Ça sent bon le détergent et les draps parfumés à la lavande en ce dimanche matin. Rien d’étonnant pour l’un des événements culturels les plus attendus de l’année au sein de cette maison retraite : le bingo animé par Diamond D. Et pour cette année, le Diamond est venu avec son The Diam Piece et une liste d’invités plus fous les uns que les autres, de quoi faire monter mamie aux rideaux. Pour l’occasion, on a réglé les pacemakers en mode économie d’énergie et augmenté la dose de codéine dans les cachetons. De là à ce que ça finisse en bal guinguette version Marc Dorcel, il n’y a qu’un pas… Par contre, pour ceux n’ayant pas atteint le 3ème âge dans le rap, il est fortement conseillé de fuir directement cette session bingo à la Diam Piece…
Dans ce registre, on a pu redécouvrir des artistes tels que Rampage the Last Boyscout, Bas Blasta, Terror Green ou les demos sessions de Kurious. Mais quand on parle d’unreleased ou de lost tapes, il est indéniable que celle de NaS, sortie en 2002 lorsqu’il était sous encore sous contrat avec Columbia, reste un grand classique du genre, au point que cette compilation d’oubliés arrive même à détrôner certains de ses albums officiels. En cette année 2014, ce n’est pas la version 2 des The Lost Tapes de NaS qu’on vient vous présenter – puisque sur ce point, sa sortie risque de ne jamais arriver, suite à un désaccord entre NaS et Columbia – mais plutôt un lot de sons du groupe The Legion laissé de côté, lors des sessions de finalisation de leur premier album pour l’essentiel. Histoire de marquer le coup, The Legion a baptisé ce condensé du fameux The Lost Tapes, à voir maintenant si le contenu mérite ou non cette appellation.
The Legion, ça ne parle pas forcément à tout le monde. Pourtant, leur début derrière le mic remonte à plus de 20 ans : créateurs du concept Krill Fusion de Krazy et Ill, Chucky Smash, Molecules et Cee-Low font partie de la grande famille du rap underground new-yorkais. Pour ceux qui se souviennent de leur premier album de 1994, Theme + Echo = Krill, The Legion c’est du solide, et surtout du rap de rue dans sa version la plus primaire. Proches de Dres des Black Sheep, les hommes ont navigué avec les plus grands : Showbiz, Buckwild, Gangstarr Fundation et Dj Premier, AG ou encore Chi-Ali, de quoi avoir les ressources nécessaires pour faire de la bonne dope urbaine.
Figurant dans la liste des chanceux ayant eu le privilège d’enregistrer au sein du D&D Studio, le travail abattu n’a pourtant pas été récompensé par un succès retentissant. Aujourd’hui, l’album reste une pièce de collection, et son acquisition demande un certain investissement, entretenant ainsi leur réputation. Theme + Echo = Krill comme seule trace discographique sur long format, The Legion n’a jamais retenté l’aventure d’un second LP, préférant le format 12 inch lâché au gré du temps. Le groupe ne se considère pas pour autant en retraite mais juste en pause, encore actifs aujourd’hui, The Legion prépare d’ailleurs un nouvel album sur le label Ill Adrenaline Records et histoire de solder les années passées, le label nous propose cette Lost Tape.
Merci à Ill Adrenaline Records de leur avoir enlevé les doigts du trou de balle, tellement cela aurait été honteux que ces tracks restent à jamais dans l’anonymat. The Lost Tape par The Legion, c’est un putain de condensé de tracks raws qui vous brisent les os à chaque BPM. Réparti en 14 saloperies alternant vieilleries et dernières fraîcheurs, l’album offre autant d’armes possibles qu’une usine désaffectée dans le cadre d’un bon vieux combat de rue. Dès les premières notes et lyrics de « Straight Flow » , la violence est telle que le free fight passe pour un programme jeunesse ou un after work de plumeaux.
Un rap de trottoir où se mélangent douilles de colt, seringues usagées et chiens morts, que l’on retrouve tout le long de l’album, que ce soit en format Posse Cut avec E-Dub, Ralo Square et Droopy Dog sur « On the Arrival » ou sur le vraiment pas Pink Floyd « Freestyle Demolition » . Kendrick Lamar peut remballer ses problèmes de demoiselle en fleur et s’enfoncer un kilo de roaccutane dans le colon, The Legion pointe le mic en mode fusil à pompe, et même quand ça semble un peu festif comme sur « Stereo » tu sais que tu ne lèves pas les bras pour l’ambiance, du Buckwild pour la production avec un petit clin d’œil à Black Rob.
On retrouve sur The Lost Tapes, « Caught Up » lâché en 12’’, « Revenge » produit par le seul et unique Showbiz en 1998 et « Sky’s The limit » de 1997 (initialement sorti sur un vinyle de Dresdes Black Sheep), ça fait certes moins perdu, mais c’est tellement bon qu’on s’en bat. Dans les nouveautés, on retiendra « For You » sur un pitch vocal de Biggie et un instru plus aérien que le reste, un aparté qui nous laisse présager qu’un nouvel album aurait sa place dans le rap game actuel.
The Lost Tapes version The Legion respecte la tradition du guet-apens musical à base de coup de tournevis lyrical dans la trachée artère. Le genre de trésor caché qui sent la radiation et qui te liquéfie tous les organes au fur et à mesure des écoutes. Une vraie bombe alliée dans un putain de champ normand prête à vous refaire le portrait. Las de négocier le prix de leur premier opus sur les sites de diggin ? Venez donc vous refaire une santé avec cette sélection que l’on doit en grande partie au travail de leur nouveau label Ill Adrenaline Records.
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