« Jamais parti, mais toujours de retour ». La phrase est d’Oxmo, mais l’esprit est à Kery, tant ces quelques mots résument à eux seul la carrière d’Alix Mathurin. La fin d’Ideal J, sa conversion à l’islam, la mort de Mehdi, le succès grand public et son plus récent jeunisme assumé ; depuis 1990, Daddy Kery multiplie les carrières et les parcours, presque aussi tourmentés que le principal intéressé.
Il y a quelques mois, le vétéran nous annonçait avec Vivre ou Mourir Ensemble un huitième album solo. Depuis Savoir et Vivre Ensemble, le ton s’est visiblement durci, mais la plume et la revendication restent chargées de bonnes intentions. Malgré le retour aux sources, vendu jusque dans le titre du projet, on a prit ça pour un énième changement de direction artistique. Et la sortie de « N’importe quoi » nous a donné raison. Conforté dans notre idée, on s’est rappelé qu’on avait beau avoir grandi avec Kery, cela faisait quelques année que l’on en attendait malheureusement plus grand chose. On l’a revu faire des jonglages sur un terrain en scandant un hymne à la gloire du 94, se revendiquer « Dernier MC » avec un album à oublier. Un tour gratuit ? Très peu pour nous merci, on a déjà donné.
Et puis il y a eu « Racailles ». Un morceau surprise, quasi hommage, tant il fonctionne sur les mêmes ficelles stylistique que le classique « Hardcore ». Exit le Kery des meetings de Ségo, la foi en l’idéal républicain, les bons sentiments dégoulinants, les « on n’est pas condamné à l’échec » scandés à tout bout de champ. L’heure n’est plus à l’éveil des consciences, mais de nouveau à l’expression brute d’une frustration réelle et quotidienne. Un discours anti-système sincère, sans trop de prises de risque, tant ce genre d’idée s’est aujourd’hui généralisé, qui a surtout le mérite d’arriver au bon moment. A un an de la campagne présidentielle française, les médias généralistes ont saisi l’occasion d’associer de nouveau rap et revendication populaire dans leurs colonnes. L’Obs allant jusqu’à parler d’héritage contestataire. Un titre qui, sans révolutionner le genre, aura grâce à la visibilité acquise de Kery James permis de ramener à sa manière ces idées dans le débat médiatique. Les plus hardcore fans d’Idéal J trouveront que tout cela manque un peu de violence urbaine, mais comparé au niveau de politisation générale du rap français actuel, Kery a de quoi passer pour un révolutionnaire.
Avec « Musique Nègre », il revient cette fois sur les immondes polémiques ayant envahit l’espace public, politique et médiatique ces dernier(e)s mois années. De Guerlain à Henry de Lesquen, en passant par Adama Traoré, les « grosses lèvres les plus célèbres » décryptent le jeu de la division et simplement, se dressent contre la négrophobie banalisée. Accompagné de Youssoupha et Lino, les flows sont d’origines, les plumes garanties. De grosses frappes lyricales pour une association classique mais efficace. Derrière la caméra, Leila Sy use du même stratagème que sur « 12ème Lettre » pour coller l’auditeur à son écran, et la découverte du clip se mue peu à peu en un véritable jeu de « Qui est-ce ? »
En cinq titres, grâce à une ligne directrice cohérente et un choix de singles intelligents, Kery James a réussi à nous fait attendre Mouhammad Alix plus que de raison. Un retour en grâce annoncé pour la fin du mois. En espérant retrouver cette énergie et cette homogénéité de thèmes sur l’intégralité du projet, verdict le 30 septembre.
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