Comme la paume d’une main d’un chauffeur poids lourd qui s’abat de toute sa force sur la figure, on reste incrédules, dans l’incompréhension, à la limite du déni. Cette mort aussi brutale que son œuvre nous rappelle que rien n’est immortel. On se sent désarmés alors on fait ce que l’on sait faire, rendre hommage en musique à celui qui durant plus de deux décennies à donné ses lettres de noblesse au rap made in Queensbridge, mais surtout au rap tout court. 10 tracks symboliques en l’honneur d’Albert Johnson.
Mobb Deep – Peer Pressure
Trop trash, trop violent ou carrément trop avant-gardiste, les débuts de Prodigy au sein du Mobb Deep sont un échec appelé Juvenile Hell. Posture inconfortable des médias et label, 4th & B’way Records, incapables de gérer l’émergence de leurs débuts, l’album dérange. Pourtant avec le temps, on y trouve un bon mix entre raw lyrics et boucle funky à l’image de « Peer Pressure », on y redécouvre un Pee avec un flow complètement diffèrent, mais il manque cette touche unique du Mobb Deep : la patte musicale d’Havoc et le slow flow de Prodigy. Juvenile Hell fut un mal pour un bien.
Nas, Raekwon & Mobb Deep – Eye For An Eye (Your Beef Is Mine)
1994, The Infamous, la vraie genèse : l’album préféré de ton mc préféré, la bible des beatmakers depuis plus de 20 ans. Ambiance, delivery, vision musicale, tout y est. Dur de choisir un track parmi cette mine d’or, alors pour rappeler que Prodigy n’est pas juste un membre de Mobb Deep mais bien un des meilleurs mcs que le rap ait pu compter, il suffit de réécouter « Eye For An Eye », violence à l’état brut, pour se rendre compte qu’il n’a rien à envier à des monstres comme Raekwon et Nas. Au panthéon des meilleures collaborations du rap US.
Nas feat Mobb Deep – Live Nigga Rap
1995, Nas, en pleine préparation d’It Was Written, doit se rendre à l’évidence que le Queensbridge se partage avec les Mobb Deep, un album plus mainstream, ok, mais pas sans rappeler sa place dans l’underground. L’histoire veut qu’Havoc ait fait écouter les maquettes du 3ème album des Mobb Deep et qu’à l’écoute de « Live Nigga Rap », le prodige ait tout fait pour l’avoir sur son album. 3 têtes pour une couronne, Prodigy montre encore une fois qu’il reste intouchable en termes de lyrics de bitume crade.
Big Noyd featuring Prodigy – Recognize & Realize (Part I)
Il y a Mobb Deep et il y a la famille, cette même famille présente depuis le 1er jour, les gars que tu ramènes sur ton premier clip, « Peer Pressure » : Killer Black (RIP), Big Twinz, Illa G et Big Noyd. C’est à ce dernier que Prodigy va rendre sa reconnaissance en posant sur l’inusable « Recognize & Realize ». La collaboration est précise, tranchante et létale. Big Noyd explose les bpm et Pee s’incruste toujours au panthéon des mc’s.
Mobb Deep – G.O.D. Pt. III
Hell On Hearth, le classique des Mobb Deep même si The Infamous n’a pas à le jalouser, cet album est le sommet artistique du groupe. A cette époque, personne n’ose critiquer Pee, le mc casse n’importe quelle bouche au micro, « G.O.D. Pt. III » en est le meilleur exemple, la concurrence se résume à quelques mcs : Nas, Raekwon ou Ghostface Killah. Objectivement, Prodigy n’atteindra plus ce niveau et la cause principale est clairement liée à sa maladie mais aussi à une nouvelle génération de mcs qui dès 1997 va venir augmenter le niveau de mceeing.
Prodigy – Genesis
2000, Prodigy passe par la case solo, s’armant du jeune prodige Alchemist qui avait travaillé sur le 4ème album de Mobb Deep, Murda Muzik. H.N.I .C. se veut plus sombre et plus introspectif, c’est le cas notamment avec « You Can Never Feel My Pain » ou « Veteran Memorial ». C’est l’époque des boucles de piano qui vous foutent le bourdon, couplées avec les lyrics crasseux de Prodigy, vous obtenez l’anthologique « Genesis ».
Prodigy – Young Veterans
Il y a Havoc et il y a Alchemist dans le code génétique de Prodigy. Le premier lui a ouvert la voie, le second a pris la relève pour ne plus lâcher les rênes. Stratégie ou vrai feeling, Prodigy a toujours su s’entourer du producteur qu’il lui fallait. Si les Sid Roams font une entrée fracassante sur HNIC Pt. 2, Alan est toujours là pour faire sortir le meilleur de Pee.
Tick Tock – Alchemist feat Nas & Prodigy
Que Nas soit le premier à avoir annoncé la mort de Prodigy n’a rien de surprenant, l’histoire de Prodigy est liée à celle de Nas et vice versa. Derrière les périodes inimitié et de diss se cache un profond respect des deux hommes aux origines très similaires. Ce respect, on le retrouve au travers de leur collaboration durant 20 ans. « Tick Tock », sur le premier album de The Alchemist, en est la parfaite représentation.
Prodigy & The Alchemist Feat. Roc Marciano – Death Sentence
Sûrement l’album le plus sous-estimé avec Product Of The 80’s, Albert Einstein est le dernier témoignage d’un des duos les plus qualitatifs du rap US : Prodigy & The Alchemist. « Death Sentence » est la parfaite symbolique de passation de pouvoir entre deux générations, d’un côté Pee en Godfather et de l’autre Roc « Mancini » Marciano en parfait prétendant au trône. Ne jamais oublier qu’avant les Marciano, Conway, Westside Gunn, Vic Spencer et autres Hus Kingpin, il y a l’original : Prodigy.
Havoc x The Alchemist – « The Gun Holds A Drum » (feat Prodigy)
Il fallait une dernière symbolique pour boucler la boucle. Sans s’en douter, l’album The Silent Partner marquera la dernière apparition d’un trio qui aura marqué nos années rap : Havoc et The Alchemist featuring Prodigy. Ce n’est certes pas leur meilleur morceau mais en le réécoutant aujourd’hui, on a comme une boule au ventre, l’impression d’un vide, on aimerait reprendre cette formule conne que ce sont les meilleurs qui partent en premier, mais cela n’apaisera pas ce constat : reste en paix Albert Johnson, tu nous manques déjà.
« Rip that nigga you know,
R.I.P your soul just lift up and (get away)
uh huh yeah you out of here nigga
I’ll see on that other side bye nigga »
Prodigy – Get Away
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