Se réveiller un matin de l’année 1992, et signer à même pas 20 ans dans l’un des plus grands collectifs du rap US : Gang Starr Foundation. Arriver dans les bacs deux ans après avec un premier classique The Sun Rises In The East, réitérer l’opération 2 ans plus tard en lâchant Wrath Of The Math, enflammer les débats presque 20 ans après pour savoir lequel des deux est au-dessus… Vivre la belle vie, être reconnu, être dans le cercle des élus comme NaS et O.C., avoir le qualificatif de légende accolé à son blase, regarder le game de haut, puis tout détruire…
S’embrouiller pour des raisons obscures avec Primo et Guru, se lancer dans une traversée du désert, sortir en 1999 Heroz4Hire en pensant que la renommée suffit, se planter, connaître l’échec, se retrouver esseulé. Passer une décennie supplémentaire dans le noir, enchaîner échec sur échec (Divine Design en 2003 et Still Rising en 2007), ne revoir la lumière que par la nostalgie, ne remplir des salles de concert que sur le passé, survivre par la malédiction d’une discorde. Garder la tête haute, croire en soi, s’asseoir, prendre un stylo, poser ses lignes, attraper un micro, et essayer 20 ans après son premier classique d’exister : Jeru The Damaja – The Hammer.
Un nouvel EP de Jeru, c’est autant de frissons que de retrouver son premier schlass papillon : on sourit, et puis on a un peu peur que la lame soit élimée ou oxydée. On ouvre le truc, et on essaye de se rassurer comme on peut en se disant que d’une part, on ne pourra se trouver avec une qualité proche de ses deux premiers albums, et que d’autre part, faudrait vraiment chercher la merde pour réitérer les mêmes choix que sur Divine Design et Still Resign. On se rassurera encore plus en voyant les crédits des productions : PF Cuttin et Large Pro. Rien qu’avec ces deux noms qui imposent le respect quand ils touchent les manettes, et en rajoutant un petit feat des Beatnuts, on ne peut pas finir en se vautrant dans un mur, l’epic fail n’est donc d’emblée même pas envisageable !
On ne va pas s’attarder sur ces conneries d’intro et d’outro, ou de skit digne d’un bouffeur de graine à la sauce végétarien taoïste, et on va se concentrer sur le concept de l’album. L’homme n’a pas changé et son ennemi de toujours non plus : le consumérisme et autres Puff Daddy. Le monde n’a pas évolué à ce niveau, au contraire, nos cerveaux lobotomisés sont désormais contrôlés par The Corporation qui nous insère dans les oreilles du wack son, fait par des wack MC’s bouffeurs de côtes de bœuf. Pas bien donc, et tel un djihadiste de la musique, Jeru vient nous péter les oreilles à coup de masse microphonique, tout en respectant les principes végétariens qui sont les siens.
On se planque et on s’en veut d’avoir écouté un jour par inadvertance Riff Raff ou autres Rick Rosseries, tonton Jeru est remonté, et on sent qu’on va se prendre une rouste d’entrée de jeu sur « Point Blank » mais malheureusement, l’homme ripe sur notre joue comme un poivrot à 6 grammes 7. L’instru enlève tout sérieux à la démarche, le côté post-apocalypse musicale à coup de bruitages électroniques année 80, on dit non (Jean Michel Jarre a fait assez de dégâts…).
Seul point positif, un Jeru qui tient la cadence et qui est dans son élément de soldat en guerre contre l’industrie, mais qui ne score pas avec ce premier morceau. On peut refuser de bouffer de la protéine animale, mais faut envoyer du pâté un minimum. Et il ne risque pas de rattraper le retard sur l’étrangeté qu’est « So Raw » , tel le poivrot qui n’a pas compris qu’il vient de se ramasser par terre, l’homme se redresse pour brasser de l’air. Encore une fois, le Jeru reste plutôt intéressant, mais la boucle du beat, c’est juste interdit.
Le troisième morceau donne enfin du bagout à cette merde. Bien accompagné par les deux acolytes des Beatnuts, Jeru est bien plus à l’aise sur ce type de beat plus simple, même si l’on note de la part du producteur une certaine aversion à nous foutre des sons synthétiques comme pour « Point Blank » qu’il a dû aussi produire (ayant peu d’information sur qui a produit quoi, on suspectera Junkyard Ju). Après, objectivement, quand on a une affiche comme Jeru et The Beatnuts sur un morceau, on s’attend à autre chose qu’un son potable…
Par contre, pas de soucis pour flairer le salaud derrière l’instrumental de « Solar Flares » , l’inoxydable Large Professor est une putain de mère Térésa du hip-hop en distribuant au plus nécessiteux du caviar musical. Avec un single de cette gueule, le Jeru vient taper fort et il peut nous lâcher toutes ses conneries scientifiques, on bouge la tête comme des gros sados adeptes de bastos dans les dents. On clôt l’EP avec « The Hammer » qui tape encore dans des trips au synthé, mais cette fois-ci c’est plutôt réussi, une bonne conclusion pour une bataille qui commençait mal.
The Corporation, cette saloperie de machine à lobotomisation musicale, peut commencer à trembler. Jeru is back, et il va taquiner du wack avec sa massue microphonique. On lui recommandera quand même d’y aller sévère d’entrée de jeu, car avec un EP qui débute comme une gifle au gant, on se dit qu’il ne va pas aller loin dans son trip. Par contre, si l’homme se bouge et nous livre un LP dans la même veine qu’un « Solar Flares » , on prendra plaisir à voir du wack MC chialer comme à la belle époque car pour le moment, ils continuent de se marrer, même avec cet EP…
Disponible sur iTunes.
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