Une semaine après avoir sorti son premier album, le rescapé de la MZ s’affiche bien fébrile, affalé sur son lit d’hôpital. Et pourtant ces clichés ne sont que le fruit du Big Daddy Jok : la combinaison d’une concrétisation épuisante, d’une vulnérabilité assumée et d’un égotisme créatif.
Après une séparation digne des Feux de l’Amour, celui qu’on surnommait le « Patron de la MZ » est resté fidèle à son producteur Davidson malgré les rumeurs et les indéfectibles critiques du rap français. Et tant pis pour Dehmo et Hache P qui tentent chacun de leur côté un semblant de projet perso, ils ne pourront pas rivaliser avec Jok’air. Cet album marque une véritable transition dans sa carrière, synthétisée par la chanson éponyme dont l’egotrip à la MZ ne masque pas le progrès de l’artiste solo. Plus on avance, plus le chant prend de la place sur le rap et cette harmonieuse polyvalence est le bilan de judicieux cours de chant. Quelques fausses notes ayant plus d’audace et de tempérament qu’un auto-tune, Jok’air se dédouane ainsi de son passé pour revenir à une authenticité certifiée.
Alors qu’il nous avait déjà prouvé sa volonté de jouer avec d’autres styles dans un remake édulcoré de Bonnie and Clyde avec Monsieur Madame et Ibrahim Maalouf, Jok’air ne cesse de prendre des risques relativement bien payés. Bien qu’il ne soit pas novice dans ce rap game, il lui faut trouver un nouveau public réceptif à sa plume actuelle. Celui qui veut « séduire la ménagère » tout en restant fidèle à son image de kickeur effronté enchaine les featurings : S. Pri, Chich, Zayra, Hayce Lemsi et fera prochainement partie du Grand Cru de Deen Burbigo.
Il a ainsi dû troquer son gun pour des envolées lyriques fleur bleue et chante sa nostalgie pour la love story d’Oxmo et de K-Reen. Jok’air, ce fan inconditionnel de Mylène Farmer, serait-il devenu un grand sentimental ? Que tous les insensibles et autres rageux se calment, il n’a pas pour autant perdu son flow incisif mais l’a plutôt amélioré en y rajoutant une sincérité décomplexée.
Jok’air est certes efficace dans plusieurs styles différents mais il reste à une étape intermédiaire entre cicatrisation et algarade. S’il maitrise le trash complaisant « Je suis avec mon squad on nage comme des putains d’squales dans la mouille quand ta putain s’doigte », sa volonté de confesser ses désillusions sentimentales suscite autant d’empathie et d’échec que sa situation amoureuse « Elle l’ignore mais je l’aime toujours, seul dans mon lit j’attends son retour ». Promis il y aura du sale et de la zoulette mais de l’audace et de l’amour avant tout.
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