6ix9ine, la résonance des cris

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Date de Sortie : 23 Février 2018

Label : ScumGang Records / TenThousand Projects

Featurings : Tory Lanez, Young Thug, Offset, Fetty Wap, A Boogie

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Depuis quelques années, avant de lancer l’écoute de l’album, on vient parfois à se poser ces questions : dois-je prendre ça au sérieux ? Au même titre que n’importe quel album de rap ? Les verrous de la légitimité ont sauté depuis bien longtemps. Chez 6ix9ine, la question s’est posée dès la sortie du premier titre. Le personnage en fait trop. Il débarque au moment où une flopée de rappeurs outranciers et gueulards grignotent du terrain. Mais quelle réalité derrière tout cela ? Comme d’habitude, c’est celui qui parviendra à nous faire croire un minimum à son histoire qui l’emportera, même si celle-ci n’est pas totalement réelle.

On pourrait écrire des tartines sur ses apparitions publiques, ses embrouilles, et sur la gestion de son embryon de carrière, en oubliant presque de parler de sa musique. Mauvais signe ? Pas forcément, tant les jeux de communication finissent par faire partie de l’œuvre de certains rappeurs actuels. De quoi rappeler les systèmes interconnectés de l’art contemporain. Avec un public en plus.

A l’inverse des Migos, qui ont sorti le gargantuesque Culture II au début de l’année, 6ix9ine fait le choix de la brièveté. DAY69 dure 27 minutes, en comptant deux versions différentes du single, « Gummo ». Et au vu de la violence de son style, ce n’est peut être pas plus mal.

DAY69 a la puissance déséquilibrée d’un gros shot dans un bar crasseux. C’est agressif – voir même régressif – mal dosé, de mauvais goût. Même les effets choisis dans les clips semblent tirés par les cheveux. Mais ça fait son effet ! 6Ix9ine s’arrache les cordes vocales tout au long de l’album, jonglant entre des cris rentrés et d’autres qui s’étalent sur la mesure. On ne peut pas dire qu’il dispose d’une multitude de tours dans sa manche, mais ceux qu’ils proposent semblent efficaces, même pour un public qui a vu plus d’un prestidigitateur tenter de se barrer avec la caisse.

Il y a quelque chose de très convenu dans cette manière de faire du rap en 2018. Aller toujours plus loin dans la représentation de la violence. User de tics sonores qui vont forcer l’auditeur à prêter l’oreille. Ces mêmes tics que dénonçait OG Maco après le succès de « Bitch U guessed It » il y a quatre ans ! Basses saturées, mélodies simplistes mais entêtantes, hurlements, déferlement de testostérone. Il semble que la recette fonctionne toujours, malgré les avertissements.

Tous les pièges sont réunis. Et pourtant, par instant, cela fonctionne réellement. Peut être parce car, bien malgré lui, 6ix9ine parvient à ramener l’énergie qui a fait le succès de quelques rappeurs cultes avant lui, tout en la mixant avec une imagerie totalement contemporaine.

On reste à des années lumières d’un disque comme Flockaveli, tout aussi violent, mais qui avait encore le mérite d’être assez révolutionnaire – dans le traitement des voix notamment – mieux incarné, et beaucoup plus diversifié. Mais ce DAY69 remplit amplement sa mission sur le moment. Peu de chances qu’il traverse les âges, mais il parviendra à truster un peu de temps d’écoute par un grossier passage en force, dont le tout monde semble conscient, mais qui fait presque partie de la démarche artistique. Une voie qui paraît presque dangereuse à suivre pour le rap tant elle a fait du mal à d’autres formes d’art, mais qui en dit aussi beaucoup sur son époque.

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