Annoncé à grand renfort de clips concept et de génie marketing, Vald vient de sortir l’un des projets les plus attendus de ce début d’année. Génial, fou, inaudible ou en manque total de groove, au sein de la rédaction les avis fusent, et l’album ne laisse personne indifférent. Profitant de l’émulation régnant autour de ce projet, chacun voulant donner son avis, proclamer son amour inconditionnel ou déclamer sa haine, nous avons souhaité, plutôt que de se risquer à figer sur papier un jugement tranché, vous présenter 5 chroniques pour autant de points de vue sur Agartha, le premier album de VALD.
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Valentin, tout est pardonné – Florian
Je ne pensais pas réécrire un jour sur Vald. Il faut dire que j’ai prédit sa chute il y a maintenant trois ans. A la sortie de NQNT, décu par des instrus génériques, un personnage grand-guignolesque et une direction artistique ratée, je me pourfendais, galvanisé par une nuit blanche aux doux relents de Jack, d’une chronique assassine, récit d’un attentat manqué. Le personnage était bien trop grand pour la petite case dans laquelle le projet tentait de l’enfermer.
En 2015 sort « Bonjour », et à grands coups de niquage de mère, Vald confirme son appétence pour l’absurde et le burlesque tout autant que pour les concepts. Avec un clip sous-titré en cinq langues (dont le mandarin et le langage des signes) qui culmine à 12 millions de vues, le rappeur d’Aulnay-Sous-Bois devient un phénomène de société, scandé aussi bien en manif que dans la cour de recré. Sur tous les fronts, Valentin continue d’exploiter ses bonnes idées, et avec « Selfie » propose trois visions d’une même romance. Ode à la niaiserie sur Youtube, au hardcore sur Youporn. Avec « Urbanisme », il confronte cette fois les générations au sein d’un même espace clé, le quartier. Pour « Eurotrap » enfin, il crée un clip vierge, tourné sur fond vert et livré à la créativité de tous. Vald surprend, amuse, énerve, mais réussit son coup. Créant un rap instantané. Une œuvre d’art contemporaine plus proche de la performance one shot que du classique indémodable. Vald fait parler.
Mais, et c’est là le plus intelligent, loin de s’enfermer derrière une esthétique léchée et des refrains populaires, Vald réussit à merveille à rappeler que sa filiation première est à chercher du coté de l’Empereur de la Crasserie, plus que dans la Bande à Basile. Enchaînant les featurings avec AlKpote et Biffty, ou les apparitions dans les clips de Lino, Kery James ou Sofiane, Vald jongle avec le meilleur des deux mondes.
Jusqu’à sortir il y a quelques jours l’un des projets les plus attendus de l’année. Pour ce premier album, fort de cet aura nouvellement acquise, Vald nous prend une nouvelle fois à contrepied. « Un jour dans une église y’aura ma gueule en aquarelle » nous scandait-il en 2011. Six ans plus tard, c’est tout le vitrail que nous dévoile l’aulnaysien. Le Sullyvanisme devient sainte religion, et les fidèles se pressent à la messe. Mais avant même d’en disséquer le prêche, c’est bien la qualité de réalisation de l’album qui impressionne le plus. La qualité du mix, la varité d’adlibs, et le travail effectué sur la voix du rappeur à de quoi laisser pantois. Les productions parfois difficiles à assimiler laissent le champ libre au trublion pour faire exploser ses démons. Si bien que VALD peut tout se permettre. Hurlements, story-telling à quatre voix, flow malmené, vocoder criard et variations de beats, tout fonctionne et on ne peut rester totalement indifférent face à la prise de risque et à la liberté artistique que représente ce disque.
Loin de céder à la facilité d’être un « Bonjour » x17, Agartha se révèle étonnamment varié. Et si l’album n’a réellement Ni Queue Ni Tête, il réussit pourtant à être cohérent. La gestion de son rythme y est d’ailleurs à ce titre remarquable. L’auditeur passant sans mal de « Megadose » à « Je T’aime » et de « Strip » à « Kid Cudi ». Entre les morceaux surexcités et les low-beats éthyliques, Vald trouve sa cadence.
Loin d’être à prendre au second degré, l’album nous offre quelques belles fulgurances. Et il n’est pas compliqué de se retrouver au détour d’une rime, bluffé par un enchaînement d’assonances ou de punchs bien placées. Valentin se joue du double discours et se délecte de l’ambivalence de son personnage, distillant ça et là une dimension plus profonde à ses textes, réussissant à apporter un angle social pertinent. Oscillant constamment entre paroles délirantes et revendication sérieuse, Vald réalise l’un des albums de rap conscient les moins chiants depuis longtemps. Conscient de son époque, tout du moins. Car elle, Vald l’a parfaitement captée. Même lorsqu’il s’amuse à créer sa déclaration d’amour avec « Je t’aime», il ne peut s’empêcher d’y ajouter véracité et détails trash, transformant une prise de risque en l’une des plus belles réalisations de l’album.
Sur les 17 titres de Agartha, Vald chante, Vald rape, Vald crie. Sur des beats compliqués, l’aulnaysien s’élève au dessus de la mêlée, réussissant ainsi l’exploit de fédérer des publics pas nécessairement habitués à ce type de sonorité. 1 heure et 8 minutes durant lesquelles Vald nous absorbe. L’écoute de l’album se termine sourire aux lèvres, le plaisir d’avoir apprécié un ovni et la ferme conviction qu’il n’y avait que Vald pour le réaliser. On ne pourra s’empêcher de revenir très vite au royaume d’Agartha, participer à la grande messe, et réentendre le prêche. Après tout, cette fois l’histoire aura peut être changé, et qui sait, pour 80 balles, on pourra peut être lui glisser.
De l’obscurité à la crasse – Thomas
Espèce de Didier Super du rap web 2.0, dernier enfant illégitime de la tecktonik, Vald aurait pu être le plus beau symbole de Lens si seulement ses parents avait été frère et sœur et qu’il n’était pas d’Aulnay sous-bois. Mais c’est sur le rap que ce matheux bien sur tous les angles va jeter son dévolu et créer ce personnage aussi burlesque que provocateur.
Agartha est donc son premier album studio après nous avoir agressé pendant 5 ans à coups de mixtapes foireuses et d’Eps imbuvables mais toujours en filigrane cette petite lueur qui nous empêche de le détester complétement, ce côté artiste incompris, à moins que ce soit de la pitié humaine, cette infime barrière entre l’être humain et l’animal. Depuis mon arrivée chez Reaphit, on m’a souvent bousculé pour que je sorte de mon confort musical à 180° et explorer des degrés invisibles à l’œil nu. Et des merdes j’en ai exploré, autant j’arrive à comprendre l’addiction à l’univers de PNL tout en m’attristant du degré zéro des paroles, autant le festival des gangsters cueilleurs de tulipes à la Kekra, Damso et autres fils putassiers de Booba m’est complètement hermétique. Au milieu de ces deux ressentis trône Vald, l’opposé parfait à PNL, l’inverse du gangsta rap français moderne.
Agartha donc, tout un programme, un royaume et à sa tête un roi divin Sullyvan qui fait et défait les éléments à sa guise. Bien aidé par une ligne musicale dont la date limite de consommation était déjà dépassée au moment de sa création, on tend la main vers la divinité en espérant qu’il nous sauve de ce naufrage instrumental. Indulgent et miséricordieux, Vald répond à l’appel de nos âmes maltraitées en nous accordant un radeau de fortune lyricale mais la température du groove est proche du zéro congelant petit à petit l’ensemble de nos membres. Le souffle chaud du flow de Vald offre un temps de répit mais les séquelles sont trop importantes pour que l’on en sorte indemne.
Bordélique et sans aucune recherche de cohérence, cet amas musical super bien mixé reste bizarrement ce que Vald a proposé de mieux jusqu’à présent. L’intérêt d’Agartha ne réside donc pas dans son apport musical mais dans l’interprétation de son auteur qui par ses fulgurances ne laisse aucune place au débat. La conclusion de toute cette confusion reviendra donc à l’auditeur et à sa propre définition de ce que doit être un album, musical ou non.
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V comme Megadose de C(assage de Nuque) – Maëlle
20 janvier. Investiture, outre-atlantique, d’un type sombre et illuminé. Parait-il. Parce que, à force de hashtags et d’annonces dans nombre de freestyles et autres productions audiovisuelles, on a surtout retenu : Agartha le 20 janvier. Attendu au tournant et dans le turn up, Vald avait peu d’options : tout casser, ou décevoir, beaucoup.
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Entre 1er et 33ème degré, difficile, donc, de le situer ; la Vitrine est enfumée. Et dans la buée, des symboles satanico-reptiliens sont esquissés mais ne tiennent pas plus de quelques secondes, laissant un arrière-gout d’ironie et un sourire en coin. Avec assurance et sur de nombreux morceaux, il démontre que l’ultra-détachement n’est pas qu’un jeu de personnage mais bien un choix assumé, quitte à être incompris par beaucoup et à en blesser certains. C’est très bien fait sur cet album, mais c’est un filon qui risque d’être assez vite épuisé s’il n’est pas plus étoffé. Et pour le moment, Agartha n’a bien Ni Queue Ni Tête, mais c’est pourtant un projet cohérent, d’autant plus que la prise de risque est indéniable, dans le choix des instrus et du feat avec Damso notamment.
Et lorsque vient le 17ème morceau, on se ressert un Dernier Verre, pour digérer ; « y a du sang partout, faut des crampons pour pas glisser ». Se cramponner, donc, à ce qu’il reste d’Agartha après l’avoir saignée : Valentin a été sans limite puis faussement innocent, provoquant puis sincère calmement, il a crié parfois mais pas braillé non plus, il a vidé son carquois et n’a même pas déçu. En apparence, Vald ne fait pas dans la dentelle, et pourtant il signe là un subtil numéro d’équilibriste entre trash inconscient et bien posé, provoc’ triangulaire rondement menée, punchlines presque conscientes et sérieusement amenées. Le bide est évité avec maîtrise, c’est une Mégadose, sans une pause sauf pour boze, Vald ose et démonte le magicien d’oz.
Opération Agartha – Théo
Objectif de mission : véroler les masses en en prenant le contrôle par le biais de fréquences hertziennes subliminales afin de les faire adhérer au projet de Nouvel Ordre Mondial (NOM). / Rapport d’infraction n° 20012017 / Matricule du sujet : VALD / Infraction : Tentative de sauvetage du monde. En Puma. / Sentence requise : NQNT
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Missive méga confidentielle destinée au 34ème degré de la Franc-Maçonnerie du Rite Reptilien.
AGARTHA a été lancée suite à l’échec de l’opération SKYROCK dirigée par le sujet de nom humanoïde Laurent Bouneau. Cette dernière visait à prendre le contrôle des masses françaises sous couvert de la musique dite rap. Notre envoyé échoue depuis des années à émettre les bonnes fréquences subliminales, ses écailles s’altèrent dû à une surconsommation d’excréments radiophoniques, et il a fini d’être discrédité par le sataniste connu de nos services sous le matricule B2OBA. Un nouvel agent a donc été créé, et son œuf envoyé éclore dans les égouts du district 93. Depuis son éclosion supervisée par notre maître maçon Alkpote, Valentin Le Du, de son appellation humanoïde, construit son personnage afin de tromper les esprits, ne pas être repéré et se fondre dans la masse afin de la contrôler. Adressant d’un BONJOUR, message de paix au monde humain, il a su se positionner en messie du rap français.
Sa première transgression de nos principes de confidentialité fut repérée, avant nos services, par un certain Killuminati, qui à l’occasion d’une trilogie de SELFIE a mis en évidence la queue de notre agent. Fruit de l’efficience de nos laboratoires, celui qui se fait également appeler Sullyvan a su avec brio inverser cette théorie et la retourner contre son conspirateur en se jouant de sa clairvoyance pour la tourner en ridicule. Il a ensuite inversé la temporalité pour pouvoir le dévorer au stade de fœtus. Tout semblait donc en place pour le succès de la mission AGARTHA, qui grâce à V aurait dû être notre Vendetta.
Le 21 octobre 2016 du calendrier humain, le clip d’Eurotrap sort sur les internets du monde entier et lance l’engrenage de la traîtrise du dénommé VALD. Un court métrage où on le voit sortir d’une des portes de notre royaume secret en moonwalk, technique d’approche de feu l’agent Jackson pour pervertir et corrompre la jeunesse. Si seul un œil avisé aurait pu déceler cet indice, la suite est sans appel. Tourné sur fond vert, soit disant pour qu’il soit participatif et que les moutons puissent faire leur, ledit clip, il annonce le nom de l’album qui n’est autre que celui de sa mission, celui de notre royaume. La corrélation est si simple que même le bras gauche de Laurent Bouneau aurait fait le rapprochement. Le dessein de Valentin se dessine en langage des signes, révéler au monde entier notre existence quitte à se sacrifier pour la science. La pochette de ce qui aurait dû être un virus auditif et pandémique est un affront à notre loge, dévoilant en le blasphémant l’un des vitraux de la légendaire sainte basilique de Shambhala.
Sortant ce pamphlet contre nature le jour de l’investiture de Donald Trump, il vient s’allier à lui face au Nouvel Ordre Mondial que nous bâtissons. Ouvrant l’album avec le morceau « Acacia », qui n’est autre qu’un symbole maçonnique, il dévoile le nom de notre ambroisie, la vitamine verte. Il se sait sous surveillance et alors lance « Vis ta vie, jette les dés même si les pyramides guettent, pédé ». N’étant point Charlie, il s’allie à notre ennemi de toujours, Sylvain Durif, au son d’un Je suis Le Grand Monarque. La félonie n’est donc jamais finie. Localisant précisément notre chère Agartha, il se voit en messie ouvrant le chemin à des hordes d’humains harassés par les choses haïssables en surface (comprendre les conséquences de notre sainte entreprise de NOM). Il convient d’admettre que l’album m’a fait frétiller la tête à m’en casser la queue (qui a vite repoussé), et qu’à de nombreuses reprises mes écailles se sont hérissées d’un plaisir peu commun, parfois malsain. Toutefois, cet hérissement fut surpassé par la froideur de mon sang qui se glaça à de nombreuses reprises en entendant toutes les révélations du sujet sur notre société. De nos modes de déplacement (« J’veux m’balader à dos d’Diplodocus« ) aux noms et l’identité de nos alliés (sont cités entre autres, les bretonnes, la société VRIL, le projet Haarp, Sauron, Anne Hidalgo et bien d’autres encore…), VALD ne fait pas les choses à moitié. Oscillant entre un discours subtil et des aveux francs, sa traîtrise est flagrante, il est pris en plein délire, « Mutation amorcée J’suis déjà à un stade avancé Je ne suis qu’une créature Des multinationales sous rafale cadencée« .
Ces révélations ne sont pourtant que pacotilles face au coup de couteau dans MON dos qu’est le morceau numéro 9, en référence criante aux 9 cercles de l’enfer de Dante bien entendu, « Lezarman ». Oui vous avez bien lu, cet ingrat à qui nous avions confié une mission de la plus haute importance, qui aurait pu par la suite me succéder et prendre ma place d’Inspecteur Général à la tête du 33ème échelon, se voit en Neo et sort de la matrice pour un parricide Œdipien. De ma naissance sur Nibiru à mon régime alimentaire fœtal, en passant par ma propre marque vestimentaire, jusqu’à mes pratiques fécales. Mes moindres occupations, desseins, rêves sont délivrés, pire, rappés aux Hommes pour leur offrir la vérité. Osant aller jusqu’à presque valider la théorie de l’évolution de Darwin, il confie qu’il y a « le chaînon manquant dans [MON] tube à essai ». Imaginez les humains réaliser qu’ils ne sont que le fruit de NOS expériences, que dis-je, de MON expérience. Alors certes, il n’oublie pas de m’encenser quelque peu, reconnaissant mon génie écaillé… « Lezarman : boss de la secte, t’écrase, et comme un insecte et personne peut faire plus de ‘seille, c’est lui qu’a créé les règles ». Pourtant, lui qui me connait tant devrait savoir que je suis incorruptible, et que l’entreprise du Nouvel Ordre Mondial passe avant tout, il n’y a que démocratie et corruption qui traînent dans les mêmes partouzes.
D’ailleurs, parlons-en de ces partouzes où il a dû rencontrer ce couple qui l’a entraîné dans sa perdition, un homme et une femme de ma propre création, l’un de mes Adam, l’une de mes Ève ! Deux créatures faibles, deux chacals, sûrement des islamo-gauchistes en manque de lutte finale dont il s’est entiché jusqu’à la moelle et qui l’ont vérolé de sentiments, au point de lui faire chanter de dégoulinants « Je t’aime ». Cette perversion est également le fruit des actions directes d’une fratrie de déserteurs répondant au matricule PTPFG, l’ayant corrompu à une drogue nouvelle, la « souye ». Ces deux pigeons bleus sont désormais chefs de file d’une nouvelle race du genre humain en pleine ascension et qu’il faut donc surveiller de près, les gros. A surveiller tout comme les tentatives d’approche du sataniste Kopp, qui envoie son padawan à la sombre force Damsodomiser la vitrine pour lever le voile sur notre commerce létal…
De fait, je vous transmets, ô Conseil Suprême du 34ème degré, les chefs d’inculpation dont j’accuse le sujet VALD : félonie envers sa patrie et son ethnie, atteinte à la sûreté du monde d’Agartha, divulgation de secrets de plus haut niveau, propagande révolutionnaire pro-humaine, sabotage du projet de Nouvel Ordre Mondial et appel au parricide. Mon réquisitoire se termine sur une demande, de ce qui me semble être une punition exemplaire, mais nécessaire : la NQNT. Qu’on en fasse celui qu’il voudrait être, un vulgaire mortel qui souffrira et connaîtra la mort avant le disque d’or, qu’il subisse une ablation des écailles et de ses attributs reptiliques, qu’il ne reste Ni Queue Ni Tête.
Lezarman, Inspecteur Général de 33ème degré
de la grande loge Franc-Maçonnique du rite Reptilien.
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Agartha, ou le petit théâtre de l’absurde – Klément
Quelle ne fut pas ma douce joie, emprunte d’un réconfort certain, une fois la décision actée de sortir un papier à 10 menottes pour Agartha, premier album de Valentin. Je n’aurai donc pas à énumérer les frasques d’antan du zigoto dans une présentation sommaire, ou à étaler son cv que les concernés auront déjà épluché en long, en large et en traviole.
Depuis le freestyle chez les repti-crypto-illuminazis de Skyrock, qui un soir de décembre réunit la crème de la chantilly du quatre-vingt treize, et ajoutant à cela les deux extraits clippés saupoudrés sur le net à la manière du plus maniéré des bouchers que-tur, j’étais clairement comme une pucelle avant son premier aller-retour. M’interrogeant sur les motivations profondes de Sullyvan face à des textes d’une puissance hallucinatoire rare, faisant presque passer Artaud pour un enfant de cœur premier de cordée. Qu’en serait-il de l’album, et comment faire tenir ça sur la durée ? Des inquiétudes d’autant plus grandissantes lorsqu’un soir de biture entre moi et ma bouteille, un œil sur l’écran de l’ordinateur et l’autre sur celui de la télévision, j’aperçus V en pleine partie de ping-pong avec le roi de la glisse, j’ai nommé Hanouna. La promo, ouais d’accord, mais attends, il est pour qui ton album ? Tu vises qui là ? Parce que le français moyen qui s’marre en voyant Delormeau le slibard plein de noodles, j’suis pas sûr qu’il saisisse la subtilité de certains titres, tu vois ? Mais une fois la quille sur le cul, tout était enfin clair. Bon, cent, mais c’est pas sûr… Vald, c’est le personnage d’une pièce de Ionesco se jouant sur la grande scène de la vie. Et quel
meilleur petit théâtre de Guignol que celui de la chaîne numéro huit ? Bon, y’a aussi la quatre, mais consciencieux, il y a, paraît-il, également fait un tour. C’est cohérent, on est dans un univers parfaitement maîtrisé par le meilleur marionnettiste de ce rap jeu, lâchant même quelques indices, évoquant le fist de peluches poilues. C’est du cinéma de petits trapus, avec face caméra, un humanoïde au sens noctambule aigu. Un semblant de hibou cerné sur deux grandes échasses.
Puis vint le vingt tant attendu. Explosion interne plus qu’efficace. Au-delà de toute espérance. Vald a créé un monstre magnifique. Fustigeant le monde entier, n’épargnant personne, Agartha est un sans faute. Sautillant avec une facilité déconcertante entre comptine pop et trap hardcore, l’album est parfait. Du mixage à l’agencement des morceaux, de la production aux manières textuelles, de l’absurde au concret, l’unanimité est faite en ce début d’année. Avis aux auditeurs qui commenceraient à se lasser des sons rap francophones, il est probable qu’Agartha soit un réel tournant dans l’histoire du rap. En ce sens où Vald ouvre les portes de ce monde secret des savoirs et de la connaissance lumineuse accessible à tous. Aujourd’hui, on peut rapper de cette manière. Se jouer des mots et du public sans pression aucune, et ça c’est beau. Libre à toi, jeune auditeur te pensant au dessus du lot par une puissance cérébrale qui nous dépasse tous, de nous expliquer ce que nous n’avons pas saisi sur cette album par tel ou tel niveau de lecture, et libre à moi de t’expliquer gentiment que comprenne qui pourra. C’est tout pour moi. Reste à voir comment l’album sera défendu sur scène mais pas d’inquiétudes, Vald y a déjà fait ses preuves. La tournée est lancée, plus rien n’arrêtera le missile Sully.
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