Chaque année en France, un évènement soulève les passions et produit, à notre grande satisfaction, des tweets d’anthologie. L’année dernière c’était l’Euro, cette année, ce sont les élections présidentielles. Bien que le foot nous offrait une bonne excuse pour traîner dans les bars et consommer toujours plus de boissons alcoolisées, la campagne nous permet tout de même quelques marrades devant les débats entre candidats, débats se rapprochant dangereusement de mauvais Rap Contenders entre MC’s mal préparés et en manque d’inspiration.Avec Larry, à la vue de cet incroyable tweet d’Alkpote, on s’est dit qu’on pourrait nous aussi participer à cette campagne en rappelant toute la beauté de la victimisation des politiques, par le rap français. Un genre de tour d’horizon de la victimisation des candidats et non-candidats aux élections présidentielles. Après le DefJamOmètre, on vous présente le Victimomètre.
Mélenchon, le punchlineur épargné
Retenu vainqueur du Grand Débat par plus d’un média généraliste, le candidat du parti très street cred’ « La France Insoumise » est sûrement, avec celui qui se place en tête de ce Victimomètre, le plus rappeur de tous les hommes politiques. Si sa « grande gueule » est revendiquée par Smolik, et que Jo Hell le qualifie de gourou devant ses disciples, il ne récolte pas vraiment de punchlines vicitmisantes, seulement quelques phases dubitatives, bien qu’il ait commencé la politique bien avant même la création de NTM. On peut même entendre, au détour d’un Rap Contender, une louange à ses engagements : « Lui dans la street, j’y crois ouais, comme Mélenchon qui milite pour l’patronat ». Mention spéciale pour Jean-Luc et son sens tout naturel de la punchline bien sentie.
Francois Fillon, candidat des mafiosi ratés
Crapuleux et fou de flouz, il est un genre de mauvais Tony Montana, un méchant incapable de ne pas se faire attraper, et pourtant assez culotté pour se présenter à ces présidentielles. Même s’il partait plutôt bien, entre détournement de fonds, conflits d’intérêts, emplois fictifs et mensonges éhontés, ce qui lui octroie un beau potentiel de victimisation, il n’inspire pas tant de punchlines ravageuses. Bien sûr, il y a bien l’univers de Sadek, « large comme le fion de Francois Fillon », et la détermination de BlackYayo : « Si j’croise la femme à Francois obligé je la mets, dans le Fillon ». Mais les références au candidat des embrouilles de ces présidentielles se limitent à ses lois de 2003 ou à la ressemblance de son nom avec l’orifice anal. C’est décevant, certes, mais il faut croire que le rap, en grand seigneur, ne démonte pas un adversaire déjà plus bas que terre. Félicitations au rap français et avertissement travail à François pour ce potentiel si négligemment gâché.
Macron, victime en devenir
Celui qui se présente comme le rookie du game politique partage avec le rap certaines valeurs, comme l’ambition assumée et les excès de cocaïne. Entre réinterprétation (ratée évidemment) d’IAM à Marseille et lancement du banger politique le plus drôle de l’année avec « C’est notre projet », le candidat des médiats fait du pied au rap avec une maladresse caractéristique. Mais le rap ne s’abaisse pas vraiment à lui rendre pour l’instant, et c’est tout à son honneur. Cependant, Médine, qui ne veut pas se payer le costard de Macron mais lui tailler, ou DBRZ dans sa Poignée de Punchlines, commencent à montrer la voie pour les années à venir. Gageons donc que ce n’est que le début pour Emmanuel, qui engrange déjà un beau potentiel de victimisation, à confirmer à l’avenir. On a hâte.
La place Beauvau, vivier de souffres-douleur
Dans le 8ème arrondissement de Paris se trouve un foyer intarissable de potentielles victimes, qui ne faillissent jamais à leur réputation. « J’te parle de ces glaires, que je lâche sur Hortefeux ou Guerlain » ; Brice H ne vaut pas mieux qu’un raclement de la gorge de Soprano, qu’un one shot de Sniper bien chargé. Et, alors que Zekwé appelait tous ses blédards à traverser « l’océan pour (le) tarter », Vald balance des « concepts concert genre foncer dans le fossé en criant nique la grand-mère à Claude Guéant ». Sans oublier, bien sûr, le plus beauvauïsé des présidents de la république, dans le viseur affuté de Booba : « Quand ma Lamborghini est sale j’appelle Sarkozy pour un coup de Kärsher ». Si aucun d’entre eux n’est candidat cette année, ils nous rappellent qu’on a toutes les raisons du monde d’être impatients de connaitre le nom du prochain ministre de l’Intérieur, rien que pour les punchlines que ce poste nous offre. Déloyaux, spécialistes des actions aussi petites que Sarko sans ses talonnettes, ils sont loin d’être premiers sur le rainté, et pourtant ils accumulent un beau palmarès.
Jean-Marie et Marine, victimes de père en fille
Le Pen : entre le père et la fille, c’est sûrement le nom de personnalité politique le plus référencé en rap français. Deux générations de haine fasciste, et au moins autant de clashs, du hardcore au conscient, de Despo Rutti à Hugo Boss. Les Svinkels appelaient à crever « l’deuxième oeil de Le Pen pour qu’il voit moins d’arabes », Mac Tyer lui accordait volontiers sa condition de « sale porc », que Seth Gueko pousserait bien du haut du toit. Et on leur accorde volontiers la fidélité à l’adage « La piraterie n’est jamais finie », puisqu’après Jean-Marie, c’est Marine qui se présente pour ces présidentielles. Digne héritière, la fille est même encore plus tordue, et le game le lui rend bien. « Dites à Le Pen que j’la baise » ; Sinik annonce la couleur, faites passer le message. Lyricistes ou punchlineurs, beaucoup fantasment de voir sa tête blonde couverte d’un jihab et de sa propre haine, ou, comme Nekfeu, tatouée sur des fesses pour les claquer très fort. De punchlines très sales en morceaux conscients à la Diam’s, le duo de fachos est victimisé minutieusement et jusqu’à ce que le filon soit presque épuisé. Si les Le Pen sont, sans aucun doute, bien plus qu’un détail de l’histoire de ce rap jeu, ils sont pourtant trop mauvais pour mériter les plus belles punchlines.
Valls, le p’tit teigneux que tous détestent
Si les ministres de l’Intérieur constituent des proies de qualité, Manuel Valls est le plus martyrisé de tous. Même Sarko peut en être jaloux, et souffrir quand Lino « pique Valls comme une poupée Vaudou ». Victimisé par Sadek ou Joke en passant par Gros Mo (« Tes discours puent la chiasse, j’confond ta bouche et ton fion »), la violence verbale est à l’Etat pur. Comme si ça n’était pas suffisant, il a eu la mauvaise idée d’être maire d’Evry au début de sa carrière, ce qui lui vaut d’être le souffre-douleur d’une des machine à punchlines les plus vénères de l’Hexagone ; Alkpote. En 2009, le rappeur des Pyramides affirmait déjà : « Je danse une valse avec ta femme sale bâtard de Manuel », et 7 ans après, balançait « J’tire comme Val Kilmer, Manuel Valls qu’il meure » sur une instru reggaeton d’inspiration très espagnole. Particulièrement détestable et détesté, Manuel Valls est une formidable source de punchlines, et, rien que pour ça, on lui octroierai presque les félicitations du jury, d’autant plus que son éviction des primaires lui offre une indéniable condition de victime. Courage Manu, t’y es presque.
Christian Estrosi, sur-classé chez les poids lourds de la politique
« J’ai aucun diplôme comme Christian Estrosi, mais j’vais devenir maire comme Christian Estrosi », c’est pour ce refrain qu’Infinit et Dj Weedim se sont retrouvés devant un juge, pour diffamation, et finalement relaxés par le tribunal correctionnel de Nice en juin 2016. Ici, on atteint un niveau assez remarquable. Notons la performance : le « motodidacte » s’auto-victimise, la rime était même pas pernicieuse. En fait, c’est tout à son honneur, dans l’idée, de passer de champion de mobylette à maire d’une ville toute-équipée (de caméras).
Ni ministre ni véritablement puissant et encore moins candidat, il se retrouve dans le trio de tête de ce classement ; mention encouragements pour le jeune Christian, level up.
Francois Hollande, l’intello à lunettes dans la cour des grands
Responsable d’un quinquennat particulièrement productif de bavures, racisme et autres vomitifs, « Flamby » n’a pourtant d’intéressant que le blaze. Homme politique en voie de disparition et évidemment pas candidat de ces présidentielles, il fait une victime remarquable. En effet, les punchlines en son nom sont rares mais parlent d’elles même, entre le « J’ai reçu un appel d’un certain monsieur Hollande, je me suis demandé « Mais qui était-ce ? » » de Sneazzy et « la bitch fait sa Francoise Hollande, je lui dit de partir mais elle en redemande » de Damso (faut croire que sa réputation traverse les frontières). Caché dans les jupes de Valls, on l’entendrait presque gémir : « Vous pouvez pas me frapper j’ai des lunettes. ». On lui colle un bel avertissement comportement, parce que, cette victimisation quasi-maximale, c’est quand même pas moral.
De Lesquen, grand perdant d’un combat de titans
Etant l’un des seuls hommes politiques à pouvoir prétendre au titre d’adversaire du rap jeu, il possède, c’est indéniable, un sens certain de la punchline et de la provocation. Bien qu’il ne soit pas candidat officiel aux présidentielles, il ne lâche pas le morceau pour autant et continue à suivre l’actualité politique : « Macron ne cesse de corriger Marine Le Pen. On voit qu’il a l’habitude de gérer des vieilles ». La punch aurait pu sortir de la bouche des MCs les plus chauds des Rap Contenders de la grande époque. Plus haineux que les Le Pen et plus opportuniste que Macron, le dirigeant de Radio Courtoisie affirme vouloir « bannir la musique nègre », « chargée de sexualité » et s’adressant « au cerveau reptilien ». Par musique nègre, il entend, entres autres, le rap, « sous-musique primitive » qui « libère l’homme sauvage qui est en nous » (sûr qu’il a copié sur Kalash Criminel sur ce coup là, un comble). Et, s’il affirme que « le rap mérite notre mépris », ce dernier le lui rend bien, et répond encore plus fort, par un Musique Nègre d’anthologie. Quelle meilleure réponse que celle-là, face à tant de bêtise fascisante ?
A défaut d’être crédible politiquement et respectable humainement, il est la star de ce victimomètre. Pourquoi ? Parce qu’après seulement un an d’existence véritable dans le paysage médiatique, il a déjà un classique et le dégoût de l’ensemble du rap français à son actif. Une victimisation pleine et entière, dans les règles de l’art, qui le place en tête de ce classement des victimes. Félicitations du jury pour ce cher Henry.
On ne saurait vous conseiller un quelconque comportement électoral pour ces présidentielles, et n’affirmerons qu’une chose : quoi qu’en disent les médias mainstream, Mélenchon n’est pas la machine à punchline haïe par les uns, adulée par les autres. Non, le rap français est sans aucun doute le grand gagnant à ce jeu fascinant qu’est la victimisation des politiques. « Si j’étais plus clair, je serai président de la République » ; d’ailleurs avec Larry, en bons ratpis, on ne croit qu’en Kopp et on votera pour lui. Izi.
Share this Post
- Avec « Nuit », Jazzy Bazz s’illustre face à l’insomnie - 17 septembre 2018
- « A Vif » : Kery James reste fidèle à lui-même - 30 mars 2018
- De l’afropop à l’afrotrap, l’Afrique à la croisée des genres - 5 mars 2018