté le port, v’là-t’y pas que le Connecticut Casual se viande contre les falaises au même titre que son capitaine Apathy. Un ridicule plus cuisant que le Costa Concordia…

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