Hippocampe Fou

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Le Rap Aquatique. La formule créée il y a quelques années est désormais consacrée. Hippocampe Fou fait partie des artistes que l’on suit de près depuis un bon moment. C’est avec un réel plaisir que nous retrouvons notre hurluberlu devant une assiette de frites dont seules les brasseries belges ont le secret. Attablés au milieu d’un décor kitsch et rassurant fait de caniches roses et de militaires en costumes d’époque, nous démarrons l’interview. Retranscription.

ReapHit : Depuis notre dernière rencontre, il y a eu pas mal d’éléments marquants, et un gros coup d’accélérateur pour le rap aquatique. On va commencer très logiquement par ton premier vrai album Aquatrip sorti en octobre dernier. Avec un peu de recul, comment s’est passée l’expérience, de la réalisation à la commercialisation ? Quelle pression, quels choix, et quels retours en as-tu eu ?

Hippo : Le label 30 Février a aidé à nous produire et nous médiatiser en Belgique au moins, et c’est grâce à eux aussi qu’on a sorti l’album en physique. On l’a réalisé dans les règles de l’art comme on pourrait dire, et avec une certaine liberté. Les engagements au niveau du timing avec le label ont été respectés. On attend le premier anniversaire de l’album pour connaître ses véritables retombées et pour pouvoir en parler, mais en tout cas on l’a fait, et on y a pris beaucoup de plaisir. Je suis intermittent du spectacle, et l’idée c’est pas forcément de faire plein de sous, c’est déjà de le rester.

La faune et la flore sont des thèmes récurrents dans tes textes. C’est une forme de soutien aux causes environnementales ? Ou alors c’est une façon moderne de singer les humains comme La Fontaine ?

Hippo J’suis un citadin, mais j’ai une sorte de fascination pour la vie rurale et puis la nature en général, même si je n’ai pas ça dans mon quotidien. Mais pour la petite histoire, étant petit, j’ai gambadé dans les montagnes et ça m’a ouvert cette voie de la zénitude que tu retrouves au milieu du calme de la nature. Après tu peux faire une sorte de parallèle avec le milieu aquatique qui est très calme et silencieux. J’trouve ça très apaisant, l’eau ! J’me rappelle qu’à une époque j’avais un masque et un tuba, et je restais des heures à flotter juste relié à l’extérieur par le tuba.

Céo : Inédit, inédit !

Hippo : Après j’avais des grosses grosses bronchites !
Je donne des traits d’animaux aux humains et des caractères humains à des animaux. Le côté instinctif et brut des animaux me fascine !

« Une crise de la trentaine, je ne sais pas,
déjà à 20 ans j’étais nostalgique de ma jeunesse… »
Tu continues d’affiner l’univers que tu t’es créé. Et si on met de côté  » Le dindon », le premier extrait diffusé a été « Rétroman » . Le visuel de la pochette, fait quant à lui penser à un univers inspiré d’un 20 000 Lieux sous les Mers futuriste, à la SteamBoy. Tu nous explique ce délire, rétropunk ? C’est une mini-crise de la trentaine ?

Hippo : Ça c’est plus le côté vestimentaire, scénique mais même si y’a de l’imaginaire et de la caricature, on est assez près de la réalité. La plupart des textes qui sont dans l’album sont assez proches de la réalité. J’peux passer des heures à marcher dans des ruines. Pompéï, j’y suis resté trois heures, mais, j’ai tellement kiffé que j’aurais pu rester là deux mois entiers à marcher et m’imaginer la vie des gens qui vivaient là. J’suis dans une sorte de nostalgie fantasmée, parce que j’ai pas connu ces gens et que leurs vies étaient sans doute dures, à moins d’être l’empereur, mais du coup j’imagine que je voyage dans le temps.

Une crise de la trentaine, je ne sais pas, mais déjà à 20 ans j’étais nostalgique de ma jeunesse. J’ai passé une belle enfance, j’étais insouciant et puis à partir d’un moment j’ai un peu grandi, et les choses de la vie font que tu prends un coup.

Deska : On perd une part de magie.

Hippo : Donc l’idée c’est de rester dans cet esprit, de garder une part de magie dans les textes. On arrive dans une salle qui sent un peu la javel mais quand on lance le truc, avec la musique, les déplacements sur scène, on joue avec le public et on imagine qu’on est sous la mer. Y’a des poulpes et tout ça.. Viens c’est génial !

Céo : Soirée pyjama !

Tu n’as intégré aucun feat à part Céo, logique. C’était une volonté de t’approprier à fond ton premier album? De pouvoir développer seul ton univers sur un long format ?

Hippo : Céo est mon partenaire de scène, donc c’est la moindre des choses de l’avoir intégré à l’album. Tous les textes sont de moi – mis à part celui de Céo bien évidemment – mais après, musicalement, c’est un mélange de savoir-faire. « J’sais pas rouler » est produit par Deska et Céo, et c’est aussi le principe sur les autres pistes. L’idée de l’album, c’était ça ! Tout en ayant une cohérence, il fallait approfondir et explorer les abysses, sur le plan perso aussi. Le principe, c’était de mélanger mes mots avec plein de rythmes et de couleurs musicales. C’est pour ça qu’on retrouve beaucoup de monde. Goomar, Vax1, Deska, Céo, MaDJestyk, Lex Blends, AbstraKestra… Dès que tu veux faire du story-telling et emmener les gens dans un univers spécifique, si tu veux faire des feats, c’est difficile parce l’autre artiste doit s’imprégner de l’univers, prendre le même champ lexical et ressentir un peu la même chose que toi.

Tu as à l’origine une formation ciné, tu t’investis toujours autant dans tes clips, on le ressent vraiment avec la mise en image du « Marchand de sable ». Comment s’est passé le tournage ? Et ce choix de réalisation ?

Hippo : Le cinéma, c’est ma première passion, et c’est vers ça que menait ma formation universitaire, mais il est difficile d’être devant et derrière la caméra pendant le tournage. Par contre, pour toute l’élaboration, le contenu des plans et même pendant le montage, je donne mon avis au maximum pour ne pas avoir de regrets après, et puis aussi pour m’approprier l’oeuvre. C’est plus ou moins comme si j’étais co-réalisateur et co-monteur à chaque fois.

Pour « Le marchand de sable », on s’est dit avec le label qu’on allait faire un clip avec plus de budget. J’avais quelques idées. J’avais vraiment en tête l’idée du mec sur son lit qui voit sa femme fantasmer sur des ombres. J’ai recontacté l’ombromane Philippe Beau avec qui j’avais déjà bossé pendant mes études. Et David Freymond dont j’avais vu le super boulot. Quand tu arrives à créer une collaboration entre deux artistes et que ça le fait grave, c’est super !

« J’ai envie de faire un projet un peu plus concis, type mini-album, et de m’investir plus dans la composition et les arrangements. »
Tu as intégrés dans ton set live Deska en DJ, qu’est ce que ça t’a apporté ?

Deska : Au départ, ils n’avaient pas de DJ. Je pense que c’est cool d’avoir un mec derrière pour dynamiser l’aquashow. Le milieu dans lequel j’évolue c’est plus le deejaying en équipe (ndlr : Deska est Champion du Monde DMC par équipe 2013). C’était pas évident au début parce que le show était déjà existant mais j’essaie d’apporter un côté technique que tu retrouves pas forcément ailleurs. On communique entre nous sur scène.

Hippo : On est encore en train de développer tout ça.

Deska : On a appris à bosser dès le début alors que ça faisait deux semaines qu’on se connaissait. Maintenant on est potes et ça se passe super bien entre nous !

Céo : Et ça se ressent, je pense, parce qu’on dit des conneries sur scène comme on dirait dans la chambre d’hôtel ou ailleurs.

Tu as réussi à t’imposer dans un circuit plus institutionnel, pas mal de festoches alors que ces entités sont parfois réticentes au rap. Qu’est ce qui t’a facilité la tâche ? L’univers visuel travaillé, ou les contacts ?

Hippo : C’est encore le balbutiement, même si ça fait un moment qu’on fait des vidéos et des scènes, mais y’a que 5 ou 6 mois qu’on commence à être médiatisé via d’autres supports que le net. Les visuels ça a aidé, et puis après ça s’enchaîne grâce à certaines apparitions. Une fois que tu passes sur un support, que quelqu’un parle de toi et que ça touche d’autres gens, ça s’étend peu à peu.

On se voit aujourd’hui en Belgique avant ton passage sur scène. A part Grems, c’est quand même pas banal pour un rappeur français de venir se faire connaître chez nos voisins.. Tu as un gros public belge ? Qu’est ce qui t’a poussé à les visiter souvent et qu’est ce que tu en retires ?

Hippo : On a eu la chance de faire de très gros festivals en Belgique. On en a fait pas mal avec Céo. On a fait Dour avec Deska. On commence à connaître les différents coins, que ce soit Liège, Bruxelles, Dour. En tout cas, le public belge est toujours réceptif et chaleureux.

Il y a quelques années de ça, Diam’s se prenait des bouteilles, des fruits et des légumes dès son premier morceau sur la grande scène de Dour. Dour c’est tout ou rien. L’accomplissement ou le lynchage. Sur la vidéo on peut voir pas mal de monde danser, chanter et même te backer. Comment ça s’est passé? T’as un truc pour que les gens entrent dans ton univers?

Hippo : Ça s’est super bien passé! On a joué dans l’après midi sur la plus grosse scène du festival et les gens devaient sortir de leurs tentes encore bourrés de la veille, mais on a eu un bon accueil.

Deska : Il faisait beau et chaud.

Hippo : Pour un concert qui avait lieu à 15-16h, à la fin les gens étaient assez bouillants. Il devait y avoir 5% du public qui connaissaient notre délire mais tout le monde a joué le jeu.

Deska : Ce sont ces concerts-là où on apprend le plus, quand le public ne nous connaît pas. On fait un truc assez participatif.

Céo : On a des points de rendez-vous.

Deska : Ouais ça c’est pour le côté visuel. On arrive détendus. Entre les morceaux, on parle avec le public. On partage. On essaie d’être assez dynamiques mais on intègre les réactions du public. Y’a souvent de l’impro dans les transitions déjà prévues entre les morceaux.

T’es un rappeur avec une sacrée technique et une personnalité toute particulière. Et en même temps t’hésites pas à défricher et à pousser les limites établies vers le cartoonesque. Est- ce qu’on peut s’attendre à de nouvelles surprises ? Comme des clips, de nouveaux thèmes abordés, de nouvelles connexions ?

Hippo : J’ai envie de faire un projet un peu plus concis, type mini-album, et de m’investir plus dans la composition et les arrangements.

On te laisse le dernier mot, tu voudrais dire quoi aux lecteurs?

Hippo : J’ai lu un commentaire sur ReapHit, concernant les Casseurs Flowteurs, un poil négatif. Je voulais dire que moi j’ai bien aimé ! (rires)

Place à l’aquashow ?

Deska : Ouais, faut venir nous voir en live!

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